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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

Newsletter

27 septembre 2013

Après la menace d'intervention, les Etats-Unis reculent de façon retentissante.

Face à l'attaque meurtrière d’Assad avec des armes chimiques contre les zones contrôlées par les rebelles à Damas, les Etats-Unis ont annoncé en grande fanfare qu’ils bombarderaient la Syrie parce qu’Assad avait « franchi la ligne rouge ».
   Obama déclara qu'il le ferait même sans soutien de l'ONU et avec uniquement l'appui de l'Angleterre et de la France. Toutefois, les Etats-Unis ont fini par suspendre l'intervention, se valant du plan russe pour placer les armes chimiques sous contrôle international, en échange de la suspension de l'opération.
   Ce recul retentissant du gouvernement américain et de ses alliés s'explique principalement par le dénommé « syndrome Irak », qui s'exprime dans le rejet de larges secteurs de la population des pays impérialistes, Etats-Unis en tête. Ils refusent que leurs gouvernements se lancent dans de nouvelles aventures militaires coûteuses. C'est sans doute l'une des expressions les plus remarquables et les plus progressistes de la défaite politique et militaire qui a mis fin aux dernières invasions de l'Afghanistan et de l’Irak. Le Britannique Cameron a perdu son pari, au Parlement de Grande-Bretagne, d'accompagner Obama ; un fait sans précédent dans l'histoire récente. Il ne manquait que la France, qui a commencé à douter face au refus interne et à la crise déclenchée aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
   Mais le contenu même de l’accord entre les Etats-Unis et la Russie montre ce qu’a toujours été la politique de toutes les puissances impérialistes. Essentiellement, l'accord n'est qu'une mesure cosmétique pour sauver la face pour Obama. Ce que montrent toutes les actions de l'impérialisme américain et de ses alliés depuis plus de deux ans de guerre civile en Syrie (et que confirment les derniers développements), c'est que leur politique se résume au fait de forcer Assad et la résistance à une solution négociée, une solution qui préserve l'essence du régime syrien et qui stabilise le pays, sur base de quelques concessions à la résistance.
   Un autre facteur, bien que non déterminant, qui augmente les craintes de l'impérialisme à soutenir les rebelles, est le manque de centralisation de la direction du camp rebelle, qui est beaucoup plus fragmenté que celui de la Libye. En ce sens, les Etats-Unis et leurs alliés impérialistes ont fort peur que les forces qui contrôlent le processus ne soient pas sous leur contrôle complet.
   Obama et Poutine ont fait des efforts pour stabiliser le pays, comme au bon vieux temps de la coopération américano-soviétique pour enterrer la révolution.
   Cela montre clairement à la résistance – à ceux qui étaient, à juste titre, contre l'intervention militaire, tout comme à ceux qui, poussés par la situation désespérée, plaçaient leurs espoirs dans cette intervention –, que les soi-disant grandes puissances, et en particulier les Etats-Unis, ne sont pas des « amis de la révolution » et n'ont aucun intérêt « humanitaire » ; ils sont complices d'Al-Assad.

Pour que la libération du peuple syrien soit l’œuvre de peuple syrien lui-même, il faut des armes et un appui matériel pour la résistance !

