Ronald León Nuñez
Faut-il exiger des armes à l’impérialisme ?
« Celui qui attend la révolution sociale ''pure'' ne la verra jamais. Ce serait un révolutionnaire de salon, qui ne comprend pas la vraie révolution. »
Lénine, 1916
Alors que le régime syrien massacre la population civile et attaque les positions avec des bombardements systématiques qui détruisent des villes entières, avec des tanks, des missiles, et même des armes chimiques, dans le camp rebelle, on manque du plus basique : des armes, des munitions, des aliments, des médecins et des médicaments, des masques à gaz, etc.
Dans cette situation dramatique, le plus critique est que l’immense majorité des milices rebelles manque de tout type d’armement lourd (artillerie antiaérienne, avions, missiles et systèmes de défense antimissile) ; ce qui est absolument essentiel, non seulement pour se défendre, mais aussi pour pouvoir sérieusement penser à une victoire militaire face à l’armée de la dictature.
Comme dans toute guerre, et d’autant plus dans ces conditions, le problème de l’armement devient vital, quant au fait de gagner ou de perdre la guerre ou, ce qui revient au même, pour la victoire ou la défaite de la révolution syrienne.
Face à cette question, la LIT-QI affirme – dans le cadre de notre programme pour l’ensemble de la révolution – la nécessité de développer une politique de large solidarité internationale avec la cause du peuple syrien. Cela signifie, concrètement, une campagne d’aide, inconditionnelle et dans tous les domaines, pour la victoire militaire des rebelles.
Ainsi, nous soutenons que la tâche urgente est d’impulser la plus large mobilisation possible pour exiger dans nos pays, et à tous les gouvernements du monde, en ce compris les pays impérialistes, l’envoi immédiat d’armes lourdes modernes, de médicaments et de tout type d’aide matérielle pour les milices rebelles de l’ASL et des comités de coordination locaux ; et ce sans condition aucune.
Notre exigence d’armes n’inclut pas les brigades liées à Al Quaeda et à l’Etat islamique d’Irak et du levant, dont la vision sectaire et confessionnelle-religieuse amène à rompre le front militaire contre la dictature. Qui plus est, dans plusieurs zones, ils ont commencé à attaquer les milices kurdes et celles de l’ASL, agissant ainsi comme « cinquième colonne »[1] du régime.
Cette politique d'exigence remet d’autant plus à l'ordre du jour les dures polémiques que la révolution syrienne fait naître entre les divers secteurs de la gauche mondiale.
Evidemment, l’ample éventail d'organisations de type stalinien, spécialement celles du castro-chavisme, est complètement opposé au fait de réclamer des armes pour les rebelles. Cette position fait partie de la politique contre révolutionnaire de ces courants dans ces processus, et elle est cohérente avec leur appui inconditionnel à la dictature, qui naît de la présentation d’El Assad comme un supposé « leader anti-impérialiste et antisioniste » qui serait victime d’une « conspiration de l’impérialisme ». Conséquents avec cette vision, ils se placent dans le camp militaire d’El Assad contre le peuple syrien.
Le plus curieux est toutefois qu’un certain nombre d’organisations centristes – voire même certaines qui se revendiquent du trotskisme, comme la fraction trotskiste (FT), avec à sa tête le PST argentin – disent qu'ils sont en faveur de la « défaite révolutionnaire » d’Al Assad, tout en s’opposant au fait d’exiger des armes pour que les rebelles aient les conditions de mettre en déroute ce dernier dans la guerre civile actuellement en cours.
En dépit de son affirmation selon laquelle cette exigence ne serait pas un « problème de principes pour les révolutionnaires »[2], la FT-PST affirme clairement que « nous ne sommes pas d’accord avec l’exigence faite par la LIT-PSTU [...] pour que ''les gouvernements du monde envoient des armes et des médicaments aux rebelles syriens'' »[3].
Ce qui est clair, c’est que le résultat concret de cette politique est le même que celui de la position castro-chaviste : il ne faut pas envoyer d’armes pour les rebelles qui combattent El Assad.
Le problème, c’est que la FT arrive à cette position en revendiquant l’héritage théorique et la tradition du trotskisme. C'est complètement faux et cela augmente, en outre, la confusion parmi beaucoup d’activistes honnêtes et de militants révolutionnaires, et cela ne contribue qu’à affaiblir et à empêcher davantage la solidarité inconditionnelle dont la révolution syrienne a si urgemment besoin.
Il est donc nécessaire de poursuivre la controverse contre ces positions.
Quel est notre camp en Syrie ?
