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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

Newsletter

20 juin 2013
Aldo Cordeiro Sauda, Fabio Bosco, Márcio Palmares, Ronald León Núñez et Sebastião Nascimento

10 questions clés pour comprendre la révolution syrienne

La Révolution syrienne est en danger ! L'intervention de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah a permis au régime décadent de Bachar Al Assad de reprendre le contrôle dans des villes importantes et de déclencher une nouvelle vague de massacres contre la population. La contre-révolution a déjà coûté plus de 100 000 vies. Le peuple syrien et la révolution ont besoin du soutien et de la solidarité active des travailleurs et des jeunes à travers le monde !
       Les militants et les personnes engagées dans les organisations politiques, syndicales, populaires et étudiantes doivent exprimer leur solidarité et leur soutien inconditionnel à la lutte révolutionnaire du peuple syrien pour renverser le régime dictatorial et génocidaire de Bachar Al Assad ; et ils doivent, en même temps, répudier l'intervention de l'impérialisme étasunien et de l'européen, ainsi que celle de la Russie, de la Chine, de l'Iran et du Hezbollah.
    La compréhension de la révolution syrienne et le témoignage de la solidarité avec elle font essentiellement partie de la lutte internationale, des travailleurs et de tous les opprimés et de tous les exploités, contre le capitalisme impérialiste.
    Discutez cet article dans votre organisation ! Participez aux actions de solidarité dans votre ville !

1) Y a-t-il vraiment une révolution en cours en Syrie ?

Oui ! Il y a une révolution très profonde et puissante en Syrie ! Elle s'inscrit dans le cadre du processus social et politique dénommé « Printemps arabe » par la grande presse, et que nous dénommons comme la « Révolution en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ». La révolution en Syrie est actuellement le point culminant et le plus critique de cette révolution régionale qui a commencé en Tunisie et s'est étendue à presque tous les pays de la région. Il s'agit d'une vague de révolutions qui, dans un premier moment, affronte essentiellement le régime politique, c'est-à-dire les dictatures qui gouvernent les pays arabes depuis des décennies en conformité avec les intérêts de l'impérialisme. En même temps, ces révolutions se transforment en un affrontement global contre le système capitaliste et contre l'impérialisme, par le fait de réveiller des millions de personnes qui ont enduré de longues années de misère et d'oppression et de les mettre en mouvements. L'explosion récente des soulèvements populaires en Turquie, par exemple, qui a commencé pour des raisons apparemment « anodines » et est devenue immédiatement un défi radical à l'ordre établi, démontre la nature, l'étendue et la profondeur de ce processus révolutionnaire.

2) Beaucoup de gens disent qu'il n'y a pas de révolution en Syrie, mais bien une guerre civile entre groupes ethniques ou religieux, entre sunnites et alaouites, par exemple.

L'impérialisme et le régime de Bachar Al Assad utilisent la religion comme une arme pour diviser les Syriens et faciliter le travail de la contre-révolution. Ils appliquent ainsi la vieille stratégie de « diviser pour régner ». Mais par son origine et sa nature, la révolution syrienne n'a rien à voir avec des conflits entre idéologies religieuses : il s'agit de la lutte politique (et militaire) contre un régime dictatorial qui terrorise la population avec sa police. L'annonce, reproduite dans la presse internationale, concernant la « lutte de factions » a pour objectif de générer l'indifférence et d'empêcher la révolution de recevoir la solidarité dont elle a besoin. Mais en fait, les différents traditions ou courants de la religion islamique coexistent pacifiquement depuis des décennies en Syrie et dans de nombreux pays arabes. Ce n'est pas par hasard que l'un des principaux slogans de la révolution est : « Le peuple syrien est un seul peuple ! »

3 ) La Syrie est en train d'être envahie par l'impérialisme ? Dans ce cas, ne devrions-nous pas être avec la Syrie contre les Etats-Unis et Israël ?

