1er mai 2016
Dans l'Europe ou hors de l'Europe :
une affaire de patrons !
David Cameron, le premier ministre anglais, membre du parti Conservateur, organise pour le 23 juin un référendum sur le maintien, ou non, de la Grande Bretagne dans l’Union européenne. Comment voter ?
Le parti de Cameron lui-même est divisé sur la question, tout comme le sont d'ailleurs les syndicats et la gauche. Et beaucoup de gens sont indécis.
Pour l’Internaitonal Socialist League (ISL), la section de la LIT-QI dans ce pays, le choix est entre le Royaume-Uni dans une Europe impérialiste ou un Royaume-Uni impérialiste hors de l'Europe, et les camarades appellent donc les jeunes, les travailleurs et les communautés de la classe ouvrière à rejeter ce choix et à boycotter le référendum. Voici leur commentaire.
Le Royaume-Uni « IN » (dans l'Europe) ou « OUT » (hors de l'Europe) ?
David Cameron, le chef du Parti conservateur, a été contraint d'organiser le référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Europe pour répondre au défi de l'UKIP (un parti d'extrême droite) et d'un bloc de parlementaires Conservateurs qui mènent une campagne en faveur de la sortie de l'Union européenne, une campagne alimentée par la xénophobie, le racisme et le nationalisme et basée sur l'hostilité envers les migrants et les réfugiés. Mais tous – les IN (le OUI, en faveur du maintien dans l'Europe) comme les OUT (le NON, en faveur de la sortie) – sont d'accord sur les principes de base : écraser les droits des travailleurs ; privatiser les services publics ; réduire les salaires et les conditions de travail ; utiliser le racisme et la xénophobie comme excuse ; et défendre la « City », le centre financier de Londres, et la position du capitalisme britannique dans le monde. Ce qui les sépare, c’est la stratégie pour réaliser tout cela, la meilleure façon, pour les patrons, d’écraser les travailleurs et de maximiser leurs profits et leur richesse. Mais tous, les Conservateurs comme la UKIP, défendent la privatisation des services britanniques de la santé et de tous les services publics ; et tous défendent le TTIP.
Une nouvelle forme de colonialisme de l’UE s'est développée, dans laquelle la richesse est directement transférée de la périphérie vers le centre, en particulier en Grèce et maintenant en Ukraine. Et une des formes consiste en un transfert colonial de capital par voie de paiements d'intérêts sur une dette toujours croissante.
La politique d'austérité de l’UE emprisonne les petites nations en Europe ; alors qu’en dehors de l'Europe, elle asservit (ou tente d'asservir) les pays du Moyen-Orient et de nombreuses autres parties du monde. Elle donne d'énormes sommes à la Turquie alors qu'Erdogan réprime et tue les Kurdes, la jeunesse turque et les syndicalistes. Elle soutient Israël et une solution en Syrie qui inclut Assad.
La lutte de pouvoir dans l’UE
Il y a une lutte entre les principales puissances de l'Europe dans laquelle le capitalisme britannique veut fonctionner avec une réglementation minimale, mais avec une protection contre les banques et les entreprises allemandes et françaises. Et Cameron essaye de défendre les banques et les transnationales britanniques au sein de l'UE afin qu’elles puissent, comme des criquets ravageant les récoltes, s'emparer de ressources et de bénéfices en Europe et dans le monde.
La City de Londres est massivement en faveur de rester dans l'UE et s’oppose au Brexit. L'UE est une puissante force pour le néolibéralisme, la privatisation et la réduction des salaires des travailleurs. Mais des groupes de petites entreprises et certains capitalistes plus importants voient dans la rupture avec l'Europe un moyen pour sortir de leurs problèmes économiques.
Pour une issue pour les travailleurs, pas pour les capitalistes
Un rapport récent de l'UE a noté que l'investissement non-résidentiel (ce qui exclut les ménages qui achètent des maisons) a diminué sa part dans le PIB. Et la principale raison est « un niveau réduit de rentabilité ». La Commission a constaté que la rentabilité de l'Europe « est resté en-dessous des niveaux d’avant la crise ». Les Conservateurs parlent d'un avenir économique en rose, mais le prochain référendum coïncide avec la perspective d'une troisième phase de la crise mondiale, et l'augmentation de l'endettement des ménages est loin de cet avenir en rose.
Ce ne sont pas les intérêts des travailleurs, immédiats ou futurs, qui sont en jeu dans ce référendum. Il s'agit de l’augmentation de l’exploitation des travailleurs, natifs ou immigrants.
Le Parti Travailliste est pour le Oui.
La majorité du Parti travailliste appuie le maintien dans l'UE et Corbyn s'est arrangé avec l'aile droite et la bureaucratie syndicale sur cette position.
Selon Alan Johnson, le champion de la campagne pour le Oui, « le référendum sur l'UE sera la décision politique la plus profonde de ma vie en termes de son effet sur notre prospérité nationale et la position de la Grande-Bretagne dans le monde. [...] La campagne du Parti travailliste, que je dirige, va mettre l'avenir du pays au-dessus des machinations des partis, mettant l'accent sur la contribution que l'UE a fait pour la paix et la prospérité sur notre continent. »[1] Mais les immigrants, les Grecs et les petits pays ne seront pas d'accord ! Demandez à ceux qui sont sanctionnés en Grande-Bretagne, les métallos sans emploi, les jeunes médecins, les cheminots et les millions de travailleurs occasionnels ou avec des contrats de travail de « zéro heure » et tous les travailleurs en grève en Europe, s'ils sont d'accord !
