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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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2 novembre 2014
Pau

La chute de Blaise Compaoré, une grande victoire des masses.
Que les militaires dégagent !

Face à l'annonce du président Blaise Compaoré de modifier la Constitution pour se représenter aux élections de l'année prochaine, les masses burkinabées sont descendues en colère dans la rue.


   Depuis le mardi 28 octobre, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté, érigé des barricades et assailli le parlement. La révolution a pris naissance dans la capitale Ouagadougou et dans les principales villes du pays. Après avoir tenté de se maintenir au pouvoir en réprimant les manifestants et en déclarant l'état de siège, Blaise Compaoré a dû démissionner.

Vide de pouvoir et rôle de l'armée

Le chef de l'état-major de l'armée, le général Honoré Traoré, a déclaré qu'il prenait le pouvoir, dissolvait le Parlement, et commençait une transition démocratique dans l'année à venir. Mais les masses sont restées mobilisées, car elles voient dans le général Traoré une continuation du régime.
   Quelques heures plus tard, le lieutenant-colonel Zida s'est proclamé président à son tour. Il le fit en essayant de se différencier de l'ancien président (dont il était le numéro deux dans la garde personnelle) et en prétendant faire partie du peuple et des martyrs qui se sont soulevés contre son chef.
   L'armée semble s'être rangée finalement derrière Zida, mais l'opposition civile a appelé à protester contre le pouvoir de l'armée, et des dizaines de milliers de manifestants sont de nouveau descendus dans la rue pour exiger que Zida aussi dégage.

Le gouvernement Compaoré au service de la France et de l'impérialisme, et source de pauvreté du pays

Blaise Compaoré est resté 27 ans au pouvoir, après un coup d'Etat contre celui qui avait été son ami, Thomas Sankara, connu comme le Che Guevara africain, qui fut assassiné.
   Au cours des dernières années, les indicateurs économiques ont montré une croissance annuelle allant jusqu'à 9 % (6,5 % en 2013). Cette croissance est due au développement des mines d'or – qui représentent à elles seules 20 % du PIB – et de la culture du coton. Cependant, la population n'a pas bénéficié de cette croissance : le Burkina Faso compte 17,5 millions d'habitants et est l'un des pays les plus pauvres du monde (le numéro 181 dans la liste de 187) ; trois millions de Burkinabés vivent comme émigrés dans le pays voisin de la Côte-d'Ivoire ; et l'alphabétisation est en dessous de 30 %. Cette situation a un lien direct avec la politique du président déchu, Blaise Compaoré.
   Ce dernier prit le pouvoir en 1987 avec le soutien de la France, et il annula toutes les mesures du gouvernement de Sankara. Il fit marche arrière sur la nationalisation des terres, qui revinrent aux mains des propriétaires terriens. Il devint un fidèle disciple des politiques du FMI et des prêts de la Banque mondiale. Il rouvrit le pays aux troupes françaises, qui ont depuis lors au Burkina Faso une base privilégiée pour le contrôle de la région, de même que les Etats-Unis qui s'y sont installés avec la création d'USAFRICOM (Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique). La présence militaire française et étasunienne, avec leurs partenaires européens, dans ce pays et dans les pays voisins (dont le Sénégal), a servi pour l'invasion du Mali et pour la consolidation du contrôle sur les ressources naturelles de ces pays.
   Blaise Compaoré livra les exploitations minières à des entreprises canadiennes, australiennes, sud-africaines, étasuniennes et russes. L'extraction de l'or a placé le Burkina Faso comme cinquième plus grand exportateur africain de ce minerai précieux. Les 32 tonnes annuelles d'or qu'il exporte ne rapportent toutefois au pays que 287 millions d'euros de taxes, et seulement quelque 5000 emplois. Les activités minières sont accompagnées par de véritables exterminations environnementales, causant des pollutions épouvantables et des morts de personnes et d'animaux.
L'autre grand commerce des multinationales au Burkina Faso est celui du coton. C'est la multinationale Monsanto qui a signé un accord avec le gouvernement pour l'introduction de la culture du coton transgénique. Trois sociétés contrôlent toutes les terres agricoles et imposent aux agriculteurs la culture de ce coton.