Tout d’abord, la position de la FT sur les armes pour les rebelles syriens a à voir avec un problème antérieur et plus profond : sa caractérisation politique de la guerre civile et son positionnement militaire en elle.Comme nous l’avons affirmé dans d’autres articles, face à l’affrontement militaire en Syrie, ce courant se positionne – et comme il l’a fait précédemment en Libye – dans un désastreux « ni-ni » (ni Assad, ni les rebelles), parce que les milices rebelles n’ont pas une direction révolutionnaire et qu’il n’existe pas une « hégémonie de la classe ouvrière » dans le processus.
En ce sens, ils nous critiquent en disant : « Nous ne sommes pas d’accord avec l’exigence de la LIT-PSTU quand elle affirme que la politique actuelle en Syrie est de ''soutien total aux rebelles'' ».[4]
Ils basent leur position contre un « soutien total aux rebelles » sur le fait que « la classe ouvrière, comme sujet politique indépendant, luttant pour la défaite révolutionnaire d’Assad qui donne lieu à un Etat de transition au socialisme, sur la voie d'une Fédération des Républiques socialistes du Moyen-Orient, n'existe pas encore ».[5]
Comme la lutte des masses est conduite par des directions bourgeoises et que l’impérialisme intervient – comme d'habitude – avec une politique visant la défaite de la révolution, pour ce courant, tout le processus finit par « être coopté » par ces directions contre-révolutionnaires ou par « se subordonner » à elles.
Dans le cas de la Libye, par exemple, ce courant juge qu'à partir du moment où les frappes aériennes de l’OTAN commencèrent, tous les combattants libyens ont été « cooptés » et sont devenus des « troupes au sol » de l’impérialisme.[6]
Aujourd’hui, ils disent la même chose concernant Syrie : « Comme nous l’avons vu en Libye, et même en Egypte, la lutte des masses est consciemment utilisée par les directions bourgeoises et petites-bourgeoises rebelles et par l’impérialisme, pour éviter la défaite révolutionnaire du régime et des institutions fondamentales de l’Etat bourgeois. En Syrie, l’histoire se répète. »[7]
A partir de cette analyse, ils nous accusent « d’abandonner toute perspective révolutionnaire » quand nous disons que la LIT-QI « appuie inconditionnellement la lutte armée du peuple syrien, quel que soit celui qui la dirige politiquement ».[8]
Tout d’abord, mettons fin à une fausse polémique.
Nous sommes d’accord avec le fait que, dans le conflit syrien, il n’y a pas encore de « classe ouvrière comme sujet politique indépendant », qui lutte pour un programme socialiste révolutionnaire, sur la voie d'une « Fédération des Républiques socialistes du Moyen-Orient ».
Au contraire, nous savons tous que l’immense majorité des milices rebelles sont commandées par des directions bourgeoises, tel le Conseil national syrien (CNS) ou le sommet de l’ASL, qui, en plus, sont profondément pro-impérialistes. Il est aussi indéniable que la classe ouvrière, comme sujet social, ne dirige pas la révolution et agit sous une forme diluée dans la résistance contre la dictature.
Dans ce contexte, la question selon laquelle les révolutionnaires doivent lutter de toutes leurs forces pour impulser l’hégémonie ouvrière et pour doter le processus syrien d’une direction politique socialiste révolutionnaire est élémentaire.
Cela n’a donc jamais été la discussion.
La discussion est celle-ci : face à l’inexistence actuelle de « la classe ouvrière comme sujet politique indépendant » et d’une direction qui lutte pour la « Fédération des Républiques socialistes du Moyen-Orient », et aussi longtemps qu'il en est ainsi, quelle doit être la position militaire des révolutionnaires dans le conflit armé entre les rebelles (qui ont comme direction le CNS et le sommet de l’ASL) et la dictature d’Assad ? Donnons-nous, oui ou non, un « soutien total » à la cause de la révolution syrienne, et luttons-nous, oui ou non, coude à coude avec les rebelles, malgré ces directions bourgeoises et pro-impérialistes ?
Notre position est claire : nous nous trouvons dans le camp rebelle (avec toutes ses contradictions) contre Assad, et nous combattons les directions bourgeoises et l’impérialisme à partir de ce positionnement militaire.
La FT a une position et une politique contraires. Comme la réalité ne s’ajuste pas à leurs conditions (il n’existe pas de direction révolutionnaire ni d’hégémonie ouvrière), elle ne soutient pas le camp rebelle, ni ne s'y place militairement. Elle ne combat donc pas la dictature syrienne dans la forme concrète que prend cette lutte dans la réalité.
Il en est ainsi parce que dans un conflit armé, le fait de nier un « soutien total » à la victoire militaire rebelle a comme conséquence concrète et inévitable celle de favoriser la victoire militaire d’El Assad.
