3 juillet 2013
Une grande victoire de la mobilisation du peuple égyptien !
Le peuple égyptien, protagoniste d'une mobilisation colossale, écrit une nouvelle page dans l'histoire de son pays et de sa révolution.
La force irrésistible d'environ 17 millions de personnes dans la rue est le facteur décisif dans le renversement du gouvernement de Mohamed Morsi. Cette mobilisation, probablement la plus grande dans l'histoire de l'humanité, fut un tremblement de terre politique qui a ébranlé les fondements du régime militaire, le régime régnant dans le pays qui a survécu à la chute du dictateur Moubarak en février 2011.
Les masses égyptiennes, qui avaient mesuré leurs forces lors de la chute de Moubarak, ont fait une expérience accélérée avec Morsi, l'homme arrivé à la présidence du pays sur la base d'un pacte entre les Frères musulmans et le sommet des forces armées, pour préserver le régime militaire. Une année au pouvoir a été suffisante pour que Morsi – qui n'a répondu à aucune des aspirations populaires après la chute de Moubarak – devienne un cadavre politique. Les gens en avaient marre de lui, ils se sont mobilisés avec beaucoup plus de force qu'il y a deux ans et ils l'ont renversé.
Nous sommes en présence d'une énorme victoire pour les masses, qui en sont conscientes et qui la célèbrent dans les rues et les places à travers le pays. Il s'agit bel et bien d'une victoire, car le facteur crucial pour le renversement de Morsi était la mobilisation colossale des masses. Avec ce fait, le régime militaire est manifestement affaibli, même s'il n'a pas été détruit, dans la mesure où les militaires ont été contraints de sacrifier encore un gouvernement servile à leurs intérêts. Après Moubarak, c'est celui de Morsi. Ils ont dû le faire, non pas par libre choix, mais pour essayer de tranquilliser une mobilisation populaire à l'échelle nationale, supérieure à celle qui a renversé Moubarak, afin de sauver leur régime.
Le contenu essentiel des faits et du processus est bien cela. Et nous ne pouvons donc pas nous laisser tromper par la forme qu'a prise finalement le renversement de Morsi, une intervention directe ou un putsch politique de l'armée. Ils ont dû changer encore un fusible, et à chaque coup du mouvement des masses, la situation du régime devient plus précaire, en dépit de toutes les manœuvres encore possibles. D'abord c'était Moubarak, maintenant c'est Morsi, qui en outre était un représentant des Frères musulmans, une organisation qui joue toujours un rôle important dans le pays. Combien de fusibles leur reste-t-il aux généraux égyptiens et à l'impérialisme ?
C'est l'actuel chef de la Cour suprême constitutionnelle, Adly Mansour, qui prendra la relève comme président, selon l'annonce faite par le commandant en chef de l'armée et ancien ministre de la Défense de Morsi, le général Abdel Fatah al-Sisi. Ce personnage devra conduire une « période de transition » jusqu'à la réalisation de nouvelles élections présidentielles et parlementaires. C'est une « feuille de route » bien connue par le peuple égyptien, et qui peut avoir ses jours comptés.
(Voir la Déclaration de la LIT-QI du 1er juillet 2013, avant la chute de Morsi : A bas Morsi ! A bas les militaires !)
Cette victoire est partielle, et sa principale contradiction est le fait que les masses égyptiennes continuent à avoir confiance dans l'armée. Autrement dit, elles n'identifient pas les généraux comme les principaux ennemis. Pour les masses, les gouvernements – de Moubarak, de Morsi – sont toujours l'ennemi évident et immédiat, et non pas l'armée en tant qu'institution, qui d'ailleurs est parvenue à se ressaisir et à rompre tout lien qui aurait pu l'entraîner dans la chute d'un Morsi discrédité.
Le nouveau gouvernement, émergé à l'intérieur du régime en réponse à la lutte populaire des masses, ne pourra pas satisfaire les revendications légitimes et les aspirations démocratiques et économiques du peuple égyptien. C'est un gouvernement qui répond et répondra, tout comme ceux de Moubarak et de Morsi, au même régime des généraux payés directement par l'impérialisme. Nous ne pouvons donc garder aucune confiance en lui. Il ne mérite que l'opposition directe du peuple et du mouvement ouvrier, populaire et des jeunes de l'Egypte.
En ce moment, la grande tâche des révolutionnaires est d'expliquer patiemment aux masses égyptiennes que ce gouvernement n'est pas le leur, qu'il fera partie du même régime actuel, et que nous devons rester mobilisés contre ses plans.
La lutte doit continuer !
Le nouveau gouvernement sera, en outre, beaucoup plus faible que le précédent, ce qui crée de meilleures conditions pour la poursuite de la lutte, non seulement contre lui, mais aussi contre l'ensemble du régime.
La tâche en ce moment est de maintenir la mobilisation – sur la base de la grande conquête que signifie le renversement de Morsi – pour gagner les libertés démocratiques complètes, pour punir les crimes – non seulement ceux de Moubarak, mais de l'ensemble du sommet militaire –, pour confisquer leurs fortunes et leurs propriétés, et pour annuler tous les accords qu'ils ont avec l'impérialisme.
En ce sens, c'est le moment d'exiger la rupture immédiate du traité de Camp David et de toute la subordination politique et financière de l'armée par rapport à l'impérialisme et Israël ! Non à la nouvelle dette de 4,8 milliards de dollars contractée avec banquiers de Washington ! Non au paiement de la dette extérieure, afin que ces ressources soient dépensées en emplois, soins de santé et éducation pour le peuple égyptien !
Nous devons aussi nous battre pour une augmentation générale des salaires ; pour un plan économique d'urgence et la réduction immédiate du temps de travail sans réduction de salaire, afin de garantir un emploi à tous ; pour l'expropriation des grandes entreprises nationales et multinationales et du système financier !
Dans ce contexte, il faut maintenir l'indépendance des organisations populaires et des travailleurs. Il faut faire avancer – dans le feu de la lutte – la construction d'un parti révolutionnaire et internationaliste, qui peut conduire la mobilisation jusqu'à la destruction du régime militaire. Ce qui doit mener vers la seule vraie solution, un gouvernement ouvrier et populaire en Egypte.
Vive la révolution égyptienne !
Le secrétariat international de la LIT-QI
São Paulo, le 3 juillet 2013