La LIT-QI a toujours été contre l'intervention impérialiste parce qu’elle visait à essayer de contrôler et de vaincre la révolution de l'intérieur, pour stabiliser le pays et la région sous leur contrôle. Il n'y avait pas le moindre intérêt « humanitaire » dans cette intervention. Toutes leurs actions sont au service de leurs objectifs colonialistes et contre-révolutionnaires. Le projet de l'impérialisme est de transformer la Syrie en une colonie étasunienne. A ceux de la résistance au tyran Assad qui avaient quelques espoirs de libération venant des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne ou de la France, nous disons que l'histoire témoigne du fait qu’ils ne vont être « libérés » du tyran sanguinaire Assad que pour être dominés par les plus grands tyrans que l'humanité ait connus : les impérialistes.
   Si le peuple syrien ne réalise pas sa propre libération, avec l'aide de ses frères des autres peuples, le sacrifice des martyrs aura servi à remplacer une dictature comme celle d’Assad par une autre, beaucoup plus forte et plus puissante, comme celle que représentent les Etats-Unis et leurs alliés.
   Si les intentions des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de leurs alliés avaient eu le moindre intérêt humanitaire, le moindre critère démocratique, ils ne ménageraient pas l’aide en armes et en équipements pour la résistance syrienne, afin que le peuple syrien ait au moins le droit le plus élémentaire de se défendre face à leur tyran.
   La LIT-QI a été et sera du côté du peuple syrien et de sa résistance héroïque contre Assad. Et depuis ce côté de la barricade, nous continuerons à être contre toute intervention militaire impérialiste, en même temps que nous demandons à toutes les organisations syndicales populaires et démocratiques de redoubler d’efforts pour exiger des gouvernements l’envoi d’armes et un soutien matériel à la résistance syrienne.
   La lutte sur le terrain et le rôle malheureux de la « gauche »La contre-offensive d'Assad de ces dernières semaines était basée sur la supériorité en armes et sur le soutien direct, tant du Hezbollah – avec des milliers de soldats – que de la fourniture et du soutien logistique de la Russie, de l'Iran et du Venezuela. Cette offensive a connu des avancées, telles que la récupération de Quseir. Mais elle a sans aucun doute une limite : la situation des troupes de l'armée d'Assad qui, malgré la supériorité militaire, n'ont pas le moral pour aller au combat franc et direct et écraser la révolution. Cela se voit particulièrement à Damas et c'est ce qui peut expliquer que le régime ne parvienne pas à écraser les bataillons de la périphérie, comme à Ghouta ou Kabum.
   Ce panorama fait que le rapport des forces reflète un moment d’impasse qui peut se prolonger. Plusieurs analystes s'attendent à une longue guerre qui, du point de vue de la lutte pour vaincre Assad, signifie une longue période de plus de souffrances, sans un soutien efficace à la révolution.
   Bien que la suspension des bombardements donne un répit à Assad en atténuant la destruction possible des cibles militaires à partir de l'air, elle ne modifie pas la situation générale sur le terrain. Malgré la supériorité militaire, Assad ne parvient pas à prendre le contrôle de la plupart des zones libérées, même dans la banlieue de Damas, car il ne possède pas la quantité nécessaire d’effectifs en condition d’aller au combat direct. Le dictateur compense les pertes et la démoralisation de son armée par le rôle sinistre et honteux du Hezbollah, qui dilapide le patrimoine accumulé dans sa lutte contre le sionisme. Néanmoins, il y a eu des victoires des rebelles à Alep et Lattaquié.
   Ce tableau laisse présager une guerre civile de longue haleine, ce qui donne encore plus d'importance au rôle de la campagne internationale de solidarité.
   Malheureusement, les positions de la grande majorité de la gauche dans le monde sont contre la révolution syrienne. D'une part, le castro-chavisme et le stalinisme en général se sont entièrement alignés sur Assad, comme ils l'ont fait avec Kadhafi.
   D'autre part, les centristes et de nombreuses organisations qui se prétendent « trotskystes » cèdent à la pression des staliniens, prétextant le caractère de la direction des rebelles. Pour « ne pas capituler » à ces directions, ils proposent en effet de continuer à laisser la révolution syrienne isolée, et de cette façon, ils contribuent à sa défaite, tout en laissant l'impérialisme et ses alliés continuer à jouer le rôle des seuls défenseurs de la révolution.
   La LIT-QI sait clairement de quel côté de la barricade elle se trouve : nous exigeons des armes et un soutien matériel pour la résistance syrienne, pour mettre fin à la différence qualitative entre l’armement du régime et celui des rebelles. Il faut un armement supérieur, des missiles antiaériens, des chars avec de la technologie moderne. Ces matériels ne peuvent pas être obtenus s’ils n'obtiennent pas le libre transit des gouvernements de la région et des gouvernements impérialistes.
   Et c’est lorsque nous soulevons cette exigence démocratique, le droit du peuple syrien à se défendre, que la gauche et les soi-disant trotskystes sont choqués et crient à la « capitulation de la LIT-QI à l'impérialisme ».
   Il y a lieu de demander à eux tous : l’envoi d’armes et de soutien matériel à la République n'était-il pas une demande unanime de la gauche dans l'Etat espagnol et dans monde, quand les travailleurs et le peuple affrontaient les troupes de Franco ? Ces armes n’ont-elles pas été exigées, en particulier à la Grande-Bretagne et à la France ? L’Angleterre et la France n’étaient-elles pas des pays impérialistes ? Le refus d'envoyer ces armes, n'est-il pas resté dans l'Histoire comme la preuve de ne pas vouloir soutenir la République, ce qui a aidé à la victoire Franco ?
   Des groupes soi-disant trotskystes rejoignent ce chœur qui proclame que nous faisons « le jeu de l'impérialisme » en exigeant des armes pour la résistance syrienne. Ces groupes vocifèrent au nom d'une supposée orthodoxie, alors que Trotsky fut le premier à condamner fermement le refus des gouvernements anglais et français pendant la guerre civile espagnole, comme une attitude qui ne faisait que renforcer le fascisme. Et il a également toujours soutenu que les révolutionnaires devaient utiliser les contradictions de l'impérialisme et pouvaient accepter des armes pour poursuivre leur lutte.
   Laissons donc ces ultragauchistes avec leurs prétentions pompeuses, comme disait Trotsky, et restons avec le peuple syrien et avec ceux qui, comme nous, le soutiennent, pour rejeter cette réponse avec une indignation légitime.