C’est pour cela que le marxisme a toujours enseigné qu’il ne fallait jamais confondre – comme le fait la FT – le caractère objectif des processus et leurs directions. De la même manière que nous ne devons pas confondre la justesse d’une grève ouvrière avec sa direction bureaucratique, nous ne devons pas confondre la juste cause pour laquelle le peuple syrien lutte avec ses directions traîtres.
Camp militaire et indépendance de classe
La FT nous attaque en affirmant qu’en Syrie, nous agissons avec une « logique de deux camps et de seulement deux, nous plaçant dans le camp progressiste ». Cette supposée « logique des deux camps », continuent-ils, serait une erreur parce qu’elle donne lieu à une « adaptation » aux directions bourgeoises, alors que la tâche est de « fortifier un ''troisième camp'' ouvrier ».[9]Pour comprendre cette discussion, il est nécessaire de différencier et de comprendre deux concepts que la FT confond. Nous nous référons ici au concept de camp militaire et à celui d’indépendance de classe.
Les révolutionnaires ne soutiennent jamais politiquement la bourgeoisie ni l’impérialisme ; nous ne soutenons jamais aucun gouvernement capitaliste, quelles que soient les mesures par lesquelles il se montre « progressiste ». Pour le marxisme, la bourgeoisie est contre révolutionnaire dans son ensemble. Cela signifie qu’il n’existe pas de « camps bourgeois progressistes », comme le défendaient les mencheviks, Staline et Mao. C'est pourquoi nous maintenons toujours, dans chaque affrontement concret de la lutte de classes, notre programme révolutionnaire et la complète indépendance politique par rapport à la bourgeoisie et à l’impérialisme.
Cependant, à certains moments, la lutte de classes atteint son niveau maximum et s’exprime à travers un choc physique, la guerre, que ce soit une guerre inter-impérialiste ou colonialiste, une guerre de libération nationale ou une guerre civile.
Dans ces situations extrêmes apparaissent des camps militaires, qui ont exclusivement à voir avec les groupes qui s’affrontent physiquement dans un conflit armé déterminé. L’existence de camps militaires et leur composition spécifique sont, le plus souvent, indépendantes de la volonté des révolutionnaires.
Des situations contradictoires apparaissent donc. Il est, par exemple, très courant que dans des affrontements armés déterminés, en particulier dans ceux où il s’agit de combattre une dictature ou l’impérialisme, la bourgeoisie se divise et des secteurs de la classe exploiteuse participent à la lutte armée avec la classe ouvrière et le peuple en général, en arrivant même à diriger politiquement et militairement ce camp militaire.
Au cours de la révolution russe de 1917 par exemple, le camp militaire contre le coup d’Etat de Kornilov était politiquement et militairement dirigé par le gouvernement bourgeois de Kerenski. La lutte armée contre l’invasion japonaise en Chine, qui a débuté en 1937, fut commandée par Chiang Kai-shek, un bourgeois, assassin de communistes. De même, en 1982, le camp militaire argentin contre l’impérialisme anglais durant la guerre des Malouines était dirigé politiquement et militairement par la sanguinaire dictature argentine.
Dans ces situations, pour avoir une position et une politique révolutionnaires, il est nécessaire de suivre Lénine qui, revendiquant la prémisse de Von Clausewitz, disait que toute « guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » et qu'en ce sens, face à tout affrontement armé, la première chose à faire est « d’analyser la nature de la guerre » sur la base d’une étude de « la politique qui a précédé la guerre ».
Partant de cette prémisse, les révolutionnaires doivent toujours se demander : Existe-t-il un camp militaire « progressiste » du point de vue du progrès de la révolution ?
Il se peut qu’il n’y ait pas de camp militaire « progressiste » et que, par conséquent, les révolutionnaires doivent adopter la politique de défaitisme révolutionnaire, c’est-à-dire celle de lutter pour la défaite de tous les camps belligérants. Ce fut, par exemple, la politique de Lénine et Trotsky face au conflit entre les puissances impérialistes dans la Première Guerre mondiale.
Mais s’il existe un camp militaire « progressiste », les révolutionnaires sont tenus d’y participer et d’appuyer la victoire de ce camp de manière inconditionnelle, tout en préservant leur totale indépendance politique et en dénonçant les directions bourgeoises. En d’autres mots, dans ces situations, les marxistes maintiennent toujours leur indépendance politique et leur programme révolutionnaire à l’intérieur du camp militaire « progressiste ».
Comment ces leçons du marxisme s’appliquent-elles en Syrie ? Si « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » et que nous avons été du côté du peuple syrien en faveur de la défaite d’El Assad depuis le début des mobilisations, nous nous plaçons dans le camp militaire avec le peuple syrien quand ce conflit passe au niveau de la lutte armée. Et cela, parce qu’en Syrie, il y a deux camps militaires, et non trois. Le « troisième camp ouvrier indépendant » dont parle la FT ne peut se fortifier qu’à partir du combat dans le camp militaire rebelle.
