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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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1er mai 2016

Montée de la lutte contre la réforme du travail

Les coupes dans les libertés démocratiques, avec l’état d’urgence décrété suite aux attentats, ont ouvert la voie au gouvernement de Hollande pour avancer dans ses mesures d'austérité avec un violent projet de réforme du Code du Travail. Au-delà des coupes spécifiques dans les droits économiques et de la dégradation des conditions de travail, il y a l’extension des droits des patrons à licencier les gens et à ignorer les syndicats, la réduction du rôle des institutions de contrôle de l’Etat sur les entreprises, la déréglementation des normes du travail et les possibilités élargies pour les patrons de faire ce que bon leur semble.

   Il s'agit essentiellement d'un projet politique au bénéfice des patrons – dans le cadre d'une crise économique galopante et d'un climat de confrontation sociale – en les débarrassant des entraves qui les gênent dans leurs attaques contre les travailleurs pour mieux sauvegarder leurs profits en crise.
   La réponse populaire n’a pas tardé. La bureaucratie syndicale avait annoncé une « journée d’action » pour le 31 mars, suspendant ainsi pour un mois la résistance ; mais, sous la pression d’en bas, elle a finalement dû appeler à la grève et à la manifestation pour le mercredi 9 mars.
   Ce jour-là, après des années « paisibles », des manifestations unitaires et vraiment massives sont réapparues, avec 250 000 manifestants dans toute la France, dont plus de 50 000 à Paris, accompagnées par des grèves bien suivies. Ces actions sont le reflet d'une volonté de changements dans le pays, avec la reprise de l’initiative par les travailleurs. La continuité des protestations devait dire si ce scénario se radicalise.
   Et continuité il y a eu ! Lors de la deuxième « journée d’action », le jeudi 17 mars, les manifestations, bien que moins grandes, ont quand-même réuni 70 mille personnes dans toute la France (dont 10 à 15 mille à Paris). Les cortèges des principaux syndicats – essentiellement des fonctionnaires – étaient plutôt maigres, comme d'habitude lors des initiatives formelles de la bureaucratie syndicale. Par contre, la participation des lycéens, déjà présents le 9 mars, a tout-à-coup grandi, ce qui a motivé une présence accrue de la police de choc.
   Le caractère massif de la deuxième manifestation, la participation accrue des jeunes, le blocage d’au moins 115 lycées, le développement des Assemblées générales dans les universités (avec des centaines de participants), le blocage de l'université de Paris-VIII (réputée « de gauche ») par des étudiants, la fermeture administrative préventive de certains sites universitaires à Paris (la Sorbonne), à Lyon et à Bordeaux afin d'éviter les Assemblées générales, tout cela montre la tendance ascendante et le poids de la résistance en cours.
   Au début, il s'agissait surtout d'une avant-garde. La mobilisation d'amples secteurs de la jeunesse et des travailleurs n'était pas encore évidente. Le mouvement de grèves était plutôt ponctuel et disperse et certains secteurs ouvriers importants, comme le transport municipal parisien (RATP), n’y participaient pas. C'était encore la tendance « de calme » des dernières années.
   Mais finalement, lors de la journée de grève du 31 mars, un demi-million de personnes ont défilé dans les villes de France, dont 50 mille à Paris, des manifestations de 10 à 20 mille dans les grandes villes et 250 villes mobilisées, contre 144 lors de la journée du 9 mars.
   Ce jour-là, est aussi apparu le mouvement « Nuit debout », inspiré par les « Indignés » d'Espagne. Ce mouvement, bien que progressiste, a toutefois les mêmes limites que celui des « Indignés » espagnols : la prédominance claire des classes moyennes, l’exteriorité par rapport à des secteurs réels de la société, l’incapacité à donner une réponse structurelle à la réforme du travail et la dissimulation de ce problème central et unificateur par d’autres problèmes. Et tout cela s’accompagne par l’apparition inévitable de « chefs » du mouvement sur base de son caractère amorphe, déstructuré, prétendument démocratique.