C'est ainsi que fonctionne la propagande de la dictature de Bachar Al Assad, répétée dans le monde entier par la direction des courants staliniens, sociaux-démocrates et castro-chavistes. Ils mentent quand ils disent qu'en Syrie, il y a une « guerre de libération nationale » comme celle qui a eu lieu en Irak depuis 2003.
    Il n'y a donc pas de guerre de libération nationale en Syrie ! Ce qu'il y a, c'est une guerre civile révolutionnaire, où les masses ont pris les armes pour résister aux crimes de la dictature, à la terreur, aux méthodes d'extermination, d'emprisonnement et d'assassinat en masse, aux bombardements et à l'utilisation de l'armée contre la population. En d'autres termes, ce que nous voyons en Syrie, c'est un affrontement armé entre la révolution et la contre-révolution.
    Pour ceux qui en doutent, il suffit de regarder la façon dont le régime traite la population. Dans toute guerre de libération nationale, l'Etat bourgeois et son armée mobilisent la population pour combattre aux côtés du gouvernement et du régime contre l'armée d'invasion. Bachar Al Assad, en revanche, est en train de massacrer la population, afin de vaincre une révolution, c'est-à-dire afin de vaincre le peuple syrien et les forces politiques et militaires qui attaquent la dictature pour la détruire, comme le premier acte de la révolution victorieuse, et pour acquérir des libertés démocratiques et civiles élémentaires.

4) Mais le gouvernement syrien n'est-il pas antiimpérialiste ?

Non ! Bachar Al Assad n'est pas antiimpérialiste et ne l'a jamais été ! Selon des documents révélés par WikiLeaks, le gouvernement syrien, en plus d'avoir pratiqué des arrestations arbitraires, des tortures et des meurtres systématiques à la demande de la CIA, a également eu, jusqu'à très récemment, des relations extrêmement étroites avec les services secrets étasuniens.
    La famille Assad est amie des Etas-Unis depuis belle lurette ! Le père, Hafez al Assad, de qui Bachar a « hérité » le trône de président, a participé activement à la première invasion de l'Irak, en 1990-91, sous le commandement du gouvernement étasunien. En 1976, lorsque la Syrie a occupé le Liban afin de vaincre le mouvement national palestinien qui combattait contre Israël, Assad a pu compter avec le soutien direct de Washington et de Tel-Aviv. Ce n'est pas par hasard que les Etats-Unis sont moins préoccupés par la possibilité qu'Assad utilise ses armes chimiques, que par la possibilité que ces armes échappent de ses mains dignes de confiance.
    Durant quarante ans, les frontières de la Syrie avec Israël étaient les plus sûres au monde : Assad n'a jamais tiré une seule balle contre Israël ! Assad a fait usage de ses avions, ses missiles et ses armes chimiques contre son propre peuple, alors que contre Israël, il n'a fait que des discours !
    Une preuve supplémentaire du caractère soumis du gouvernement d'Assad est qu'il maintient une base militaire russe sur le territoire national ! En plus d'être un allié historique des Etas-Unis, Assad est également un agent des capitalistes russes !

5) Mais n'y a-t-il pas des milices islamistes fondamentalistes, financées par l'impérialisme, en lutte contre le régime de Bachar Al Assad ? Et c'est quoi finalement, cette Armée syrienne libre (ASL) ?

L'impérialisme agit contre la révolution de différentes manières. Il y a effectivement des milices fondamentalistes salafistes qui combattent le régime, financées principalement par l'Arabie saoudite et le Qatar, des pays alliés aux puissances impérialistes. C'est une force militaire qui a un programme réactionnaire, qui se bat contre le régime avec une vision sectaire, confessionnelle et religieuse, comme si la révolution était la confrontation de la majorité sunnite, contre la minorité alaouite soi-disant représentée par Assad.
    Bien que ces milices reçoivent davantage de ressources et sont bien mieux équipées que les milices populaires et laïques (non religieuses) désignées en général comme l'Armée syrienne libre (ASL), l'approvisionnement en armes aux islamistes radicaux se limite également à des armes légères, insuffisantes pour détruire l'armée du régime.
    En revanche, l'ASL a un plus grand ancrage au sein de la population, qui lui apporte un soutien social et politique dont les milices salafistes ne disposent souvent pas. L'Armée syrienne libre est donc un front militaire laïc formé principalement par des déserteurs de l'armée syrienne régulière et des civils qui ont tout perdu dans la guerre et ont rejoint la révolution, ainsi que par tous les secteurs qui ont promu la révolution par le biais de grandes mobilisations – comme les Comités locaux de coordination – et qui ont été forcés de se défendre et ont donc souvent pris les armes pour cela.
    La direction de l'ASL préconise donc une perspective laïque, démocratique et bourgeoise ; et elle présente des tendances à la conciliation avec les puissances coloniales, par le fait d'être bourgeoise. Ceci est en contradiction avec le sentiment de la population et des milices elles-mêmes, qui se sont soulevées et qui veulent des libertés démocratiques et la justice sociale, et qui ne veulent rien savoir de l'impérialisme.
    Dans la lutte contre Al Assad, les révolutionnaires doivent établir une unité tactique, ponctuelle – c'est-à-dire militaire – avec tous ces courants et ces forces armées, en maintenant évidemment l'indépendance politique et de classe absolue, et en montrant aux combattants syriens les inconséquences inévitables de ces directions bourgeoises.

