Ce dernier point était l'une des principales revendications de la lutte anti-putschiste et il est donc possible qu'une grande partie du peuple hondurien le voient comme un triomphe. La réalité montre toutefois que cet accord a volé au peuple hondurien la possibilité de renverser, par sa lutte, le gouvernement issu du putsch militaire.
Tout d'abord, l'instance qui déterminera si Zelaya doit de nouveau assumer la présidence ou non sera le même Congrès (avec la Cour Suprême et l'Armée) qui fut à l'origine du putsch, qui a démis Zelaya de ses fonctions et l'a expulsé du pays. Autrement dit, l'accord légitime les institutions putschistes et leur assure la continuité en les transformant en surveillants de la transition et du futur processus électoral. En outre, personne ne sera puni pour avoir exécuté ou pour avoir promu le putsch, ni pour la répression postérieure et les nombreux assassinats commis à cette occasion.
Dans ce cadre, le retour de Zelaya à la présidence ne sera que de courte durée, un peu plus de deux mois, et sous des conditions sévères puisque comme nous l'avons vu, il aura lieu à la fois dans le cadre de la continuité des institutions putschistes et dans le cadre d'un gouvernement d'« unité nationale » avec les putschistes.
Finalement, bien qu'il s'agisse peut-être d'un des thèmes les plus importants, l'accord ne mentionne même pas la convocation d'une Assemblée Constituante, l'une des revendications les plus sincères du peuple hondurien, afin de pouvoir y discuter de la solution aux problèmes les plus graves auxquels fait face le pays, comme la nécessité de changer la Constitution réactionnaire actuelle et son régime politique autoritaire, de mettre en place une réforme agraire contre l'oligarchie latifundiste, de rompre avec la domination impérialiste ou d'éliminer la base militaire des États-Unis à Soto Cano.
C'est pourquoi, le véritable objectif de l'accord est de mettre fin à la mobilisation populaire héroïque et de canaliser tous les efforts des masses vers la voie stérile du processus électoral. Dans l'immédiat, les élections du 29 novembre deviennent la pièce maîtresse de cet objectif, ce qui explique l'urgence de Tom Shannon d'obtenir la signature dans un certain délais. Selon les enquêtes, Pepe Lobo, le candidat pro-putschiste du Parti National conservateur, doit l'emporter.
Ce n'est donc pas par hasard que l'accord ait été salué comme un triomphe par les putschistes ; Roberto Micheletti a d'ailleurs déclaré : « Le Honduras a gagné, et ce fut notre rêve permanent que cette crise finisse comme elle finit maintenant (...) Je suis content du résultat. » (El Heraldo, 31/10/2009)
Un accord sur mesure pour la politique impérialiste
Tom Shannon, le sous-secrétaire d'Etat pour l'Hémisphère Occidental et représentant officiel du gouvernement Obama dans le conflit, a été l'un des principaux artisans de la signature de l'accord. C'est lui qui a voyagé en Honduras comme envoyé spécial du président des États-Unis afin d'intervenir dans les négociations pour garantir que les deux parties le signent. Il en est même venu à qualifier avec une certaine dose d'euphorie ses signataires, y compris les putschistes, de « héros de la démocratie ».Le fait est que l'Accord de Guaymuras s'ajuste à la perfection à l'actuelle tactique politique de l'impérialisme américain. Le gouvernement Obama, mis en échec en Irak et supportant une situation très difficile en Afghanistan, essaye d'éviter l'approfondissement des conflits en Amérique latine. Il cherche à les résoudre par la voie de la négociation et par le consensus pour ainsi à la fois défendre les intérêts économiques et politiques des Etats-Unis et freiner la lutte du mouvement de masses et le mettre en échec, disposant pour cela de la collaboration de leurs directions.
L'Accord de Guaymuras montre en quoi cette politique soi-disant « pacifiste et sympathique » représente un grave danger pour le développement de cette lutte si les masses croyaient que la « solution » viendrait par cette voie. Et ce danger est rendu plus grand encore par le fait que des figures populaires comme Lula et Chavez approuveront l'accord.
Qui a volé la possibilité du triomphe ?
