8 mars 2015
Falilou Wade, secrétaire général de la Ligue Populaire Sénégalaise
Le Plan Sénégal Emergent (PSE)
et les Institutions de Finances
Le Plan Sénégal Emergent est le projet phare du président Macky Sall depuis son élection à la tête du pays en 2012. Ce projet a besoin de 3500 milliards de francs CFA [5,43 milliards €] pour sa réalisation. Et depuis lors, le parti du président, l’APR, ne cesse de se glorifier et de se vanter de ce projet, conçu pour faire émerger le pays nous dit-on.
Mais tout d’abord, ce plan a été confectionné par un cabinet étranger, qui n’est pas familiarisé avec les réalités socio-culturelles et économiques du pays et ne les maîtrise pas. Et l’Etat a payé la bagatelle de 2 milliards de francs CFA [3 millions €] comme honoraire à ce cabinet. Ce cabinet n’a fait que reprendre les directives du Plan Stratégique Gabon Emergent, pour le servir aux autorités sénégalaises comme plan de développement avec comme perspective d’atteindre une croissance à deux chiffres à l’horizon de 2022, là où le Sénégal est aujourd’hui à 4% de taux de croissance. (Les Plans sont disponibles sur internet et on peut les comparer). Et dans ce plan, la communication des autorités et des médias de l’Etat est que le président trouvera l’argent pour financer son plan de développement parce qu'il a le soutien des pays comme la France, les Etats-Unis, la Banque Mondiale, le FMI, le Club de Paris et les Pays Arabes. Mais jamais on ne dit la vérité aux sénégalais : que ce sont encore des dettes à payer par l’ensemble des citoyens du pays. Et le Sénégal est déjà assez endetté, avec plus de 10 000 milliards de francs CFA [15 milliards €].
Dans ce PSE, si on y regarde de plus près, on voit que l'on fait appel à l’investissement étranger pour booster les secteurs de l’agriculture (agro-business), la pêche (accord de pêche entre le Sénégal et l'Union européenne) et les secteurs minier, énergétique et industriel.
Regardez l’économie sénégalaise aujourd’hui, les multinationales qui y sont présentes, comme la France Telecom, actionnaire majoritaire de la SONATEL, BNP-Paribas propriétaire de la Banque BICIS au Sénégal, MDL, qui exploite le zircon dans la région de Thiès et les australiens qui exploitent les mines d’or à Kédougou région Est du Sénégal. Toutes ces entreprises ne font que rapatrier les bénéfices vers leur maison-mère et leurs bénéfices ne sont pas réinvestis dans le pays. L’Etat ne peut même pas exercer un contrôle dans cette fuite de capitaux. Et on constate que cette croissance de 4 % ne donne pas à manger. Le peuple continue à s’appauvrir d’avantage.
Les paysans sont transformés en ouvriers agricoles.
Dans ce PSE, le Président prône l’auto-suffisance alimentaire en riz pour les deux ans à venir, et il compte sur l’investissement étranger pour y arriver. En octobre 2014, lors de l’inauguration de la route de Saint-Louis à Dagana, financée par le programme MCI de l’USAID, le Président a déclaré publiquement aux paysans pauvres qu'« il ne sert à rien de posséder des terres que l’on ne peut pas exploiter, et qu’il y aura une redistribution. Les terres seront données aux étrangers qui voudront y investir. »
Aujourd’hui, dans la vallée du fleuve Sénégal, Mimran (une entreprise française), propriétaire d'une usine de production du sucre (la Compagnie sucrière sénégalaise) y possède des centaines de milliers d’hectares de canne à sucre. Et toute la population qui était propriétaire de ces terres est réduite à être des ouvriers agricoles avec des salaires de 45 à 110 € par mois. Ces ouvriers ne travaillent que 7 à 9 mois dans l’année, sans assurance ni prise en charge médicale ou autres avantages. Ces agriculteurs qui cultivaient ces terres pendant toute l’année pour se nourrir souffrent aujourd’hui de la misère et du désespoir qui s’accroit de jour en jour. Là où l’Etat devrait accompagner les producteurs ruraux (la production familiale) pour atteindre l’autosuffisance alimentaire en les dotant de moyens, il fait appel à l’investissement étranger pour booster la croissance (les exportations), alors que le peuple ne se nourrit pas de chiffres. Le constat, aujourd’hui, est que le peuple sénégalais souffre dans sa majorité, avec plus de 42 % de pauvreté en 2014.
La croissance qu’attend le peuple ne figure pas dans le PSE du président.
Les trois quarts de l’économie sénégalaise reposent sur l’économie informelle et ce secteur est laissé en rade par l’Etat du Sénégal. La croissance qu’attend le peuple ne figure pas dans le PSE du président. C'est-à-dire une croissance qui partirait du travail informel, qui occupe plus de 50 % des actifs, et qui partirait aussi des secteurs de l’agriculture pour un retour des jeunes à la terre, ce qui limiterait l’émigration, ainsi que des secteurs comme la pêche, une croissance qui promouvrait la culture et la formation des jeunes pour porter le développement. Lors de sa visite au Sénégal au mois de janvier 2015, la Présidente du FMI, Christine LAGARDE, a dit de façon voilée que le FMI soutient le PSE, mais que l’Etat doit réduire les dépenses d’ordre publique pour soutenir le paiement de la dette. Pour les institutions financières, ce qui les intéresse, c’est le remboursement de la dette et de ses intérêts. Le FMI ou la Banque Mondiale n’ont jamais, au grand jamais, développé un pays, mais n'ont fait que l’appauvrir davantage. Ce qui est inadmissible, c'est que le Sénégal, en tant que pays pauvre et très endetté, voit les dépenses dans les secteurs comme l’éducation et la santé réduites, ce qui ferait que le peuple souffrirait encore plus, en étant déjà à l’agonie.
