Pas de « dialogue » avec le dictateur, falsificateur et répresseur ! Le Comité ouvrier unifié de grève doit prendre l'initiative de diriger l'ensemble de la lutte.
Parti ouvrier internationaliste (POI), la section russe de la LIT-QI
En direct de Minsk, Bélarus
28 août 2020
Nous n'oublierons pas, nous ne pardonnerons pas !
A bas le régime de Loukachenko !
Une situation révolutionnaire se développe au Bélarus. Les derniers événements, l'éruption du mécontentement populaire sous la forme de gigantesques manifestations de rue et de grèves ouvrières, nous donnent tout à fait le droit de le dire. En quelques jours, l'action directe des masses a laissé le régime autoritaire de Loukachenko au bord de l'effondrement. En si peu de temps, le régime a déjà accumulé une série de défaites. La falsification évidente et éhontée des élections, déjà en soi illégitimes, a fait descendre les gens dans la rue, et cela en passant par-dessus de Tikhanovskaya, qui a appelé à ne pas le faire et qui a essayé de calmer les gens avec des déclarations du genre « nous avons déjà gagné ».1
En réponse, Loukachenko a lancé sur les gens un appareil répressif spécialement formé pour de tels cas. Une opération punitive au plein sens du terme. Le but était non seulement de punir ceux qui osaient se mobiliser contre lui, mais aussi de mettre en œuvre une terreur de masse contre la population : des voitures avec des agents vêtus de noir circulaient dans la ville et arrêtaient tous ceux qui se trouvaient dans la rue, même si la personne se rendait au marché. Pour avoir klaxonné en soutien aux manifestants, la police attaquait les voitures, brisait les vitres, tirait les gens dehors, les poussait dans les fourgons et les emmenait en prison. La police anti-émeute d'OMON a ouvert le feu sur des personnes aux fenêtres des bâtiments,2 qui exigeaient qu'elle cesse de battre les gens et qui alertaient les personnes dans la rue lorsqu'elles voyaient les membres de l'appareil de répression. Quelques morts, beaucoup de blessés, 7 000 prisonniers placés dans des cellules où il était impossible de s'asseoir, sans nourriture ni eau, des passages à tabac, des agressions sexuelles, des tortures sadiques dans les centres de détention... Les preuves et les photos des marques sur les corps ont horrifié tout le pays et ont rendu le régime de Loukachenko « célèbre » dans le monde entier. Des méthodes carrément fascistes de terreur totale contre les travailleurs et le peuple, visant à mettre toute la population en état de choc et à lui inspirer une peur totale. La dernière fois qu'une telle chose s'est produite en Bélarus, c'était sous l'occupation nazie.
Cependant, le résultat de l'opération répressive a fini par être à l'opposé de ce qui était prévu : l'opération a irrévocablement discrédité le régime, entraînant une explosion encore plus grande du mécontentement, des manifestations d’une ampleur jamais vues dans le pays, et l'apparition d'un mouvement de grève des travailleurs sur tout le territoire. Et au slogan qui nous unissait tous, « Dégage ! », s'est ajouté maintenant : « Nous n'oublierons pas, nous ne pardonnerons pas ! »,3 « Liberté pour les prisonniers politiques ! », « Loukachenko dans le fourgon ! » et « Au tribunal, maintenant ! ».
Le combat a déjà beaucoup gagné, mais il reste encore un long chemin à parcourir. Loukachenko doit être renversé, son régime doit être complètement démantelé, les organismes répressifs doivent être dissouts, tous les responsables de la répression - et cela inclut toute la hiérarchie des organismes répressifs - doivent être jugés par un tribunal populaire. Le Bélarus doit cesser d'être une prison et doit devenir un pays où règnent la liberté d'expression, la liberté de manifestation et de protestation, la liberté de réunion, la liberté syndicale et la liberté d'organisation.
Zhiv'e Belarus ! (Longue vie au Bélarus !)
