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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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le 6 juin 2020

Sebastian RomeroPour une nouvelle indépendance ! Pour un Congo indépendant et souverain !

Il y a 60 ans, la Belgique a tout fait pour canaliser le pro­cessus, devenu incontour­nable, de l'indépendance politique et éviter de remettre en question la colonisation économique. Mais pour Lumumba, il s'agissait de « mettre fin à l’humiliant escla­vage qui nous était imposé par la force », ce qui a été acquis par une lutte du peuple congolais qui « fut de larmes, de feu et de sang, et dont nous sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable ».


Et il invitait « tous les citoyens congolais, hommes, femmes et enfants à se mettre résolument au travail, en vue de créer une économie nationale prospère qui consacrera notre indépendance économique »[1].

 Le passé colonial toujours d’actualité en Belgique

 Tout comme la bourgeoisie belge s’est construite avec l’exploitation brutale des ouvriers belges et de leurs enfants, elle a également fait des profits énormes grâce au pillage des richesses du Congo et à l’exploitation du peuple congolais. Ce dernier fut réduit en esclavage sous le règne direct de Léopold II puis sauvagement exploité dans un régime raciste d’apartheid, quand le Congo est passé aux mains de la Belgique. C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous saluons la chute et la dégradation de chaque statue du roi assassin, ces symboles odieux qui salissent nos villes et insultent non seulement tous les Congolais et leurs descendants, mais l’en­semble des travailleurs. Nous saluons le vaste mouvement antiraciste mondial qui a surgi à la suite du meurtre de George Floyd et qui pointe directement l’héritage colonial comme toujours vivant dans nos pays impérialistes.

 Historiquement, la bourgeoisie belge a construit une fortune colossale par l’exploitation sauvage des popula­tions du « Congo belge ». Des mains coupées aux coups sanglants de chicotte, rien n’a été épargné aux Congolais pour assurer le développement du capital des sociétés belges. Si la Belgique, comme les autres pays impérialistes, est un pays riche et prospère, elle le doit entre autres à sa politique coloniale. Et ce sont précisé­ment ces énormes capitaux venant d’Afrique qui ont permis de faire des concessions aux luttes puissantes des travailleurs belges.

 Ce passé fait que la Belgique est un pays où le racisme est encore profondément enraciné : il se transmet de génération en génération ; aucun cours d’histoire à l’école ne condamne clairement la colonisation, quand ils ne la justifient pas carrément ! Un pays où des policiers en 1998 ont étouffé Semira Adamu, une jeune femme nigériane de 20 ans dans un avion lors de son expulsion. Comme dans le cas de George Floyd, on lui a coupé la respiration, ici avec la « technique du coussin ». Un pays où la police n’envisage même pas une seconde qu’une femme noire, Pierrette Herzberger-Fotana, qui prenait des photos d’une interpellation brutale visant « deux jeunes noirs » puisse être députée européenne. Un pays où le musée colonial soi-disant « rénové » continue de refuser la restitution des œuvres pillées à leurs propriétaires. Un pays qui se dit respectueux des droits humains, mais qui continue à faire la différence entre les étrangers, les sans-papiers qui sont mis dans l’illégalité, et les autres.

 Pour une nouvelle indépendance du Congo

 Célébrer l’indépendance du Congo c’est se souvenir que le peuple congolais a obtenu la victoire sur les colonisateurs belges. Les colons ont été forcés de modifier leurs plans, de fuir face à l’héroïsme de tout un peuple. Mais nous devons aussi faire de cette célébration une occasion de rappeler que cette lutte pour l’indépendance n’est pas terminée, car la Belgique, a toujours empêché toute émancipation des Congolais : de l’organisation de l’assassinat de Patrice Lumumba , au soutien des dictatures sanguinaires de Mobutu puis de Kabila fils. Les puissances impérialistes, dont la Belgique, continuent actuellement à piller le sous-sol du Congo, principal réservoir mondial de nombreux minerais indispensables à l'économie capitaliste.

 

Aujourd’hui, dans la mal-nommée République « démocratique » du Congo, la misère atteint des proportions dignes de la barbarie : la famine, les maladies, une répression politique sans pitié et des conflits armés pour le contrôle des régions minières font des dizaines de milliers de morts. Lors des élections en 2016, le siège de l’UDPS, alors dans l'opposition, a été incendié par des milices de Kabila et ses occupants brûlés vifs. Les mili­tants de mouvements d’opposition sont emprisonnés, souvent dans des endroits secrets, parfois torturés. Des charniers ont ainsi été découverts, alimentés par des « disparus ».

 Et cette situation est entretenue et encouragée par la « communauté internationale », un euphémisme pour dire l’impérialisme mondial, qui apprécie d’avoir un pouvoir fort pour mater toute tentative d’une réelle in­dépendance au service du peuple. Pour ce faire, l'impérialisme est directement présent grâce à une « force de maintien de la paix » la MONUSCO : 16 250 militaires qui occupent le Congo, la plus coûteuse mis­sion de l’ONU. Et avec un seul objectif, garantir une « stabilité » pour permettre le pillage du Congo. Une armée qui ne lève pas le petit doigt lors des massacres perpétrés par des groupes armés. Une armée elle-même coupable d’abus sexuels sur la population.