Cela a toujours été le critère de Lénine et de Trotsky. Quand eut lieu la tentative de coup d’Etat contre-révolutionnaire de Kornilov, nos maîtres à penser n’ont jamais hésité à participer dans le camp militaire de Kerenski, sans arrêter de combattre et de dénoncer leur gouvernement bourgeois. « Nous appuyons notre fusil sur l’épaule de Kerenski ; après, nous réglerons nos comptes » ; telle fut la consigne bolchevique.
De la même manière, aux Malouines, le morénisme n’a jamais hésité à se positionner dans le camp militaire argentin pour vaincre l’impérialisme anglais, en dépit du fait que cette guerre était conduite par la dictature militaire. Et à partir de cette position, nous avons implacablement dénoncé les militaires génocidaires argentins.
Telle fut également la position de Trotsky, comme nous le verrons, durant la révolution et la guerre civile espagnoles.
La tâche essentielle est d’être « les meilleurs soldats » contre Assad
La révolution espagnole eut le caractère d'une guerre civile (1936-1939) dans laquelle s’affrontèrent deux camps militaires : le camp républicain et le camp fasciste.Les deux camps étaient dirigés par des secteurs bourgeois et soutenus par différents impérialismes.
Le camp fasciste était dirigé par le général Franco, qui bénéficiait du soutien des impérialismes nazis-fascistes de l’Allemagne et de l’Italie. Et le camp républicain, dans lequel participaient la classe ouvrière et le peuple pauvre à travers leurs milices et leurs organisations, était dirigé par un gouvernement bourgeois de Front populaire qui, à son tour, était soutenu par les impérialismes « démocratiques » de la France et de l’Angleterre, ainsi que par Staline.
Face à ce conflit entre camps militaires avec des directions bourgeoises, existait-il, pour Trotsky, un camp militaire « progressiste » ? La réponse à cette question est un oui catégorique : le camp militaire républicain, contre le fascisme.
Pourquoi était-il « progressiste » malgré la direction républicaine traître ? Parce qu’une victoire de Franco aurait signifié une défaite historique du prolétariat et de la révolution espagnole et une victoire de la contre-révolution, comme cela fut malheureusement le cas.
Trotsky a tranché la question ainsi : « Seuls les lâches et les traîtres, agents du fascisme, peuvent refuser de soutenir les armées républicaines. Le devoir élémentaire de tout révolutionnaire est de lutter contre Franco, Mussolini et Hitler. »[10]
Quand on lui demanda quelle devrait être « l’attitude du parti révolutionnaire espagnol » face à la guerre civile, Trotsky donna un exemple clair sur la façon dont les concepts de soutien politique et de camp militaire devaient être clairement différenciés :
« Je dirais : Aucune alliance politique avec la bourgeoisie, comme première condition. La seconde : Vous devez être les meilleurs soldats contre les fascistes. La troisième : Vous devez dire aux soldats, aux autres soldats et aux paysans : ''Nous devons transformer notre pays en un pays du peuple. Quand nous aurons gagné les masses, nous expulserons la bourgeoisie, nous prendrons le pouvoir et nous ferons la révolution sociale.'' »[11]
Compte tenu de ces critères de Trotsky pour la guerre civile espagnole, il est essentiel de se demander : Existe-t-il un camp militaire « progressiste » en Syrie, dans lequel les révolutionnaires ont « le devoir élémentaire » de combattre comme « les meilleurs soldats » ?
Nous soutenons que si, que ce camp existe et qu’il s’agit du camp militaire rebelle qui combat la dictature d’El Assad.
Selon nous, les enseignements de Trotsky s’appliquent parfaitement à la guerre civile syrienne. Ainsi, pour la LIT-QI, ceux qui se considèrent comme révolutionnaires doivent tout d’abord être les « meilleurs soldats » contre El Assad.
C’est seulement à partir de cette position dans le conflit armé que nous pourrons, comme Trotsky en Espagne, présenter notre programme socialiste révolutionnaire « aux autres soldats » et disputer la direction politique de ce camp militaire face aux directions bourgeoises au service de l’impérialisme ; en construisant l’indispensable direction ouvrière et révolutionnaire dont le peuple syrien a besoin pour gagner la guerre et aller de l’avant, non seulement pour le renversement de la dictature, mais jusqu’à la prise du pouvoir et la construction du socialisme en Syrie et dans la région.
La FT – qui ne fait pas la distinction entre camps politiques et camps militaires et confond le processus objectif avec leurs directions – fait le contraire de ce qu’affirmait Trotsky pour la révolution espagnole.