La dangereuse illusion du « dialogue » et du transfert « progressif » et « pacifique » du pouvoir
La défaite de la falsification et de l'opération répressive ne fut pas le résultat de « négociations », mais de la mobilisation des masses. Et seule celle-ci peut mener la lutte jusqu'au bout, jusqu'au renversement définitif du régime. Mais aujourd'hui, au contraire, de toutes parts, tant de l'UE que du soi-disant « Conseil de coordination » (qui n'a été élu par personne), des appels arrivent pour un « dialogue » avec la dictature de Loukachenko, dans le but d'un « transfert progressif du pouvoir ».4
Il y a lieu de le dire clairement : le « dialogue » et le « transfert progressif du pouvoir » ne signifient rien de plus que l'octroi au dictateur, usurpateur et répresseur Loukachenko et à ses sbires d'un mandat pour gouverner le pays pour une période indéterminée. Et, bien sûr, des garanties d'avenir pour lui en cas d'un éventuel départ : après tout, personne ne quitte volontairement le pouvoir pour aller directement en prison, ce qui est exactement ce qu'il faut pour tout ce qu'il a fait ces derniers jours. C'est pourquoi le Conseil de coordination ne demande pas la dissolution des unités répressives d'OMON et du KGB, car le « dialogue » avec elles et le « transfert progressif » impliquent, bien sûr, le maintien de ces unités, de leur hiérarchie et de leur impunité générale. En effet, l'appel au « dialogue » et à la « transition progressive » signifie précisément un appel à « oublier et pardonner » ce que Loukachenko et ses forces de sécurité ont fait. Mais ce n'est pas pour ça que le peuple de Bélarus descend dans la rue ! Quel genre de « dialogue » peut-il y avoir avec le dictateur, falsificateur et répresseur Loukachenko !
D'ailleurs, Loukachenko lui-même ne veut pas de ce « dialogue ». Surtout parce qu'il comprend qu'avec son opération répressive - que les gens n'oublieront pas et ne pardonneront pas -, il a peut-être déjà éliminé toute possibilité de repli et s'est privé d'options. Le bloc des forces répressives est son dernier véritable pilier de soutien. La répression reste son principal instrument et le restera. Avec la défaite de son opération répressive, il a perdu une bataille, il a été forcé de renoncer à la terreur totale et a libéré la plupart des prisonniers. Mais la répression a pris des formes sélectives contre les militants, en particulier contre les dirigeants ouvriers. Dylevsky, le dirigeant du comité de grève de l'Usine de Tracteurs de Minsk (MTZ), a été arrêté par le régime pendant dix jours, tout comme Alexandr Lavrinovich, le dirigeant du comité de grève de l'Usine de Tracteurs et de Camions de Minsk (MZKT). Le dirigeant du comité de grève de l'Usine de Fertilisants de Grodno (Grodno Azot) a échappé à l'arrestation à son domicile uniquement parce que les agents de la répression, en s'approchant, se sont heurtés à ses camarades, lui donnant l'occasion de fuir le pays. Auparavant, Anatoly Bokan, le dirigeant du comité de grève de la Bélaruskaliy, une usine de fertilisants de Soligorsk, avait été arrêté et n'a été libéré qu'après l'ultimatum des ouvriers des entreprises de Soligorsk, qui allaient se rendre au siège du département de police local. C'est ça le « dialogue » ! En le même temps, à la première occasion, la police « attrape » les gens un par un dans les activités. Le nombre de prisonniers politiques dans le pays ne cesse de croître. Et il est difficile de douter que le dictateur tentera à nouveau de recourir à la force, dès qu'il sentira un certain affaiblissement dans les protestations.
Quel genre de « dialogue » peut-il y avoir avec une personne qui continue à menacer le peuple de « régler ses comptes » avec lui, qui persécute les grévistes, qui menace de fermer toutes les usines du pays pour briser la résistance des travailleurs et du peuple ! Quel genre de « dialogue » peut-il y avoir avec un dictateur qui demande l'aide de Poutine, c'est-à-dire de l'armée russe, et qui est prêt à mettre le Bélarus à ses pieds pour de bon, juste pour étouffer le peuple et rester au pouvoir ! Ce n'est pas pour cela que les gens se battent. Ce n'est pas pour cela que les grévistes prennent des risques dans les usines. Nous n'avons besoin d'aucun dialogue avec la dictature de Loukachenko, mais de la sortie immédiate du bourreau du peuple, de la dissolution du KGB et d'OMON, et pas seulement du remplacement des directeurs de ces organismes répressifs, comme le propose le Conseil de coordination. Nous avons besoin de la poursuite en justice de tous les responsables et coupables du martyre du peuple.
