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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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16 juin 2017
Gabriel Huland

Solidarité avec les protestations au Maroc

Depuis le mois d'octobre de l'année dernière, la population de la région du Rif (au nord du Maroc) est à l'avant-garde d'un mouvement de protestation ininterrompu qui met en lumière une fois de plus l'autoritarisme, la misère et le chaos social dans ce pays du Maghreb.


   Les principales revendications des manifestants sont l'accès à un système de santé publique, la construction d'écoles, d'universités et d'hôpitaux, la création d'emplois décents, ainsi que la fin de la corruption dans l'Etat et le retrait des forces de répression du régime qui terrorisent les gens du Rif depuis des décennies.
   A ces demandes s'ajoute l'exigence de la libération des détenus des derniers mois, plus de 85 depuis le début de la crise, selon les manifestants. Parmi les personnes détenues se trouvent Nasser Zefzafi et Nawal Benaisa, deux dirigeants du mouvement Hirak chaabi, le collectif de base qui appelle aux manifestations et les organise.
   Le mouvement a un caractère éminemment pacifique et les empoignades sont généralement causées par les forces de sécurité qui, sur ordre du gouvernement de Rabat, répriment sévèrement les manifestations, y compris en tirant dans la foule avec des balles réelles.
   La solidarité avec la lutte du peuple du Rif est grande tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Récemment a eu lieu à Rabat une marche convoquée par différents partis politiques – des « islamistes modérés » jusqu'à la gauche radicale – qui a réuni des dizaines de milliers de personnes, ce qui montre qu'un nombre croissant de Marocains soutiennent la lutte menée dans le Nord du pays.
   Même des partis qui font partie de la coalition gouvernementale ont participé à la manifestation à Rabat, ce qui indique un certain manque de contrôle au sein même du système. En outre, en Espagne comme aux Pays-Bas et en Belgique, des pays où il y a de grandes communautés de Marocaines et de Rifains, des manifestations de solidarité avec les protestations d'Al-Hoceima ont eu lieu.
   Le soulèvement populaire actuel, qui a clairement un fil de continuité avec le Printemps de l'Afrique du Nord au Maroc et le Mouvement du 20 février, a commencé à la fin de l'année dernière suite à la mort du vendeur de poissons Mohcine Fikri, écrasé par une benne à ordures après que sa marchandise avait été saisie par un procureur de l'Etat.
   Au cours du Printemps de l'Afrique du Nord au Maroc, où le mouvement du 20 février a émergé et le pays a été secoué par d'importantes mobilisations, la région du Rif a été l'un des principaux centres de manifestations pour de meilleures conditions de vie et contre le centralisme monarchique existant au Maroc. C'est à cette occasion aussi que les Rifains furent victimes d'une répression brutale qui a donné lieu à d'innombrables morts et blessés.
   En fait, c'était juste après l'un des affrontements les plus violents entre la population du Rif et les forces de sécurité – où des dizaines de personnes ont été tuées – que le roi Mohamed VI a commencé un processus de réformes constitutionnelles qui ont joué un rôle important pour freiner le Printemps de l'Afrique du Nord au Maroc et stabiliser de nouveau le pays. Bien que l'implication du Parti communiste et de divers syndicats lors des négociations avec la monarchie a joué un rôle essentiel dans ce processus.

La croissance économique sans justice sociale

Les conditions de vie des Marocains, en particulier de la classe ouvrière et les secteurs les plus défavorisés, se dégradent progressivement, malgré une croissance économique modérée qu'a connue le pays au cours des dernières années.
   Le Maroc est devenu une source de main-d'œuvre pas chère pour les entreprises multinationales. Le salaire moyen d'un ouvrier non qualifié est inférieur à un euro par heure et cela reste pratiquement inchangé dans les différentes branches de l'économie. De plus, la proximité de l'Europe et la récente amélioration du réseau routier et ferroviaire sont des atouts majeurs, car elles facilitent le transport des marchandises à travers le pays et vers l'Europe.

La lutte historique pour l'autodétermination du Rif

D'autre part, la lutte des Rifains pour l'autodétermination est historique ; elle a son origine dans l'occupation coloniale par l'Espagne et la France. Dans les années vingt, sous la direction d'Abd el-Krim (une référence importante dans la région jusqu'à nos jours), le Rif en est arrivé à déclarer l'indépendance, avec la création de la République du Rif.
   Les Français et les Espagnols n'ont pas tardé à lui déclarer la guerre après la proclamation de la nouvelle république, et ils ont initié ainsi un conflit qui a duré plus de six ans et a causé des dizaines de milliers de morts et de réfugiés.
   Le gouvernement marocain accuse les manifestants de recevoir le soutien de groupes étrangers. Il utilise la même rhétorique que celle des gouvernements d'Assad en Syrie ou de Maduro au Venezuela, qui ont besoin de créer un fictif ennemi extérieur pour justifier la répression, afin d'éviter de donner des explications sur les politiques injustes et antisociales mises en œuvre.
   En tant que Corriente Roja, nous exprimons notre soutien aux protestations d'Al-Hoceima et nous soutenons les demandes du peuple du Rif. Nous exigeons la libération immédiate des détenus, nous défendons leur droit inconditionnel à l'autodétermination et nous exigeons du gouvernement marocain qu'il réponde à toutes les exigences posées par les manifestants.
   De plus, nous invitons les syndicats et les mouvements sociaux, les partis politiques de gauche et d'autres collectifs, à organiser la solidarité avec le peuple du Rif, en lutte pour la dignité, la démocratie et la justice sociale.