   Sous la pression populaire, le gouvernement a été obligé de proposer des concessions pour les jeunes afin de neutraliser ce secteur, pour l’instant le plus dynamique de la lutte contre la loi du travail.
   La bureaucratie syndicale évite l’appel à la grève générale reconductible et préfère continuer sa stratégie des « journées d’actions » sans lendemain, sans perspective réelle de défaite décisive de la nouvelle loi, mais qui en même temps génère la fatigue et la démoralisation des travailleurs. Par contre, l’activité des jeunes empèche la bureaucratie des syndicats étudiants de pactiser avec le gouvernement.
   D'autres manifestations ont suivi le mardi 5 et le samedi 9 avril. Et l'appel intersyndical de sept organisations à la grève générale, le 28 avril, sous le mot d'ordre « Ni négociable, ni amendable : retrait de la Loi du travail ! », s'annonce massif.
   En face, il y a le gouvernement de la réforme du travail en faveur des patrons, le gouvernement de l'état d'urgence pour rendre la résistance populaire plus difficile, le gouvernement de la répression contre les travailleurs en lutte d’Air France et de Goodyear ; c'est le gouvernement « socialiste » de Hollande-Valls, qui dépasse les plus dures mesures des gouvernements des droites classiques ; c'est plus que jamais le gouvernement des grands patrons. Ce gouvernement, il faut s'y opposer de manière frontale par l'action unifiée des travailleurs, des jeunes et des couches moyennes.
   Il n’y a aucune possibilité d’en finir avec les réformes et les lois réactionnaires sans se débarrasser du gouvernement bourgeois du PS et sans imposer, à travers des mobilisations, le gouvernement des travailleurs appuyés sur leurs propres organisations.
   Dans cette lutte, il serait peu prudent de faire confiance au Front de Gauche qui, en dépit de ses critiques virulentes, collabore en fait avec le PS à travers des accords électoraux, à travers des co-gestions aux niveaux régional et local, à travers le soutien à des lois réactionnaires (comme cela a été le cas de la loi sur l’état d’urgence, soutenue par le PCF et Mélenchon). Le FG reste collé au PS, en jouant un rôle de « courroie de transmission » de ce parti dans l’espace « à gauche du PS ».
   Aujourd’hui, la résistance aux plans du gouvernement rassemble une majorité des activistes et est en train de s'étendre à des couches plus amples de travailleurs, de jeunes et une grande partie des classes moyennes irritées par les mesures liberticides et par les attaques contre le Code du Travail. Il existe des possibilités de convergence. La mobilisation et la grève du 31 mars donne plus d’enthousiasme à ceux qui restaient encore de côté et fortifie le processus d’organisation indépendante, rendant plus réelle la perspective de dépasser la stratégie bureaucratique des « journées d’actions » et des grèves formelles, la perspective de garantir la continuité de la lutte vers la grève générale prolongée jusqu’à la défaite des plans du gouvernement contre les travailleurs.
   En dernière instance, le rôle décisif sera celui de la mobilisation de la classe ouvrière, qui a dans ses mains les branches principales de l’économie. Les travailleurs sont capables de mettre tout le pays à l'arrêt ; et c’est seulement à cause de l’absence d'une organisation indépendante qui leur est propre, pour la défense de leur propres intérêts, qu’ils continuent à être organisés sous une bureaucratie au service des patrons.
   La guerre sociale contre les travailleurs n'est pas une particularité de la France. En Belgique, le gouvernement « néo-libéral » rivalise avec son voisin « socialiste » pour imposer maintenant aussi sa version des lois du travail. Et les travailleurs sont également invités à « se rendre à une mobilisation dans un mois ». Mais comme chez leurs camarades en France, le feu de la lutte y couve aussi. Et plus que jamais, la solidarité au-delà des frontières est absolument nécessaire. Répondons à l'appel des organisations combatives en France pour manifester, ce jour du 28 mars, devant les ambassades des autres pays européens !