Quiconque applique la logique de ce courant et la compare à celle de Trotsky ne pourra éluder la question suivante : Les « armées républicaines » n’étaient-elles donc pas dirigées par un gouvernement bourgeois (le Front populaire) ?
Et c’est ici que la FT a un sérieux problème pour soutenir, dans la tradition trotskiste, ses positions pour la Syrie et la Libye.
Nous posons la question : Trotsky agit-il, oui ou non, avec une « logique des deux camps » quand il se plaça militairement dans le camp républicain ? En « appuyant les armées républicaines », Trotsky capitula-t-il, oui ou non, complètement à leurs dirigeants bourgeois, petits-bourgeois et staliniens et devint-il le « meilleur soldat » de la bourgeoisie (les « troupes au sol » du Front populaire espagnol ?) ?
Si elle est cohérente avec sa logique, la FT devrait répondre que si. Ou alors dire que la direction républicaine en Espagne était une direction révolutionnaire.
Ils nous diront : l’Espagne est différente de la Syrie ! Puisqu’il y existait de « fortes organisations de la classe ouvrière ».[12] C’est vrai. Il y a beaucoup de différences entre la révolution espagnole et l’actuelle révolution syrienne. Mais il y a deux points communs fondamentaux : les deux révolutions se manifestent dans des guerres civiles ; aucune n’est, ou ne fut, dirigée par un parti révolutionnaire et la classe ouvrière n’intervient pas comme « sujet politique indépendant ».
A partir de cette profonde erreur théorique, toute la politique de la FT est stérile, non seulement face au problème militaire, mais aussi en relation avec la construction même d’une direction révolutionnaire.
Au « ni-ni » de la FT, le vieux Trotsky répondrait dans les mêmes termes que ceux avec lesquels il polémiqua avec différents secteurs ultragauchistes qui voyaient dans la guerre civile espagnole un simple conflit « entre camps bourgeois »[13] et appelaient à la politique du « défaitisme révolutionnaire » : « Imaginez un révolutionnaire au milieu des deux camps de la guerre civile avec son drapeau :’ni victoire, ni défaite’. Cette consigne vaut pour Ponce Pilate, pas pour un révolutionnaire. […] Nous participons à la lutte contre Franco comme les meilleurs soldats, et nous poussons en même temps la révolution sociale, dans l’intérêt de la victoire sur le fascisme, et nous préparons la défaite du gouvernement défaitiste de Negrin. Seule une telle attitude peut nous rapprocher des masses. »[14]
Une calomnie dans la discussion
La discussion avec la FT sur cette question impose la mise à nu d'une calomnie.En disant que le problème des armes « n’est pas seulement militaire », mais aussi une « question de (…) lutte pour une politique d’indépendance de classe […] par rapport aux secteurs plus ouvertement pro-impérialistes, tels que le Conseil National de Transition syrien, mais aussi la direction de l’Armée syrienne libre »,[15] la FT affirme que la LIT-QI ne défend pas cette position, vu que sa « politique pour la Syrie efface toute délimitation de classe, en se contentant de s’adapter sans critique au secteur d’opposition dirigé par la bourgeoisie ».[16]
Cette accusation est complètement fausse. Nous avons toujours dénoncé le rôle inconséquent et traître de ces directions, exactement à cause de leur caractère bourgeois de classe. N’importe qui peut vérifier cela, en lisant nos déclarations.
Mais pour montrer une fois de plus la méthode diffamatoire et contraire au trotskisme, développée par la FT, la citation de deux exemples suffit. D’abord, en ce qui concerne le CNS et l’ASL :
« C’est une question de vie ou de mort qu’à la chaleur de la lutte contre le régime d’Assad, ce soit le peuple, la classe ouvrière syrienne, qui s’autoorganise et s’autodétermine à l’heure de définir les destins de sa lutte. Les dirigeants actuels, tant le CNS que l’ASL, s’ils peuvent momentanément être dans le même camp militaire que le peuple pauvre contre Assad, finiront, de par leur caractère de classe, par trahir tôt ou tard (et plutôt tôt que tard) les réelles aspirations populaires, non seulement les économiques, mais même celles qui existent dans le domaine des libertés démocratiques. La seule solution, pour une victoire stratégique, est de construire une direction révolutionnaire et internationaliste qui prenne les rênes du processus. »[17]
Nous avons soutenu, à propos du CNT libyen, que « le CNT prétend démonter la révolution en canalisant les désirs de changement, en faisant des promesses d’élections et d’une assemblée constituante contrôlée d'en haut. Les milices populaires ne peuvent pas avoir une seule minute confiance dans le CNT. Ce serait la fin de la révolution. »[18] Et nous pourrions ainsi avancer des dizaines de citations.