Liberté pour tous les prisonniers politiques ! Pas d'extension du pouvoir au régime de Loukachenko ! Loukachenko, dégage !
Zhiv'e Belarus !
Si vous voulez la paix, préparez-vous à la guerre
Les appels au « dialogue » et au « transfert progressif du pouvoir » sont lancés sous la devise d'un processus « pacifique ». Il est évident que les travailleurs n'ont pas besoin d'une effusion de sang pour rien, nous voulons tous l'éviter. Mais que valent les appels à la paix lorsque Loukachenko déclare chaque jour la guerre au peuple, le persécute avec ses organismes répressifs, menace toute la population insatisfaite de licenciements et de représailles ! Que valent ces appels à la paix alors que les grèves font l'objet d'une répression brutale, où la direction de l'usine est associée à OMON ? Que valent-ils alors que Loukachenko place l'armée en état d'alerte, non pas pour défendre le pays d'une éventuelle invasion, mais pour menacer le peuple ? Dans ces conditions, parler de « paix » ne fait que désarmer les travailleurs et le peuple en lutte, face à la répression du régime. Et de cette façon, cela l'aide à verser notre sang.
L'expérience de la lutte des travailleurs dans le monde entier nous enseigne une règle stricte : plus l'action des masses contre leurs oppresseurs et bourreaux est décisive, moins de sang est versé. Et, au contraire, les illusions pacifistes rassurantes, les espoirs dans le « bon sens » des répresseurs, conduisent à une demi-résistance, une résistance incomplète. Ils l’amollissent et l'affaiblissent, ouvrant la voie à des défaites qui ne manqueront pas de faire couler du sang et des larmes des travailleurs et du peuple. Car lorsqu'une révolution est défaite, les vainqueurs agissent toujours selon la règle « malheur aux vaincus ». Et Loukachenko a déjà montré ce que cela peut signifier.
Ceci est doublement d'actualité dans une situation où Loukachenko est soutenu par le régime de Poutine, cet avant-poste international de la contre-révolution, qui a déjà frappé contre la révolution ukrainienne, et pas seulement contre elle. Bien que Poutine veuille apparemment éviter une intervention contre-révolutionnaire totale, comme ce fut le cas en Ukraine, il joue à tout le moins le rôle de protecteur du régime de Loukachenko, considérant comme meilleur scénario que Loukachenko écrase les protestations sans son intervention directe, étant, lui, toujours prêt à « collaborer » en fonction de la situation : soit avec le « débarquement » de propagandistes de Russia Today en soutien à la télévision biélorusse (c'est déjà un fait),5 soit avec un soutien logistique (il semble aussi y en avoir un), et même éventuellement avec la possibilité, qui ne peut être totalement exclue, d'envoyer des mercenaires russes dans le pays, déguisés en uniformes biélorusses. Et au moment où nous écrivons ces lignes, Poutine a déclaré publiquement qu'il avait préparé, à la demande de Loukachenko, un corps de soldats russes pour l'aider « en cas de besoin », c'est-à-dire pour mener une intervention de répression du peuple biélorusse.
La courte expérience actuelle des grèves en Bélarus confirme également cette règle : les tentatives d'organiser des grèves « pacifiquement », sans heurter les directeurs des usines et en dialoguant avec eux, finissent par empêcher le développement des grèves, laissant place à une répression conjointe des directions avec des troupes OMON contre les travailleurs.6 Les représentants des patrons peuvent manœuvrer, ils peuvent être hypocrites et jouer au « dialogue », mais ils ne concluront jamais un accord qui favorise les grèves, car la raison d'être des patrons est précisément de les empêcher, puisqu'elles menacent leur position. Ici aussi, plus le combat est décisif, plus la certitude de victoire est grande et moins les pertes sont importantes.
