30 juillet 2017
Déclaration de la Ligue Populaire Sénégalaise (LPS) concernant les élections législatives du 30 juillet tenues au Sénégal
À la suite des différentes déclarations récemment prononcées par les acteurs impliqués dans les élections législatives du 30 juillet, le secrétariat exécutif de la Ligue Populaire Sénégalaise, après avoir largement scruté avec attention et rigueur le scrutin sur toute l'étendue du territoire, a relevé un certain nombre de remarques en rapport avec le déroulement et l'organisation des élections législatives au Sénégal.
Le secrétariat exécutif, compte tenu de la difficulté politique actuelle, liée à la corruption surtout, et des circonstances qui entachent les élections au Sénégal, a tenu d'abord à rappeler à ses militants et sympathisants les raisons de sa non participation à ce scrutin. Notre participation aux élections locales de 2014 a constitué un bon baromètre, une expérience politique majeure où les opportunités étaient beaucoup plus importantes en termes d'offre politique. Seulement la LPS avait eu le mérite de participer à ces joutes électorales dans le cadre d'une coalition regroupant plusieurs mouvements citoyens à l'époque, dans le but de faire émerger un combat politique de grande envergure. Pour échapper aux tentations de plus en plus croissante sur l'échiquier politique, le secrétariat exécutif, suite à un débat démocratique, avait rejetté à l'époque toutes les offres juteuses promises par le frère de l'actuel président de la République Macky Sall, en l'occurrence Alioune Sall qui, dans sa volonté de remporter les élections dans la banlieue (où siège la LPS), tenait à inclure, à coups de sommes faramineuses, toutes les forces politiques du département de Guediawaye( une des plus importantes communes de la région de Dakar). Fidèle à son idéal de lutte révolutionnaire, la LPS s'est réservé le droit de ne donner suite à aucune forme d'alliance possible avec les autres partis politiques, ou encore de participer à des élections législatives dont l'issue était toutefois prévisible, à cause notamment des immenses anomalies dans le retard noté dans la distribution des cartes d'identité biométrique, et dans la refonte du fichier électoral entre autres.....
Réfléchissant sur le processus électoral au Sénégal, des indépendances à nos jours, nous constatons par ailleurs que ces élections sont, contrairement à la déclaration du gouvernement, une mascarade politique, une régression démocratique notoire pour notre pays. Pis, ces élections législatives ne permettent pas d'envisager un avenir démocratique clair au vu des multiples disfonctionnements. L'Etat et son gouvernement ont en effet mobilisé tous leurs efforts avant même le scrutin de peur de voir l'opposition remportée les élections, voire même de perdre une ville comme Dakar, la capitale, et bastion du maire Khalifa Sall (l'actuel maire qui croupit en prison). Nous jugeons, comme la coalition portée par l'ancien président de la République, Maître Abdoulaye Wade, tête de liste de la coalition gagnanate "Wattu sénégal" que c'est à la suite de la forte abstention du référendum du 20 mars dernier que le parti au pouvoir (l'alliance pour la République, l'APR) a décidé de réviser unilatéralement les listes électorales. La stratégie de l'État est claire et prévisible: s'adjuger 60% des suffrages exprimés. Pour cela, l'Etat a voulu calibrer 2 200 000 suffrages exprimés à partir de 4 500 000 inscrits; histoire de limiter à 2 200 000 millions de cartes notamment dans les zones qui lui sont défavorables (la capitale, Dakar, Ziguinchor, dans le sud, Mbacké et Touba, bastion de l'ancien président Abdoulaye Wade, etc.). Cette grande opération de vol et de confiscation du suffrage du peuple a été réalisée avec le concours de la commission chargée de la refonte du fichier électoral et du Conseil Constitutionnel. Pour rappel, c'est ce même Conseil Constitutionnel qui avait validé la requête du président Macky Sall à quatre jours du scrutin modifiant ainsi le code électoral à la faveur de l'article 92, et autorisant, depuis le référendum dernier, au président à consulter comme il le sentira, toujours, l'avis du Conseil Constitutionnel. Pour ces élections, le président avait saisi le Conseil Constitutionnel à titre exceptionnel, dans l'espoir de masquer le manque de transparence dans le retard constaté dans la distribution des cartes d'identité biométriques CEDEAO. L'électeur sénégalais avait des lors la possibilité de voter avec son récipicé d'inscription sur les listes électorales en plus de son passeport, d'un document d'immatriculation pour les primo- inscrits, d'une carte d'identité nationale numérisée pour palier au retard lié à la distribution des nouvelles cartes. Les électeurs sénégalais, n'ayant pas encore reçu leurs cartes d'électeurs biométriques CEDEAO, ont été autorisés à voter sur présentation de certains documents administratifs. De telles mesures sont une forfaiture démocratique car elles ne tiennent pas compte du respect des règles et du code électoral. Ce sont, à vrai dire, des mesures de nature législative initiées et mises en vigueur par le président de la République après avis du Conseil Constitutionnel. C'est le président lui même qui a préparé l'ensemble du projet, avec des justifications d'usage sans fondement, et a sollicité l'avis du Conseil. Des modifications inutiles qu'on pouvait éviter si le gouvernement et les parties prenantes étaient associés dès le début à un débat démocratique et inclusif dans le cadre de la préparation des élections. L'Etat a voulu ainsi faire seul le travail, en minimisant délibérément l'apport de la société civile et des autres partis tout en versant plus de 55 milliards de FCFA pour la confection de nouvelles cartes. Un échec total au regard du contexte lourd de danger et de violence postelectorale. À cause de sa mauvaise politique, le gouvernement de Macky Sall ne pouvait s'attendre qu'à de telles déceptions dans l'organisation du scrutin, reconnu pour avoir engrangé plus de listes parrainées par l'État lui-même, au delà des disfonctionnements dans les bureaux de vote le jour du scrutin. Du point de vue juridique, le président avait bien l'obligation de soumettre d'abord au vote de l'Assemblée nationale en application de l'article 80 de la Constitution, pour ensuite solliciter l'avis de magistrats. Évidemment, le président et ses alliés savent parfaitement que les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont pas susceptibles de recours et s'impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives juridictionnelles de ce pays. C'est pourquoi il est plus aisé de faire recours à l'autorité du conseil. Là réside toute l'absurdité du système juridique sénégalais, voire même africain. Tout compte fait le président a droit de vie et de mort sur toutes les instances.