Le printemps noir a obtenu un grand triomphe

La nouvelle du fait que Compaoré quittait le pouvoir a rempli de joie de dizaines de milliers de manifestants. Mais ceux-ci ne se sont pas contentés de rentrer chez eux. Le général Traoré a l'intention de garder le pouvoir entre les mains de l'armée. Bien que l'ancien président Compaoré avait annoncé, dans un de ses derniers messages, des élections dans les trois mois, ce général n'a pas assumé ce calendrier et parle d'une transition d'une année. Il reste à voir s'il parvient à se maintenir au pouvoir ou s'il sera également balayé par la mobilisation populaire.
   Les mobilisations ont éclaté à l'annonce de Compaoré de se maintenir indéfiniment au pouvoir. Cette revendication démocratique a sa source dans la misère dans laquelle se trouve le pays, à cause de sa soumission à l'impérialisme. L'Etat burkinabé, dont l'armée est la garante, sert les intérêts des puissances impérialistes et de leurs multinationales. Toutefois, des porte-parole de l'opposition, bien qu'appelant encore à la mobilisation, suggèrent que l'armée doit faire partie de la transition politique. Et il y a des divisions au sein de l'armée concernant celui qui doit diriger le pays, Traoré, ou Kouame Lugué, un ancien général à la retraite qui est appuyé par des secteurs de l'opposition.
La révolution qui a commencé en Afrique du Nord, avec la Tunisie, l'Egypte et la Libye, a atteint le cœur du continent. Il est important que les masses africaines observent des exemples tels que celui de l'Egypte, où le régime a réussi à survivre grâce à l'armée, qui est restée au pouvoir et a maintenu son pays comme allié des Etats-Unis.

L’Afrique s'enflamme

Il y a 2 ans, le président du Sénégal est tombé, également suite aux mobilisations. Mais le nouveau gouvernement de Macky Sall a continué à servir l'impérialisme et à respecter ses traités internationaux. Il en vint de fait à soumettre le Sénégal à l'ancienne métropole française.
   En Afrique du Sud, la classe ouvrière montre sa force avec des grèves historiques et met en avant la nécessité de construire un outil indépendant pour parvenir à ses fins.
   La révolution burkinabée, quant à elle, fait face à un régime issu d'un coup d’Etat, attaque les institutions qui y ont souscrit, comme le parlement, et fait savoir qu'elle n'accepte pas le chef de l'armée au pouvoir.

Rompre avec l'impérialisme ! Pour l'Unité africaine !

La première étape pour parvenir à une véritable indépendance consiste à en finir avec les présidents et leurs cliques qui se sont perpétués aux gouvernements de leurs pays pendant des décennies, protégés et encouragés par les puissances coloniales.
   Et les peuples du Burkina Faso et du reste de l'Afrique ne partent pas de zéro. Il y a quelques décennies, ils ont combattu pour l'indépendance. Et au cours des dernières années, ils ont mené d'importants processus révolutionnaires. Il sera essentiel de récupérer l'héritage – avec ses réussites et ses échecs – des grands leaders africains comme Lumumba, Amilcar Cabral et Thomas Sankara, pour construire les partis révolutionnaires dont les masses ont besoin pour en finir avec les chaînes de leurs peuples.
   Pour sortir de la pauvreté, les pays africains doivent rompre avec l'impérialisme et ses traités. Il faut expulser les troupes impérialistes et faire un front commun pour le non-payement de la dette extérieure, qui est le mécanisme par lequel des politiques néolibérales sont imposées aux gouvernements. Les pays africains ont besoin de récupérer leurs richesses et de les mettre au service de leurs peuples, au lieu de les destiner au profit de la poignée de multinationales qui les exploitent.
   Les soldats burkinabés devront faire face à un dilemme : ou suivre les ordres des généraux qui veulent maintenir le Burkina Faso dans la soumission, bien qu'avec un nouveau visage à la présidence, ou se refuser à réprimer le peuple et les travailleurs, qui sont ceux qui doivent gouverner. C'est le peuple qui doit définir comment gouverner et au service de qui.
   Les masses burkinabées continuent à se battre et montrent leur détermination à ne pas accepter de nouvelles dictatures militaires.