Aujourd'hui, au Bélarus, on entend souvent l'opinion selon laquelle « soit nous renversons le régime maintenant, soit nous allons tous beaucoup souffrir plus tard, et le pays sera confronté à une émigration massive ». C'est une opinion très sensée et correcte. Et les illusions de « dialogue » et de « transition pacifique et progressive », répandues par le Conseil de coordination, préparent précisément cette perspective, car elles adoucissent le mouvement et donnent à Loukachenko le temps de se réorganiser et de contre-attaquer. Et sur fond d'incantations pacifistes engourdissantes du Conseil de coordination, il continue de mener sa guerre contre les travailleurs et le peuple, persécutant les militants et attaquant les usines. Les agents du KGB ne se contentent pas de circuler librement avec des caméras dans les manifestations, filmant les visages en vue d'une future répression ; ils persécutent aussi tout simplement les manifestants dans les rues sur le chemin du retour.
Il faut abandonner toutes les illusions dans les « dialogues » et dans un retrait « pacifique » du régime de Loukachenko et de ses hommes de main armés. Chaque militant, chaque gréviste doit être protégé. Ce doit être une tâche pour l'ensemble du mouvement. Toute arrestation d'un dirigeant, d'un gréviste ou d'un manifestant doit être un motif de protestation de masses.
Nous n'avons pas besoin de violence inutile. Mais aujourd'hui, dans les conditions de violence policière et militaire du régime contre le peuple, la question de la résistance et de l'autodéfense se pose inévitablement. Nous ne pouvons pas rester sans défense et sans armes face à l'appareil répressif de l'État. Les ouvriers, les travailleurs et le peuple ont le droit de se défendre et de défendre leurs camarades, leurs parents et leur mouvement par tous les moyens disponibles et efficaces à l'heure actuelle. Et ils doivent y être préparés. Le mouvement doit être capable de se défendre pour ne pas être victime de la répression.
Aucune illusion pacifiste dans le régime répressif ! Nous nous défendrons et nous combattrons la répression !
Zhiv'e Belarus ! (Longue vie au Bélarus !)
L'avenir du Bélarus doit être décidé par le peuple biélorusse, et non par l'UE ou Poutine.
Afin de rendre possible le « dialogue » et la « transition progressive », le Conseil de coordination a demandé la médiation de l'UE et de la Russie. Mais cela signifie simplement remettre la décision sur le sort du Bélarus entre les mains des grandes puissances : l'Allemagne et la France, qui appellent au dialogue avec la dictature, en reconnaissant de fait Loukachenko comme président ; Poutine, qui le soutient directement. Tikhanovskaya, s'inclinant devant Poutine, promet de « ne pas changer le vecteur géopolitique », c'est-à-dire de veiller à ce que le Bélarus reste, comme sous Loukachenko, tout aussi soumis à la Russie et à l'UE.
Ce n'est pas pour cela que le peuple biélorusse se bat ! Et ce n'est pas pour cela que le pays a été teinté de bout en bout par les couleurs du drapeau national. Ce n'est pas pour cela que le cri « Zhiv'e Belarus ! » d'une nation qui se bat pour sa liberté résonne dans ses villes ! Le sort du Bélarus ne peut pas être laissé à la discrétion des grandes puissances, qui défendent invariablement leurs propres intérêts, comme cela a toujours été le cas. Il ne peut pas être soumis à l'UE, ni à la Russie ! Nezalezhnost ! Indépendance nationale !7
Zhiv'e Belarus !
Changer quelque chose pour ne rien changer ?