Les membres du camp présidentiel brandissent eux toujours l'idée de circonstances exceptionnelles pour rapporter un semblant de vérité aux sénégalais par rapport aux modifications constatées à la vielle du scrutin au mépris de la valeur juridique. C'est pourquoi la Ligue Populaire Sénégalaise dénonce avec la dernière énergie ce coup de force du gouvernement et entend s'ériger en défenseur du peuple à travers des marches de sensibilisation prochaines et de débat au sein des groupes. Nous pensons que l'avis délivré par le Conseil Constitutionnel ne s'appuie sur aucun fondement juridique valable. Nous rappelons, contrairement aux propos des juges, que les populations sénégalaises se sont toujours inscrits massivement sur les listes électorales sans que cela induit à des mesures dérogatoires en l'espèce. Au regard de l'augmentation d'inscrits aux législatives de 2007, le Conseil Constitutionnel était-il en droit de parler d'inscriptions massives en l'espèce ? Nous imputons fermement toutes ces anomalies à l'Etat et à son ministère de l'intérieur, qui devaient naturellement prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer des élections transparentes et libres. Par conséquent, l'argumentaire des " sept sages " du Conseil Constitutionnel nous paraît invraisemblable et demeure irrecevable.
La LPS n'entend pour autant apporter son soutien à aucune de ces forces politiques que nous qualifions toutes de partis neoliberaux sous la tutelle d'un capitalisme sauvage, comme en témoignent leurs discours de campagne et la manière dont l'argent est distribué à gauche et à droite lors des meetings politiques. La précipitation au sommet de l'Etat n'augure en aucun cas des lendemains meilleurs pour la démocratie sénégalaise. Et il est inacceptable de constater d'ailleurs qu'en Afrique les résultats provisoires sont toujours définitifs, malgré les recours auprès du Conseil Constitutionnel. Des le lendemain du scrutin, la commission nationale de recensement des votes, présidée par le président de la Cour d'appel, Demba Kandji, s'est précipité pour annoncer les résultats provisoires de ces mêmes élections. Sur un nombre d'inscrits de 6 214 446, il y a 3 328 325 votants pour 27 351 bulletins nuls. Soit 3 300 974 bulletins valablement exprimés. En dépit du comptage des votes, dans la capitale Dakar, la bataille entre l'opposition et le pouvoir s'est révélé tres rude, occasionnant ainsi des contestations de part et d'autre. Aujourd'hui, toutes les coalitions de partis politiques sont à couteaux tirés et fustigent à leur manière le processus électoral devant les journalistes, malgré le rappel des missions d'observation, y compris celles de l'Union Africaine, avec à sa tête l'ancienne chef d'État de la Centrafrique, Madame Catherine Samba panza, sur le fait que le scrutin était entaché d'irrégularité et de sabotage dans certaines zones comme la ville de Touba (grande ville religieuse). C'est la majorité présidentielle qui remporte les élections avec au total 125 sièges sur 165 dont 97 pour le parti au pouvoir, l'APR. Les autres alliés vont se partager les autres sièges de députés restant (les 28 sièges). Le parti socialiste ( de l'ancien président Abdoulaye Diouf, soutien du régime en dépit des voix dissonantes du maire de Dakar ) n'aura que 15 députés, l'Alliance des forces du progrès (l'AFP, parti de l'actuel président de l'Assemblée nationale) 6 parlementaires, 2 pour la Ligue
démocratique d' Abdoulaye Bathily, candidat malheureux des récentes élections de la Commission de l'Union africaine etc.. À partir de ce schéma politique il est difficile d'entrevoir une Assemblée nationale du peuple et pour le peuple.
Cependant, il faut peut-être voir que c'est la coalition de l'ancien président Abdoulaye Wade qui obtient le plus de députés par rapport aux autres coalitions en lice, avec 19 sièges remportés.
Le secrétariat exécutif
Rédacteurs du texte:
El Fallou Wade,
expert démographe; secrétaire général de la LPS/ Ligue Internationale des Travailleurs – Quatrième Internationale (LIT- QI)
El Hadji Thiam,
étudiant spécialisé en communication; président du comité des étudiants panafrinacains/ section UCAD