Nous posons la question : Où se trouve « l’adaptation sans critique au secteur d’opposition dirigé par la bourgeoisie » ? Où se trouve le « manque d’indépendance de classe » et d’une « stratégie révolutionnaire » ? Où se trouve « l’abandon » par la LIT-QI de la tâche de construire une direction révolutionnaire ? Seulement dans les affirmations mensongères de la FT.
Dès l’instant où la LIT-QI se différencie bien des directions traîtres du camp militaire rebelle et dénonce leur rôle, tant en Libye qu’en Syrie, alors qu'en même temps, elle lutte pour construire une direction révolutionnaire, la seule vraie critique de la FT qui reste est que nous exigions « des armes pour les rebelles ». Telle est la vraie discussion.
Et cela ne devrait surprendre personne. Il s’agit d’une dérive logique de leur opposition à être « les meilleurs soldats » contre la dictature ; une position que Trotsky attribue seulement aux « lâches » et aux « traîtres », comme nous l’avons vu dans le cas de l’Espagne.
Ne pas exiger des armes pour les rebelles syriens, cela revient à faciliter la défaite de la révolution.
La FT justifie sa position en disant : « Pas question de demander des armes pour des directions bourgeoises ! »[19]En ce sens, dans le cas de la Libye, ils affirment que, « peu importe l’armement des ''milices'', ce qui est décisif, c’est le problème de leur composition sociale, le caractère de l’organisation et de sa direction ». Ils insistent en disant que « la question politique décisive se concentrait (…) sur le manque d’un pôle indépendant avec une influence de masse qui pourrait peser sur la rébellion ».[20]
Nous posons la question : Alors qu'il n'y a pas de parti révolutionnaire ni de « pôle révolutionnaire prolétarien », ne donnons-nous aucune réponse au problème concret des armes ? Laissons-nous cette révolution être écrasée et noyée dans le sang ? Le peuple syrien doit-il renoncer à un droit démocratique aussi fondamental que de demander des armes pour se défendre, seulement parce qu'il n'a pas été en mesure de développer cette direction révolutionnaire ?
En se référant de nouveau aux leçons historiques de la révolution espagnole, la FT devrait répondre aux questions suivantes : Quand les travailleurs et le peuple affrontaient les troupes de Franco, l’exigence d’armes et d’un soutien matériel à la république n’était-elle pas unanime dans toute la gauche, dans l’Etat espagnol et dans le monde ? Ces armes n’ont-elles pas été exigées, particulièrement, à l’Angleterre et à la France ? Et la direction du camp militaire républicain n’était-elle pas un gouvernement bourgeois traître ? L’Angleterre et la France n’étaient-elles pas des pays impérialistes ? Leur refus d’envoyer cet armement ne reste-t-il pas gravé dans l’Histoire comme la démonstration d’un infâme refus de soutenir la révolution, qui s’acheva par la victoire militaire de Franco ?
Un autre argument est que l’exigence d’armes pour les rebelles serait « pour le moins utopique et porteuse d’illusions dans l’impérialisme », puisque l’ensemble des puissances « n’a pas cette politique », préférant la promotion d'une « solution négociée ».[21]
Mais depuis quand les révolutionnaires s'abstiennent-ils de faire une juste exigence à un gouvernement capitaliste parce qu’une telle mesure « n’est pas la politique » de ce gouvernement ?
C’est exactement pour cette raison que l’exigence d’armes aux pays impérialistes a l’utilité de démasquer ces puissances comme ennemies de la révolution, de combattre précisément les illusions de ceux qui ont confiance dans les discours « démocratiques » de l’impérialisme.
Mais supposons que, par une combinaison de contradictions, la politique de l’impérialisme serait d’armer les rebelles. Appellerions-nous les rebelles syriens à refuser ces armes, alors qu'ils sont en train d'être massacrés ? Appellerions-nous la classe ouvrière des Etats-unis, de la France ou du Royaume-Uni à saboter les éventuels chargements d’armes pour le peuple syrien ?
Toute politique a des conséquences concrètes. Dans ce cas, le fait de ne pas exiger d’armes ou de s’opposer à accepter des armes pour les rebelles équivaut, concrètement, à approuver que le peuple syrien continue à être massacré par le tyran Assad.
Une politique contraire à celle de Trotsky lors de la guerre civile espagnole
Le FT, dans sa détresse, cite Trotsky quand il dit qu’en Espagne : « Ce n’étaient ni des armes ni des génies militaires qui manquaient à Barcelone et à Madrid, mais un parti révolutionnaire. »[22]Il est vrai qu'un parti révolutionnaire faisait défaut en Espagne, mais cela n'a pas empêché Trotsky, tout en essayant de le construire, d’avoir une politique claire pour obtenir les armes dont les révolutionnaires espagnols avaient besoin.