Les raisons pour lesquelles Poutine soutient la dictature de Loukachenko sont faciles à comprendre : son régime autoritaire est objectivement le suivant sur la liste. D’autant plus qu'aujourd'hui en Russie, à Khabarovsk, à l'autre bout de l'Eurasie, des protestations de masses se poursuivent,8 et en principe, contre des malaises similaires : l'autoritarisme et le mépris du peuple, qui souffre de la dégradation de ses conditions de vie. Ce n'est pas un hasard si le drapeau blanc-rouge-blanc et le cri « Zhiv'e Belarus ! » sont maintenant affichés dans les manifestations à Khabarovsk, tout comme le drapeau de la région de Khabarovsk et le cri « Khabarovsk ! » apparaissent dans les protestations au Bélarus
Mais pourquoi l'UE, déguisée en amie de la révolution biélorusse, et le Conseil de coordination veulent-ils un « dialogue » avec Loukachenko et un « transfert progressif du pouvoir » au lieu du renversement de la dictature par le peuple ? Et pourquoi Poutine est-il à la fois enclin à mener une sorte de dialogue, et peu disposé à défendre Loukachenko à tout prix ?
Le fait est que la lutte du peuple biélorusse pour ses aspirations et pour l'indépendance du pays se heurte objectivement aux intérêts économiques des grandes puissances et de leurs capitaux. Par exemple, l'une des raisons de la pauvreté au Bélarus est que le pays a été saigné à blanc par les dettes envers la Russie et les banques internationales, auxquelles Loukachenko l'a lié pour maintenir son pouvoir. Comment combiner « Zhiv'e Belarus ! » avec la double garrotte de la dette envers la Russie et l'UE ? Car c'est précisément pour rembourser ces dettes que Loukachenko mène des réformes antipopulaires dans le pays, comme le relèvement de l'âge de la retraite. L'indépendance du pays et l'amélioration du niveau de vie sont impossibles tant que l'argent est aspiré par les banques occidentales et russes, alors que cette corde serre le cou du Bélarus. Il faut cesser de payer ces dettes frauduleuses. Mais l'UE et la Fédération de Russie comptent sur le maintien de ces paiements exorbitants et sur la poursuite des réformes antipopulaires pour les garantir. Toutefois, peuvent-ils imposer leur volonté à un peuple qui se bat dans la rue et qui fait la grève dans les usines ? C'est une bataille ouverte.
La position du Bélarus en tant qu'appendice de l'économie oligarchique russe, avec son propre secteur pétrolier et gazier écrasé sous le poids de celle-ci, appauvrit également le pays et le met dans une position de dépendance politique, ce qui en fait une victime du chantage constant de Poutine concernant le pétrole et le gaz. Pour y mettre un terme, le secteur du pétrole et du gaz au Bélarus doit être entièrement nationalisé sous le contrôle des travailleurs, pour servir le peuple biélorusse et non les oligarques russes. Il doit devenir un facteur d'indépendance du pays, et non l'inverse. Les oligarques russes pourront-ils maintenir le Bélarus dans l'état d'appendice russe lorsque le peuple se bat pour son pays ? Les Biélorusses l'autoriseront-ils ? C'est également une bataille ouverte.
De plus, l'exemple du Bélarus pourrait être suivi par le reste de l'Europe de l'Est, transformée au sein de l'UE en semi-colonie de l'Allemagne et de la France et dont la population, qui n'a rien de riche, émigre également, tout comme celle du Bélarus, à la recherche d'une vie meilleure. La révolution en Ukraine, qui souffre de l'occupation russe et de ses propres oligarques, pourrait également connaître un nouvel élan. Et c'est exactement ce dont ni l'UE, ni Poutine, ni Zelensky n'ont besoin. (Zelensky, l'actuel président d'Ukraine, appelle également à la paix et au dialogue et a même déclaré que les Biélorusses ne devraient pas copier la révolution ukrainienne.) Et, bien sûr, le développement du processus au Bélarus peut s'étendre à la Russie de Poutine, qui fournit fidèlement à l'Occident du carburant et des matières premières et rembourse aussi fidèlement les prêts occidentaux. C'est un processus dont l'UE n'a certainement pas besoin.