6) Mais est-il juste de soutenir une révolution où l'impérialisme agit également, d'y participer ?

L'impérialisme intervient dans tous les aspects de la vie politique, économique et culturelle de n'importe quel pays. Il ne devrait donc pas sembler étrange que l'impérialisme intervienne également dans le cadre d'une révolution, pour la vaincre ou pour la détourner vers ses propres fins.
    L'intervention de l'impérialisme fait qu'il est d'autant plus urgent de soutenir la révolution, pour éviter que ces puissances dévient ou mettent en échec cette lutte et cette cause, qui sont justes !

7) Les Etats-Unis ne tentent-ils pas de déstabiliser la Syrie pour ensuite envahir l'Iran ?

Non. N'en déplaise à la propagande diffusée par les partisans de la dictature, c'est un mensonge. Au contraire, les Etats-Unis veulent stabiliser le monde arabe et vaincre les révolutions qui affligent ces pays. Ils veulent le retour à la normale, le retour au scénario précédent, dans lequel les masses enduraient de façon résignée la pauvreté et l'oppression. Ce que les Etats-Unis ne veulent surtout pas, c'est l'instabilité.
    D'autre part, l'impérialisme n'a pas besoin de déstabiliser la Syrie pour envahir l'Iran. La guerre contre l'Iran existe déjà, sans toutefois prendre la forme de l'invasion terrestre ou de frappes aériennes. Mais les raisons pour lesquelles elle n'a pas encore été déclenchée avec toutes ses forces sont autres : la crise économique et politique aux Etats-Unis, la peur de répéter les échecs en Irak et en Afghanistan, etc. Les Etats-Unis ont déjà une enclave militaire au Moyen-Orient, responsable pour l'invasion des pays voisins et pour la sauvegarde de leurs intérêts : l'Etat d'Israël. Et enfin : Israël n'a pas besoin d'aller à la guerre avec la Syrie avant d'attaquer l'Iran. Au contraire, le mieux pour Israël est d'avoir la plus grande stabilité possible à ses frontières !

8) Pourquoi le Hezbollah a-t-il envahi la Syrie ?

Le Hezbollah est un parti-armée bourgeois. En tant que tel, par sa nature de classe, c'est, en fin de compte, une organisation contre-révolutionnaire, c'est-à-dire bourgeoise, capitaliste. Le Hezbollah représente les intérêts politiques et économiques d'un puissant secteur de la bourgeoisie libanaise directement lié au capital iranien. Il intervient dans le conflit parce que son approvisionnement en armes et en argent en provenance de l'Iran passe par la Syrie, et que la chute du régime de ce pays pourrait le mettre dans une situation délicate au Liban.
    D'autre part, il est presque naturel que le Hezbollah intervienne dans ce conflit en faveur de la dictature d'Assad, car il ne peut pas permettre que des forces politiques et militaires, avec une large base sociale et populaire et des aspirations démocratiques, comme l'ASL, menacent son hégémonie politique (fondée sur le discours de la résistance arabe contre l'impérialisme). Cela affaiblirait beaucoup ses positions politiques.

9) Bon, et alors, qu'est-ce que l'impérialisme est en train de faire en Syrie ?