Il y a aussi une privatisation grandissante de l’éducation
En constatant la situation actuelle, les enseignants de l’éducation se sont mis en grève du fait du non respect par l’Etat des accords signés entre l’Etat et les syndicats de l’enseignement. Accords qui consistaient à un recrutement de volontaires de l’éducation dans la fonction publique et une revalorisation des indemnités de logement par rapport aux autres corps de la fonction publique du même diplôme de recrutement. Il y a aussi une privatisation grandissante de l’éducation qui fait que l’enseignement publique est de jour en jour délaissé au profit de l’enseignement privé (Il y a eu deux types d'examens pour la même année 2014 : un examen en juillet pour les établissements privés, qui ont eu une année scolaire normale, et un examen en octobre pour les établissements publics, qui étaient en grève du fait d’un sabotage de la part de l’Etat. Et, au final, les entreprises ne veulent pas reconnaître les diplômés des établissements publics.). Les autres secteurs ne sont pas en reste dans cette privatisation, et les secteurs comme ceux de la santé, l’eau, les mines et d'autres sont dans la même dynamique. Aujourd’hui, dans ce pays, avec cette privatisation à outrance, les conséquences engendrées sont que le chômage ne cesse de s’accroître d’année en année avec la fermeture des entreprises sénégalaises qui ne peuvent pas soutenir la concurrence déloyale des multinationales. En outre, la précarité du travail se fait de plus en plus importante avec des contrats de courte durée.
Les « dépenses inutiles » de l'Etat
Le Président prône la réduction des dépenses inutiles et gabégiques de l’Etat. Mais pour satisfaire la clientèle politique, il a fait revenir le Sénat, qui nous coûte 70 milliards de francs CFA [100 millions €] par an, alors que le ministre chargé des relations avec les assemblées et les institutions parlementaires disait, dans un journal local, que les conclusions et les instructions du Sénat ne sont pas prises en compte dans les actions ou les décisions du gouvernement. Pour l’ensemble des parlementaires de l’assemblée nationale, des sénateurs, des ministres et des directeurs de sociétés, les salaires et les indemnités ont augmenté de manière vertigineuse. Et le seul avantage dont ont bénéficié les travailleurs est une réduction d’impôt sur revenu de 2M/mois, alors que pour les personnalités, cette baisse des impôts est plus avantageuse. Là, il y a donc encore de la gabegie que l’on disait combattre. Les personnalités de l’Etat se permettent de dépenser et de sponsoriser toutes sortes de spectacles à travers le territoire pour des objectifs de politique politicienne.
Aujourd’hui, le Sénégal est pris en otage par ce qui est appelé la traque des biens mal acquis, avec le procès du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade. Et l’Etat fait de ce procès un trophée de guerre alors que les populations sont abandonnées à elles-mêmes avec la grève des enseignants qui paralyse le secteur de l’éducation où vont nos enfants, qui souffrent des conséquences de cette grève alors que les fils des bourgeois continuent tranquillement à aller aux cours dans les établissements privés. Les jeunes souffrent du chômage grandissant et de la précarité de l’emploi. Les entreprises sont confrontées à la concurrence déloyale des multinationales ; les agriculteurs sont laissés en rade avec une campagne agricole de plus en plus mauvaise chaque année à cause du refus de l’Etat de subventionner les paysans et de donner des semences et des engrais de qualité ; et le plus grave est la fuite de capitaux, orchestrée par les multinationales qui ne font qu'appauvrir le pays de jour en jour.
Pour nous, la Ligue Populaire Sénégalaise, les priorités de l’Etat devraient être ailleurs que de divertir le peuple et d'utiliser l’argent du contribuable pour des fins politico-politiciennes.
Nous disons :
- Non au payement de la dette, car elle ne sert pas au peuple mais aux multinationales et aux bourgeois et elle asphyxie le peuple (inflation)
- Non à la privatisation de l’éducation de la santé et des ressources minières
- Non à l’agro-business qui transforme les paysans en ouvriers agricoles
- Non au diktat du FMI et des Institutions financières
- Nous réclamons la nationalisation de toutes les entreprises étrangères, des banques et des universités privées
- Pour des assises nationales de l’éducation et de la santé pour une meilleure prise en charge des préoccupations des populations.
- Assistance, aide et accompagnement de l’Etat pour booster la production familiale pour atteindre l’autosuffisance alimentaire
- Faciliter l’accès à l’équipement aux paysans du monde rural
- Reprise des entreprises en faillite par l’Etat pour éradiquer le chômage et le sous-emploi des jeunes
- Arrêter l’importation des produits venant de l’Europe au détriment de l’artisanat local