C'est pour ces raisons que les protestations sont la principale préoccupation de l'UE. C'est pour ces raisons que la principale préoccupation de l'UE n'est pas de retirer Loukachenko du pouvoir, mais de retirer les gens de la rue et de ramener les ouvriers aux machines. Aucun capitaliste n'a besoin de gens dans la rue, de grèves, de révolutions : ni les capitalistes russes, ni les capitalistes européens, ni les capitalistes biélorusses qui leur sont associés. Et Loukachenko, dont les relations avec l'UE se sont considérablement réchauffées ces dernières années (ce qui s'est traduit par de nouveaux prêts), n'a perdu la confiance de l'UE que parce qu'il a perdu le contrôle du pays et parce que son maintien au pouvoir ne fait qu'enrager encore plus le peuple et est devenu un facteur de « déstabilisation ». Pour calmer le peuple et préserver le contrôle sur le Bélarus, Poutine est même prêt, sous certaines conditions, à accepter le départ de Loukachenko.
C'est pourquoi l'UE, en dialogue avec Poutine, tente de parvenir à un accord avec Loukachenko et son entourage sur une sortie progressive. Sinon, on tente de les isoler au sein du régime, en veillant à ce que certains secteurs de l'élite, notamment les forces de sécurité, tournent le dos à Loukachenko et le chassent, en incluant l'opposition au régime, afin que tout le reste se maintienne aussi intact que possible et que tout continue d'être comme ça a toujours été. C'est exactement la raison pour laquelle Tikhanovskaya n'a cessé de tranquilliser le peuple depuis la période électorale ; et si elle appelle à la mobilisation, ce n'est pas dans le but d'aller jusqu'à renverser Loukachenko et son régime, mais pour « faire pression » sur eux afin de parvenir à un « dialogue ». D'où l'idée extrêmement dangereuse et fausse selon laquelle « la rue a fait son travail, il est maintenant temps pour les politiciens d'agir ».
S'ils réussissent à mener cette politique, cela signifierait voler la victoire des travailleurs et du peuple biélorusse. La seule façon d'empêcher cela est de continuer les mobilisations et les grèves, jusqu'à ce que Loukachenko soit renversé et que son régime soit complètement démantelé !
Zhiv'e Belarus !
Les grèves ouvrières sont la clé de la victoire.
Nous avons la force de renverser le régime de Loukachenko. Et le rôle fondamental dans ce domaine appartient à la classe ouvrière et à ses grèves. C'est pourquoi les noms des usines sont répétés dans les manifestations : MTZ, MZKT, Soligorsk, MAZ.9 C'est pourquoi l'apparition des drapeaux MTZ suscite un grand enthousiasme sur la Place de l'Indépendance de Minsk, où ont lieu la plupart des manifestations. C'est aussi pourquoi Loukachenko dirige maintenant la plupart de ses forces contre-révolutionnaires contre les ouvriers des usines, contre les grèves et les manifestations de solidarité avec les grévistes. L'intimidation des ouvriers a été poussée au maximum. Loukachenko comprend que s'il ne parvient pas à écraser les ouvriers, ses jours seront définitivement comptés. Les grèves doivent en effet mettre Loukachenko au pied du mur. Aujourd'hui, les grévistes mènent une lutte héroïque. Et très difficile. Les menaces du gouvernement ont réussi à remettre sur les chaînes de production les grévistes des premiers mouvements ouverts, avec des milliers de participants. Mais aujourd'hui, les grèves prennent une forme plus latente, des grèves de zèle, des grèves de tortue, qui dans un cadre d'équipements et d'installations anciens signifient souvent l'interruption du processus de production et l'impossibilité de produire les marchandises. Il faut assurer aux grévistes une solidarité totale, une protection contre les persécutions, un soutien matériel pour leurs fonds de grève, des lettres et des manifestations de solidarité. Il est difficile pour les grèves de se développer isolément. Et il est difficile pour le mouvement dans son ensemble de vaincre sans les grèves. L'unité du mouvement de grève des travailleurs avec les protestations populaires est la clé pour le renversement du régime de Loukachenko.
Zhiv'e Belarus !
La direction de la lutte doit être assumée par le Comité ouvrier unifié de grève !