Depuis le jour même de l'installation du régime putschiste, le peuple hondurien a mené une lutte de résistance héroïque contre celui-ci, avec plusieurs morts du fait de la répression. La résistance a aussi atteint des sommets en terme de massification, comme à l'occasion de la concentration dans l'aéroport de Tegucigalpa (lors de la première tentative de retour de Zelaya au pays) et dans la grève générale du 22 juillet.Cette résistance a été, avec l'isolement international du régime putschiste, le facteur central qui a empêché la consolidation de ce régime. C'est-à-dire qu'elle a laissé ouverte la possibilité de le renverser par la lutte du peuple hondurien et d'ouvrir ainsi des conditions bien meilleures pour continuer cette lutte vers le triomphe des revendications les plus pressenties.
C'est Zelaya lui-même qui a empêché cette possibilité. Tout d'abord, après le putsch, il s'est limité à appeler à la « mobilisation pacifique » (c'est-à-dire sans aller vers la confrontation frontale avec les putschistes) pour que celle-ci agisse comme un facteur auxiliaire à la négociation. Ceci est devenu évident avec sa signature précoce de l'Accord de San José. Mais dans cette première période, il maintenait au moins l'appel à la mobilisation.
La mobilisation de masses a atteint son sommet avec le retour de Zelaya au pays, le 21 septembre dernier. Le peuple a fait face à la répression dans la rue et a organisé la défense des quartiers populaires. Toutefois, après une déclaration rhétorique qui parlait d'« insurrection », Zelaya a abandonné tout appel à la mobilisation et s'est concentré exclusivement sur les négociations, en sollicitant l'« aide » de l'impérialisme et des gouvernements de Lula, de Chavez et d'autres, pour que ces négociations soient acceptées par les putschistes. Dans ces négociations, il a capitulé toujours davantage, jusqu'à arriver à l'Accord de Guaymuras. Avec cette politique, Zelaya a tout d'abord permis le renforcement du régime putschiste, et, par la suite, sa légitimation et la continuité de ses personnalités dans les institutions.
Zelaya a ainsi montré clairement son caractère bourgeois et les limites infranchissables que ce caractère de classe lui imposait. Il a préféré sauver l'actuelle structure économique, politique et sociale du Honduras plutôt que de se mettre à la tête d'une lutte de masses afin de la modifier.
En ce sens, le Front de Résistance au Coup d'Etat a commis l'erreur grave d'assister cette politique de Zelaya. Il a d'abord justifié la démobilisation avec différents arguments. A présent il a publié un communiqué qui, de fait, soutient l'Accord de Guaymuras et pose quelques exigences au Congrès putschiste, même s'il indique qu'il continuera à « combattre dans la rue » pour la convocation d'une Assemblée Constituante. De cette manière, le Front légitime malheureusement l'Accord, dissimule la trahison de Zelaya et, parallèlement, se barre la route pour apparaître comme une alternative de direction pour la lutte de l'ensemble du peuple hondurien. Nous lui adressons un appel fraternel à revenir sur cette position.
La lutte doit continuer
Si l'Accord de Guaymuras cherche à défendre et à maintenir l'actuelle structure économique, politique et sociale du Honduras, par ailleurs, rien ne sera plus comme avant dans le pays. Dans sa lutte contre les putschistes, le peuple hondurien a avancé dans sa conscience, dans son unité et dans son organisation.Voilà la base pour continuer sa lutte. Dans quelques jours déjà, il y aura sûrement un nouveau gouvernement « d'unité nationale » issu de l'application de l'Accord de Guaymuras. Ce gouvernement devient maintenant, contrairement à ce qu'affirme la majorité de la gauche, le principal obstacle pour que les masses obtiennent leurs principales revendications : une Assemblée Constituante souveraine qui en finisse avec l'actuel régime politique réactionnaire, la réforme agraire, la fin de la base Soto Cano et la fin de la domination impérialiste et oligarchique.
En vertu de tout ce qui précède, la LIT rejette ce gouvernement né de la capitulation de Zelaya et appelle les organisations ouvrières et populaires à construire des organisations de classe qui combattent pour ce programme, des organisations totalement indépendantes de toute figure bourgeoise.
Secrétariat International de la LIT-QI
São Paulo, le 1er novembre 2009
São Paulo, le 1er novembre 2009