 Si la première revendication de Lumumba face à l’agression militaire belge en 1960 était « dehors les militaires belges », nous devons relever le drapeau de l’indépendance et lutter contre toute domination étrangère, contre toute politique néocoloniale. Les travailleurs belges doivent se solidariser avec la lutte du peuple congolais pour une nouvelle indépendance, car ils ont un intérêt commun avec les travailleurs congolais : mettre un terme à l’exploitation capitaliste et aux brutalités policières, aux souffrances quotidiennes et à la misère qu’elles engendrent.

 

Restitution de toutes les œuvres d'art et réparation financière

 pour les crimes commis par la Belgique au Congo !

 

Retrait de toutes les troupes étrangères ! La MONUSCO hors du Congo !

 

La richesse du Congo aux Congolais, expropriation sans indemnisation

 de toutes les sociétés minières et forestières !

 

Stop au racisme d’état en Belgique :

 Régularisation immédiate de tous les sans-papiers !

 

 

 

(1)Discours de Patrice Emery Lumumba, premier ministre de la République du Congo, prononcé le 30 juin 1960:

Congolais et Congolaises,

 

Combattants de l’indépendance aujourd’hui victorieux,

 

Je vous salue au nom du gouvernement congolais.

 

 

 

A vous tous, mes amis, qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et leurs petits-fils l’histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté.

 

Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte  qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.

 

 

 

Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force. Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire. Nous avons connu le travail harassant, exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers.

 

 

 

Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions nègres. Qui oubliera qu’à un noir on disait « tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « vous » honorable était réservé aux seuls Blancs ?

 

Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort. Nous avons connu que la loi n’était jamais la même selon qu’il s’agissait d’un Blanc ou d’un Noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres. Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort elle-même.

 

Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les blancs et des paillottes croulantes pour les Noirs, qu’un Noir n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens ; qu’un Noir voyageait à même la coque des péniches, aux pieds du blanc dans sa cabine de luxe.

 

Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’une justice d’oppression et d’exploitation ?

 

 

 

Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert. Mais tout cela aussi, nous que le vote de vos représentants élus a agréé pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur de l’oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut, tout cela est désormais fini. La République du Congo a té proclamée et notre pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique toute entière. Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants. Nous allons revoir toutes les lois d’autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles.

 

 

 

Nous allons mettre fin à l’oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens jouissent pleinement des libertés fondamentales prévues dans la Déclaration des droits de l’Homme.

 

Nous allons supprimer efficacement toute discrimination quelle qu’elle soit et donner à chacun la juste place que lui vaudront sa dignité humaine, son travail et son dévouement au pays. Nous allons faire régner nos pas la paix des fusils et des baïonnettes, mais la paix des cœurs et des bonnes volontés.

 

Et pour cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses,  mais sur l’assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu’elle sera loyale et ne cherchera pas à nous imposer une politique quelle qu’elle soit. Dans ce domaine, la Belgique qui, comprenant enfin le sens de l’histoire, n’a pas essayé de s’opposer à notre indépendance, est prête à nous accorder son aide et son amitié, et un traité vient d’être signé dans ce sens entre nos deux pays égaux et indépendants. Cette coopération, j’en suis sûr, sera profitable aux deux pays. De notre côté, tout en restant vigilants, nous saurons respecter les engagements librement consentis .

 

Ainsi, tant à  l’intérieur qu’à l’extérieur, le Congo nouveau, notre chère République, que mon gouvernement va créer, sera un pays riche, libre et prospère. Mais pour que nous arrivions sans retard à ce but, vous tous, législateurs et citoyens congolais, je vous demande de m’aider de toutes vos forces. Je vous demande à tous d’oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l’étranger.

 

 

 

Je demande à la minorité parlementaire d’aider mo n gouvernement par une opposition constructive et de rester strictement dans les voies légales et démocratiques. Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise. Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis dans notre pays. Si la conduite de ces étrangers laisse à désirer, notre justice sera prompte à les expulser du territoire de la République ; si par contre leur conduite est bonne, il faut les laisser en paix, car eux aussi travaillent à la prospérité de notre pays. L’indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain.

 

 

 

Voilà, Sire, Excellences, Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes, mes frères de race, mes frères de lutte, ce que j’ai voulu vous dire au nom du gouvernement en ce jour magnifique de notre indépendance complète et souveraine. Notre gouvernement fort, national, populaire, sera le salut de ce pays.

 

J’invite tous les citoyens congolais, hommes, femmes et enfants, à se mettre résolument au travail en vue de créer une économie nationale prospère qui consacrera notre indépendance économique.

 

 

 

Hommage aux combattants de la liberté nationale !

 

Vive l’indépendance et l’Unité africaine !

 

Vive le Congo indépendant et souverain !