Aujourd'hui, au Bélarus, le vide de direction des protestations est fortement ressenti. La spontanéité peut faire un excellent travail, mais elle ne peut pas mener la lutte en conséquence jusqu'au bout. Une manifestation se termine, et alors que faire ? Quelqu'un doit dire quelque chose pour que la lutte continue. Quelle est la prochaine étape dans la lutte pour renverser le régime ? Qui appellera à une action de protestation à grande échelle, et quand ? Qui remplacera les actions ponctuelles par la protestation et la grève indéfiniment jusqu'à la chute de la dictature ? Le Conseil de coordination, qui appelle au dialogue avec la dictature ? Ou les blogueurs ? Il est évidemment insensé de croire cela. Beaucoup parlent de la nécessité d'un « dirigeant ». C'est une idée extrêmement correcte. Oui, mais la question ne porte pas sur « un » dirigeant, notamment parce que, comme le montre la pratique biélorusse (et pas seulement elle), le dirigeant peut simplement être arrêté, tué, acheté, et il ne faut donc pas tout laisser dans les mains d'une seule personne. Une direction est nécessaire, mais collective, ramifiée à l'échelle de chaque entreprise et centralisée. Aujourd'hui, les comités de grève sont la forme naturelle, bien qu'embryonnaire, d'une telle organisation. Ils doivent être développés et centralisés, par ville et à l'échelle nationale.
Mais au lieu de cela, c'est le Conseil de coordination qui essaie de prendre la direction du mouvement, un Conseil formé par des personnalités connues dans le pays et dans le monde, mais souvent extrêmement contradictoires - comme Svetlana Aleksievich, et même Latouchko, ancien ministre de Loukachenko - et pas toujours directement liées aux protestations. Personne n'a élu ce Conseil de coordination. La seule personne « d'en bas » et élue au Conseil de coordination est le dirigeant du comité de grève du MTZ, Sergei Dylevsky (inclus dans le Conseil de coordination afin de légitimer cet organisme). Et surtout, le Conseil de coordination tente de mener les protestations sur la voie du « dialogue » avec la dictature et du « transfert progressif et pacifique du pouvoir », avec la médiation de l'UE et de la Russie, les créanciers du pays. On ne peut pas faire confiance à ce Conseil de coordination.
En même temps, il existe dans le pays un organisme, déjà né de la lutte directe et formé par des combattants et dans le secteur le plus fondamental des usines. Il s'agit du Comité ouvrier unifié de grève. Il n'y a pas d'anciens ministres de Loukachenko ou de Nobels de la littérature, mais il y a des combattants ouvriers, entre les mains desquels repose aujourd'hui en grande partie le destin du mouvement. Et en même temps, il est extrêmement nécessaire que l'ensemble du mouvement le soutienne, pour le développement du mouvement de grève des travailleurs. Le simple fait que le mouvement soit dirigé par un comité de grève des travailleurs, et non par des « personnes célèbres » et d'anciens ministres, donnera déjà une impulsion aux grèves, et par conséquent à l'ensemble du mouvement. C'est pourquoi le Comité ouvrier unifié de grève, composé de grévistes des principales usines, devrait prendre l'initiative de mener tout le mouvement à l'échelle nationale, d'appeler à de nouvelles protestations populaires de masse et à des grèves, jusqu'au renversement de la dictature. Il doit également garder entre ses mains le fonds de grève et le fonds de soutien aux combattants et à leurs familles.
Zhiv'e Belarus !
Pour la construction du parti politique (ouvrier) de la révolution au Bélarus
Une révolution est en cours au Bélarus. Une révolution, c'est quand les travailleurs et le peuple prennent leur destin en main. C'est l'expression ultime de la lutte politique et de la tension des forces de classe, comme nous pouvons le constater aujourd'hui. Pour ne pas être pris en otage par d'autres forces politiques, pour ne pas être entraînés dans les impasses des « dialogues » avec la dictature, etc., les travailleurs et le peuple ont absolument besoin de leur propre Parti politique. Un parti composé de nombreuses personnes, qui ne peuvent pas toutes être arrêtées. Qui se développe à partir des masses travailleuses, des usines et des autres lieux de travail, et qui a un programme ouvrier et révolutionnaire. Qui soit capable de prendre la tête de la lutte au quotidien et de mener notre révolution à la victoire, jusqu'au renversement du régime de Loukachenko et jusqu'à l'indépendance du Bélarus vis-à-vis des capitaux étrangers et des grandes puissances. Jusqu'à ce que les aspirations des travailleurs et du peuple biélorusse soient pleinement réalisées. Cela ne sera possible que si les travailleurs prennent le pays et son économie en main et les mettent au service de leurs propres intérêts. Aujourd'hui, au Bélarus, la possibilité s'ouvre de faire un bond dans la formation de ce parti. Faisons cela, camarades !