La politique de l'impérialisme n'a qu'un seul objectif stratégique : empêcher que les masses ne renversent Assad, car ce serait une victoire nouvelle et catégorique de la révolution, ce qui est tout à fait inadmissible, non seulement pour les Etats-Unis, Israël et l'Europe, mais aussi pour la Russie, la Chine et l'Iran.
    Le rôle tragique joué par la majorité de la « gauche » dans le monde, qui se met du côté de la dictature capitaliste d'Assad contre les masses, permet au gouvernement étasunien d'apparaître aux yeux du monde avec le visage « démocratique » d'Obama, en tant que supposé « défenseur de la démocratie ».
    Profitant de cette position politique confortable, l'impérialisme agit contre la révolution de deux manières différentes :
    a) Il met en œuvre des efforts diplomatiques visant une « issue négociée » au conflit armé, cherchant à convaincre Assad de démissionner. L'objectif est de parvenir à un « gouvernement de transition », avec des membres de l'opposition et des membres du régime, mais sans Assad. C'est la même politique adoptée contre la révolution en Egypte et au Yémen : utiliser la démission du représentant principal du gouvernement, pour ensuite le remplacer par d'autres représentants, du gouvernement et de l'opposition, qui pourraient freiner le mouvement de masse et maintenir l'essentiel du régime, l'Etat et ses forces armées (ce qui signifie le maintien de l'ordre capitaliste et impérialiste).
    b) D'autre part, l'impérialisme infiltre, dans le front militaire de la révolution, des milices fondamentalistes salafistes, pour le cas d'une éventuelle victoire de la révolution, c'est-à-dire du renversement d'Assad. Du point de vue des Etats-Unis et des pétromonarchies du golfe Persique, ces milices pourraient jouer un rôle contre-révolutionnaire de première ligne, au service des intérêts généraux de l'impérialisme. Dans cette hypothèse, les milices fondamentalistes pourraient former une barrière de confinement contre le mouvement de masse victorieux, et éviter ainsi la progression de celui-ci dans ses revendications, et la mise en question du pouvoir bourgeois lui-même.
    Bref, l'impérialisme n'est pas un allié de la révolution, en dépit du fait qu'il préconise le départ d'Assad. S'il préconise ce départ, ce n'est pas parce que le dictateur syrien serait « anti-impérialiste », comme le prêche le castro–chavisme, mais parce qu'il est incapable de stabiliser le pays et de vaincre la révolution. Comme l'impérialisme n'est pas en mesure, politiquement, d'intervenir militairement avec ses propres troupes, et que, d'autre part, il ne veut pas une victoire des masses révolutionnaires, il stimule une issue « négociée » pour calmer la situation et maintenir l'essence du régime, même sans Assad.
    L'interdiction de l'ONU et de l'Union européenne d'envoyer des armes aux forces rebelles est une preuve catégorique de la peur qu'a l'impérialisme d'armer une révolution qu'il ne contrôle pas, contrairement aux affirmations du castro-chavisme, qui dit que les rebelles sont des mercenaires de la CIA.
    C'est pourquoi il est urgent et nécessaire, plus que jamais : a) de dire NON à tout type de négociation qui sauve le régime du Baath, qui sauve la dictature ; b) de dire NON à toute intervention militaire de l'impérialisme ; et c) d'exiger que tous les gouvernements capitalistes du monde, y compris ceux des Etats-Unis, de l'Europe et de la Ligue arabe, envoient des armes lourdes (des chars, des avions, des missiles antiaériens, etc.), sans imposer aucune condition, à l'Armée syrienne libre.

10) Quelle doit être la position des travailleurs et des jeunes à travers le monde, face à ce conflit ?

Tous ceux qui luttent contre l'exploitation capitaliste et contre toutes les formes d'oppression, tous ceux qui défendent la démocratie, la liberté d'expression et les droits civils, doivent se mettre avec urgence du côté du peuple syrien, contre la dictature capitaliste et génocidaire de Bachar Al Assad.
    La défense de la Révolution syrienne, c'est la défense de la lutte des exploités du monde entier, contre le système capitaliste et impérialiste. Cela veut dire que nous sommes contre l'impérialisme étasunien et européen, et aussi contre leurs agents régionaux israéliens ; cela veut dire que nous sommes contre l'intervention de la Russie et de la Chine, et aussi contre leurs agents régionaux iraniens.
    Il faut défendre inconditionnellement la révolution, en dépit du fait que sa direction politique (le sommet de l'ASL et la Coalition nationale de l'opposition) est bourgeoise et est, en tant que telle, velléitaire et imbue de tendances conciliatrices. Comme dans toute révolution, la force du processus révolutionnaire réside dans les masses, c'est-à-dire, dans les milices, les milliers de travailleurs et de jeunes armés qui combattent la dictature avec le soutien du peuple syrien. La victoire ou la défaite de la révolution en Syrie aura des conséquences profondes pour la lutte des exploités et des opprimés, partout dans le monde. L'importance de cette bataille ne se limite pas au territoire syrien ou au Moyen-Orient. Comme disent les révolutionnaires de la ville syrienne de Kafranbel dans un de leurs messages : « Il ne s'agit pas seulement d'un ''Printemps arabe'', mais d'un tsunami qui va balayer de la surface de la Terre tous les régimes dictatoriaux dans le monde ! »
    Nous faisons écho aux mots d'ordre des révolutionnaires syriens :
A bas Assad !
Vive la Révolution syrienne !
Non à l'intervention impérialiste !
Vive la solidarité internationale !