Après le traitement brutal infligé au peuple grec au cours de 2015, l'UE a prouvé être une autocratie anti-démocratique engagée dans l'austérité permanente, quel qu’en soit le coût humain. Le programme de libre-échange de l'UE au cours des vingt dernières années a montré que la réforme radicale nécessaire pour rétablir l'UE est impossible.
Le OUT
La campagne de l’extrème droite pour le NON met l'accent sur les lois de l’UE et l'immigration, comme cause des problèmes de la classe ouvrière britannique, exhaltant l’insularité, le racisme, le nationalisme et la xénophobie. Elle est déjà un élément dans l'approfondissement de la guerre de Cameron contre les migrants à Calais et des attaques draconiennes contre les allocations et le logement qui sont annoncées presque tous les jours. Les militants pour le NON proviennent d'une partie de la bourgeoisie (représentée dans la campagne Business for Britain), les PME et des secteurs de la classe moyenne représentés en partie dans UKIP et d'autres groupes racistes. Cependant ils viennent aussi de la gauche, comme George Galloway, qui a récemment partagé une plate-forme avec Nigel Farage (UKIP).
La section britannique du CIO (Socialist Party) soutient aussi la campagne pour le NON et fait valoir que le mot d'ordre « aucun contrôle de l'immigration » serait un obstacle pour convaincre les travailleurs d'un programme socialiste.[2] Cependant « aucun contrôle de l'immigration » est une demande de premier plan dans la lutte pour le socialisme et un programme socialiste. L’ouverture de la frontière de Calais et l'octroi d'un passage sûr à tous ceux qui le veulent est très important pour montrer à tous les immigrants que nous sommes solidaires avec eux. Pour nous, les autochtones et les immigrants sont une même classe ouvrière.
L'Union européenne : un nœud coulant pour la classe ouvrière
La majorité des dirigeants syndicaux soutiennent le vote pour le OUI. Mais l'UE est un nœud coulant pour la classe ouvrière. Certains travailleurs pensent que l'UE protège les services et les emplois de l’austérité des Conservateurs. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. L'UE impose des contrats « zéro heures », la précarité et la pauvreté salariale, et elle est en train de détruire la négociation collective à travers l'Europe, dans le cadre de son programme d'ajustement structurel.
Même le Trades Union Congress pro-européen, qui a fait campagne pour le Oui au référendum grec pour plus d'austérité, admet ouvertement que « les coupes dans les salaires et dans les services publics et l'affaiblissement des droits de négociation collective sont tous à l'ordre du jour ». Le modèle néolibéral de l'emploi de l’UE exige que les salaires reflètent la productivité, ce qui signifie réduire encore plus les salaires, prétendument pour rivaliser avec les économies centrales à haut taux d’investissements de la France et de l'Allemagne. La Commission européenne, le FMI et la BCE interviennent désormais directement dans les négociations nationales des salaires en Irlande, en Grèce et en Roumanie pour affaiblir la négociation collective. Auparavant, en Roumanie, 98 % des travailleurs étaient couverts par des conventions collectives ; aujourd'hui, ce chiffre est d'environ 20 %.
Les emplois des travailleurs ne peuvent pas être protégés par l'attachement à l'UE. L’austérité, ce gouvernement ou l'UE ne peuvent être réformés. C'est pourquoi les travailleurs à travers l'Europe s'opposent aux attaques de l'UE et descendent dans la rue.
Il y a eu beaucoup de grèves en 2016 : les jeunes médecins et les travailleurs des chemins de fer en Grande-Bretagne ; les travailleurs des transports à Barcelone ; les contrôleurs aériens, les dockers, les chaufeurs de camions et plus de 5,6 millions de fonctionnaires en France des grèves générales en Grèce ; les cheminots en Belgique ; les fonctionnaires au Portugal.
La volonté de combattre vit dans les rues de l'Europe. Une Europe des travailleurs et des peuples ne peut être construite qu’à partir d’en bas, pour renverser la vision cauchemardesque imposée par les institutions non-démocratiques d'en haut.
Ni l'austérité ni l'UE ne peuvent être réformées.
>La Grande-Bretagne est une nation qui opprime et nous ne pouvons soutenir ni l'un ni l'autre camp de nos oppresseurs dans ce référendum particulier.
Nous appuyons inconditionnellement le droit de la Grèce, de l'Espagne, du Portugal et de l'Irlande de quitter l'UE, parce que cette dernière et la BCE, soutenues par le FMI, ont imposé l'austérité dans ces pays et ont transformé ces pays en semi-colonies. La seule issue pour les petits pays, pour les immigrants, pour tous les travailleurs est de quitter l'euro et l'UE.
Nous appelons à une campagne pour défendre les droits des travailleurs, pour soutenir les luttes de tous les travailleurs et pour dénoncer le motif xénophobe et du profit égoïste des deux camps capitalistes. Nous appellons également, sur base de la nécessité de soutenir les nations opprimées en Europe, à faire tomber ce gouvernement, à briser l'UE, par les actions des travailleurs.
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[1] Nous soulignons.
[2] Socialist Voice, août 2014