Vive notre révolution biélorusse !
Zhiv'e Belarus !
Notes:
[1]↑ Svetlana Tikhanovskaya était la candidate de l'opposition qui a affronté Loukachenko aux élections. D'emblée, le candidat était le mari de Svetlana, un banquier, qui a été arrêté et empêché de se présenter, tout comme deux autres candidats. Svetlana s'est alors portée candidate, proposant, si elle gagnait les élections, de libérer tous les prisonniers politiques et de convoquer immédiatement à des élections libres dans le pays. Elle a refusé de soumettre tout programme au-delà de cela.
[2]↑ OMON, le Détachement mobile à vocation particulière, créé en prévision des jeux olympiques de Moscou de 1980, réunit actuellement une sorte de gendarmerie paramilitaire, avec des détachements dans plusieurs pays voisins de la Russie, dont le Bélarus. (NdT)
[3]↑ Ce mot d'ordre est un expression traditionnelle relative à la Seconde Guerre mondiale, selon laquelle les crimes commis par les fascistes ne seront jamais oubliés ou pardonnés. Elle a une profonde signification symbolique dans le pays. Le fait qu'il soit utilisé en relation avec Loukachenko exprime le degré élevé d'indignation et de haine existant à son égard.
[4]↑ Le Conseil de coordination est une instance de notables, organisé par Internet, réunissant des personnalités proches du régime, comme un ancien ministre de Loukachenko, Latouchko, ou la prix Nobel de littérature de Bélarus, Svetlana Aleksievich. Il tente d'assumer le rôle de « direction » du mouvement.
[5]↑ Russia Today est une chaîne de télévision russe pro-Poutine. Plusieurs de ses « journalistes » ont été envoyés au Bélarus pour remplacer les journalistes locaux, en grève ou qui ont démissionné pour protester contre Loukachenko.
[6]↑ L'inexpérience totale a un prix. Les travailleurs, sans savoir comment organiser les grèves, ont souvent invité des représentants de leurs employeurs à leurs assemblées pour qu'ils leur « expliquent » comment mener les grèves « légalement ». Ceux-ci leur ont expliqué que les grèves politiques étaient interdites dans le pays, et que les grèves économiques devaient être signalées 10 jours à l'avance. C'est pourquoi de nombreuses grèves doivent maintenant commencer la semaine prochaine, après ce délai de dix jours. En d'autres occasions, les travailleurs « qui souhaitaient faire la grève » ont reçu « l'orientation » de demander un congé sans solde ( !) pour faire la grève. Des centaines l'ont fait. Le lendemain, ils ont été empêchés d'entrer dans l'usine pour organiser leurs camarades, « étant en congé »...
[7]↑ Le mot ukrainien et biélorusse Nezalezhnost (indépendance) est une référence à la Place de l'Indépendance de Kiev (Maidan Nezalezhnost), théâtre de la révolution en Ukraine de 2014.
[8]↑ Au cours des derniers mois, la ville de Khabarovsk, à l'extrême est de la Russie, a été le théâtre de manifestations massives contre le gouvernement central pour avoir destitué et emprisonné le gouverneur élu de la région, en le remplaçant par un gouverneur nommé d'office par Poutine.
[9]↑ MTZ - Usine de tracteurs de Minsk ; MZKT - Usine de tracteurs et de camions de Minsk ; Soligorsk - une ville qui concentre plusieurs usines en grève ; MAZ - Usine automobile de Minsk.