En ce sens, un texte de Trotsky – sous le titre évocateur : « Apprenez à penser. Une suggestion amicale à certains ultragauchistes. » – est extrêmement instructif. Dans cet article de 1938, Trotsky expose clairement sa position générale sur le fait d’accepter ou de ne pas des armes de l'impérialisme :
« Supposons que dans la colonie française de l'Algérie surgisse demain un soulèvement sous le drapeau de l'indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussé par ses intérêts impérialistes, se dispose à envoyer des armes aux rebelles. Quelle devrait être, dans ce cas, l'attitude des ouvriers italiens ? Je prends intentionnellement l'exemple d'un soulèvement contre un impérialisme démocratique et d'une intervention en faveur des rebelles de la part d'un impérialisme fasciste. Les ouvriers italiens doivent-ils s'opposer à l'envoi de bateaux chargés d'armes pour les Algériens ? Que quelque ultragauchiste ose répondre affirmativement à cette question ! Tout révolutionnaire, en commun avec les ouvriers italiens et les rebelles algériens, rejetterait avec indignation une telle réponse. Même si en ce moment une grève générale des dockers auvait lieu dans l'Italie fasciste, dans ce cas, les grévistes devraient faire une exception en faveur des navires qui vont apporter une aide aux esclaves coloniaux en rébellion ; sinon, ils ne seraient que de pitoyables syndicalistes, et non des révolutionnaires prolétariens.
Parallèlement à cela, les dockers français, même n'étant pas en grève, auraient l'obligation de faire tous les efforts pour empêcher l'envoi d'armes contre les rebelles. Seule une telle politique des travailleurs italiens et français serait une politique d'internationalisme prolétarien.
Cependant, cela ne signifie-t-il pas que les travailleurs italiens devraient, dans ce cas, adoucir leur lutte contre le régime fasciste ? Pas du tout. Le fascisme apporterait une ''aide'' aux Algériens pour affaiblir son ennemi, la France, et pour ensuite faire main basse sur la colonie de ce pays. Les travailleurs révolutionnaires italiens ne l'oublient pas un seul instant. Ils appellent les Algériens à ne pas faire confiance à leur ''allié'' perfide et, en même temps, ils poursuivent eux-mêmes leur lutte intransigeante contre le fascisme, ''le principal ennemi à l'intérieur de leur propre pays''. C'est seulement ainsi qu'ils peuvent faire en sorte que les rebelles aient confiance en eux, qu'ils peuvent aider la rébellion et renforcer leurs propres positions révolutionnaires. »[23]
Trotsky a agi avec les mêmes critères au cours de la guerre civile espagnole.
Tout d’abord, il a toujours dénoncé le « pacte de non-intervention » – promu par le gouvernement français du Front populaire (dirigé par le social-démocrate Léon Blum) et fortement soutenu par le Royaume-Uni — comme une trahison favorable à la victoire du fascisme en Espagne.
Cette « non-intervention perfide »[24], selon les mots de Trotsky, était basée, entre autres, sur la promotion d'un « embargo sur les armes » aux deux parties en conflit.[25] Tous les trotskistes et toute la gauche républicaine dénoncèrent cet embargo, comme une farce gigantesque, qui favorisait seulement le fasciste Franco qui n’a jamais cessé de recevoir des armes et des soldats des impérialismes allemands et italiens.
Dans un texte intitulé « Contre le défaitisme en Espagne », Trotsky insiste à nouveau sur la position des révolutionnaires face aux armes, dans le contexte de l'existence d'un camp militaire « progressiste » :
« Prenons un exemple : Deux bateaux avec des armes et des munitions sortent de la France ou des Etats-Unis, l'un pour Franco et l’autre pour Negrin. Quelle attitude doivent assumer les travailleurs ? Saboter le transport des deux ou seulement celui de Franco ? Nous ne sommes pas neutres. Nous laisserions passer le bateau avec les munitions pour Negrin. Sans illusion, nous savons que de ces balles, 9 sur 10 seront utilisées contre les fascistes, et au moins une contre nos camarades. Mais des munitions destinées à Franco, 10 sur 10 seront dirigées vers nos camarades. Nous ne sommes pas neutres. Nous ne laisserions pas passer le bateau avec les munitions pour Franco. Soyons clairs, s’il se produisait en Espagne une insurrection ouvrière armée, nous essaierions de faire arriver les armes et les munitions vers les masses d’ouvriers insurgés. Mais tant que nous n’avons pas suffisamment de forces pour cela, nous choisissons le moindre mal. »[26]
Dans un autre texte, polémiquant avec Craipeau, un camarade français, Trotsky dit :
« Pendant des mois, les meetings ouvriers ont vibré au cri de ''Des avions pour l’Espagne''. Imaginons un instant que Blum ait décidé d’en envoyer quelques-uns. Imaginons qu’à ce moment précis, une grève de dockers ou de marins ait été en cours. Qu’aurait fait Craipeau ? Se serait-il opposé au cri de ''Des avions pour l’Espagne'' ? Aurait-il conseillé aux travailleurs en grève de faire une exception pour le cargo chargé d’avions ? Mais il se trouve que l’URSS a effectivement envoyé des avions – à un prix très élevé et à titre de soutien au régime capitaliste, je le sais parfaitement. Les bolcheviques-léninistes auraient-ils dû appeler les ouvriers soviétiques à saboter ces avions ? Oui ou non ? »[27]
Il est clair que, face à l’affrontement armé, Trotsky accepterait les « avions » de l’impérialiste Blum, et il est clair aussi qu'il ne serait pas resté assis à son bureau pour commenter le fait que les « ouvriers insurgés » n’avaient pas encore « la force suffisante » pour se positionner pour la victoire militaire contre le fascisme, ni pour « laisser passer » des armes pour Negrin, le « moindre mal » du point de vue militaire.