Les groupes d'Al-Qaïda : la cinquième colonne d’Assad

Dans les zones libérées, il y a de plus en plus un affrontement entre les bataillons rebelles et les Comités locaux, d'une part, et les organisations liées à Al-Qaïda de l'autre, surtout Jabat Al Nusray et EISI.
   Il s'agit d'une confrontation croissante, dans les zones libérées, entre les militants qui luttent pour renverser Assad au nom d'une Syrie démocratique, et les groupes liés à Al-Qaïda, qui proclament que leur objectif est l'établissement d'un califat. La ligne de partage ne serait donc pas entre les troupes d'Assad et ceux des Comités locaux et de l'ASL, mais entre les dévots d'un nouvel Etat théocratique et dictatorial et les infidèles.
   Dans le cadre de ce projet, ils poursuivent les militants, les mettent en prison et les assassinent. C'est le cas d'un prêtre qui soutenait la révolution, pour le simple fait qu’il voulait exercer son droit de culte. Ils punissent et exécutent les jeunes qui ne se déclarent pas musulmans ou qui ne peuvent pas lire le Coran, les femmes qui ne portent pas le voile, etc., dans toutes les zones sous leur contrôle. Ils ont assassiné des commandants de l'ASL et ils ne se subordonnent pas à l’unité de lutte contre Assad. Ils refusent de se joindre aux autres milices rebelles. Qui plus est, ils sont accusés par les comités locaux et les bataillons rebelles de quitter le front pour concentrer leurs troupes à l'arrière. Cette situation, en plus de servir de justification à Assad, conduit à une division et mène également des secteurs minoritaires – comme les alaouites ou les chiites, qu'ils pourchassent – à être attirés par la dictature.
   Nous, de la LIT-QI, nous avons déjà dénoncé leur rôle. Mais il s’agit maintenant de dire clairement qu'ils sont une cinquième colonne d’Assad, embusquée dans le camp de révolution, et qu'il faut s'organiser pour la lutte contre eux, là où ils dirigent. Pour la défense des comités locaux ! C'est le peuple qui doit décider de la vie quotidienne dans les zones. On ne va pas faire tomber Assad pour imposer une nouvelle dictature d'Al-Qaïda et de ses sbires, comme l’a dénoncé la résistance à juste titre.

La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens

Le vieux Trotsky, le fondateur et dirigeant de l'Armée rouge, qui en savait assez sur les guerres et les questions militaires, s'est référé à la révolution espagnole et à la guerre, en disant : « Dans une guerre, le résultat dépend pour un quart, voir moins, du militaire, et pour trois quarts, voir plus, de la politique. »Le programme et la politique dans la résistance deviennent le problème le plus crucial pour gagner la guerre.
   Est-il possible d'unifier la résistance actuellement dispersée et fragmentée, sans un programme qui exprime les objectifs communs des travailleurs, du peuple, des nationalités opprimées, des jeunes et des femmes qui font face à Assad ? Est-il possible d'unifier la résistance sans un programme de libération nationale et sociale ?
   Ceux qui considèrent que ces questions sont inutiles, voir même préjudiciables – « maintenant il faut faire tomber à Assad et ensuite nous parlerons » – placent la victoire militaire et les tâches de la révolution sur des plans séparés, et de cette manière, ils préparent l'échec de la révolution et la défaite militaire.
   Le problème de la bataille pour ce programme est donc le problème de la direction de la guerre et de la révolution. Si les groupes d'Al-Qaïda ont gagné du terrain, ce n’est pas tant en raison des armes qu'ils reçoivent – un facteur important –, mais parce qu’avec leur califat, leur Sharia et leur constitution islamique, ils ont un programme – contre-révolutionnaire, certes, mais un programme – autour duquel ils unifient les objectifs de la lutte.
   La résistance peut-elle se renforcer sans que les dirigeants ne s’expriment clairement face au peuple kurde sur la question de savoir si la Syrie pour laquelle ils luttent inclut ou pas le droit du peuple kurde à l'autodétermination ?
   La résistance peut-elle s’unifier et se renforcer si elle n'affirme pas clairement, face à la jeunesse combattante, que la Syrie pour laquelle ils luttent sera régie par le principe de la souveraineté nationale, sans brader ses ressources aux multinationales impérialistes pour continuer le pillage de la Syrie ?
   La résistance peut-elle se renforcer si les femmes syriennes, l'avant-garde dans la lutte contre le régime, ne savent pas si, dans la Syrie victorieuse, elles auront une place sur un pied d'égalité avec les hommes, ou si elles continueront à être opprimées et asservies par les lois réactionnaires ?
   La résistance peut-elle se renforcer sans savoir qui va décider de l'avenir de la Syrie si elle parvient à renverser Assad ? Sera-ce à une assemblée constituante, libre et souveraine, qui décidera de l'avenir de la Syrie ? Ou sera-ce les amis de l'impérialisme qui, depuis l'extérieur de la Syrie, préparent la « transition », espérant la collaboration de secteurs du régime Assad dans cette négociation ?
   La lutte pour le programme de la révolution devient ainsi l’arme la plus puissante de la résistance. La lutte pour ce programme commence par placer les combattants révolutionnaires les plus lucides à la tête de la bataille pour construire ce programme, et par y faire participer les Comités locaux, alors que ceux-ci luttent en même temps pour la centralisation de ces comités qui, unifiés, doivent devenir le véritable organisme de pouvoir de la révolution. La lutte pour ce programme doit inclure comme tâche la bataille pour la formation d'un Comité central de milices qui, sous réserve des décisions de l'organisme central des Comités locaux, mette un terme à l’actuelle fragmentation et centralise les plans militaires, la fourniture des milices et l’armement.
   La bataille est pour ce programme pour gagner la guerre et donner une issue ouvrière, populaire et démocratique à la révolution syrienne.
   A cet égard, il est essentiel que tous ces combattants plus conscients qui intègrent les comités locaux construisent ce programme et se donnent la tâche, autour de lui, de construire un parti politique révolutionnaire, socialiste, ouvrier et internationaliste.
   La défense de ce programme et la lutte pour la construction du parti révolutionnaire passera inévitablement par un combat politique permanent contre les actuelles directions collaborationnistes qui, tant à partir de ce qu’on appelle la Coalition nationale qu'à partir de la Coordination nationale syrienne ou le commandement de l'ASL, n’ont rien fait d’autre que d’appeler encore et encore à l'intervention impérialiste tout en montrant leur incapacité à résoudre les problèmes cruciaux de la résistance.

Une campagne internationale de solidarité avec la révolution syrienne est urgente !

Nous, de la LIT, nous appelons à intensifier la campagne de soutien à la résistance syrienne. Nous appelons toutes les organisations syndicales et démocratiques à exiger des gouvernements des armes et un soutien matériel pour la résistance syrienne.
   Nous ne voulons pas d'intervention militaire de l’impérialisme, nous voulons que le peuple syrien ait le droit démocratique le plus élémentaire à se défendre. Ceux qui prétendent à juste titre que l’on ne peut pas être indifférent à un massacre qui a fait plus de 100 000 victimes devraient être les premiers à se joindre à cette exigence envers leurs gouvernements.
   Pour notre part, nous allons intensifier la campagne en favorisant la transmission de la voix de la résistance syrienne partout, en organisant des rassemblements et des tournées avec les camarades les plus proches qui font partie de la résistance syrienne.
   Notre campagne est au service de la victoire de la révolution syrienne, pour laquelle nous exigeons publiquement des gouvernements l’envoi d'aide matérielle aux combattants syriens. Et nous lutterons pour que les organisations ouvrières et démocratiques se joignent à la campagne.
   En même temps, nous allons prendre des initiatives pour faire connaître la situation de la révolution en Syrie et obtenir le soutien matériel pour les secteurs les plus progressistes de la résistance, comme les Comités locaux.
   La révolution syrienne est actuellement le principal affrontement entre révolution et contre-révolution dans le monde. De sa victoire ou de sa défaite dépend l'avenir, non seulement de cette révolution, mais de l'ensemble des révolutions dans la région. Il n’y a donc pas de tâche plus urgente que d’entourer de solidarité active la révolution syrienne.

Comité exécutif international de la LIT-QI
Le 27 septembre 2013