Bien sûr, cela n'a jamais signifié un soutien politique au gouvernement républicain, au point même que Trotsky s'est opposé à appuyer les crédits de guerre que Negrin avait demandés au Parlement.
Le FT cite une phrase de Trotsky qui dit :
« En tant que parti révolutionnaire, mobilisons-nous dès aujourd’hui des volontaires pour Negrin ? Cela signifierait les envoyer dans les griffes du GPU. Collecter de l’argent pour le gouvernement Negrin ? Absurde ! Nous récolterons de l’argent pour nos propres camarades en Espagne, et si nous envoyons des camarades, ce sera clandestinement, pour notre propre mouvement. Quelle est notre attitude concernant des comités comme le Comité américain pour la démocratie en Espagne, concernant les meetings, les actions syndicales… ? Nous défendrons l’idée que les syndicats doivent collecter de l’argent, non pour le gouvernement, mais pour les syndicats espagnols, pour les organisations ouvrières. »[28]
Quelqu'un qui lit cette citation hors de son contexte pourrait croire que Trotsky était en faveur de l'envoi d'armes seulement à certaines milices ou « syndicats ouvriers » indépendants du gouvernement de Negrin. Mais il n’en est rien, comme Trotsky lui-même l’explique dans le paragraphe suivant, que la FT ne cite pas :
« Si quelqu'un nous répond que les syndicats espagnols sont liés au gouvernement, et qu’il serait donc inadmissible de leur envoyer de l'argent, nous répondrons en mentionnant un seul exemple : durant la grève des mineurs de Grande-Bretagne en 1926, nous avons envoyé de l’argent aux syndicats des mineurs, dont les dirigeants étaient étroitement liés au gouvernement britannique. Les comités de grève peuvent être réformistes, peuvent être traîtres, peuvent avoir des relations avec les employeurs. Mais nous ne pouvons pas omettre de prendre en compte le fait que, tant que les mineurs sont incapables de changer ces syndicats, nous leur enverrons de l’argent, courant le risque qu’ils trahissent les ouvriers. »[29]
De cela nous pouvons conclure :
1) Trotsky était pour la victoire militaire des républicains contre le fascisme. Cela signifie qu’il a lutté pour la victoire du camp militaire républicain dans son ensemble, malgré le fait qu’il soit dirigé par des bourgeois, des petits-bourgeois et des traîtres staliniens. C’est pour cela qu’il était en faveur de « laissez passer » le « bateau avec des munitions pour Negrin », venant « de la France ou des Etats-Unis », et qu’il déclara qu'il « aiderait Caballero avec tous les moyens matériels, contre le fascisme »[30], sachant qu'il s'agissait de gouvernements bourgeois.
2) Cependant, « en tant que parti révolutionnaire », c'est-à-dire concernant à la campagne propre et spécifique des trotskistes, il ne collecterait pas de l’argent et n’enverrait pas de volontaires ou de l’argent pour le gouvernement de Negrin, mais pour les syndicats espagnols. C’est correct. Mais concernant ce critère, Trotsky est catégorique quand il précise qu’il enverrait cette aide collectée par le « parti révolutionnaire », quand bien même ces syndicats seraient « réformistes », auraient des « relations avec les patrons » et seraient « liés au gouvernement ».
3) Cela met en avant deux questions dans la controverse avec la FT. La première est qu'au moment d'exiger ou d'accepter des armes, Trotsky n’a jamais eu le critère de la FT, « qu'il n'est pas question de demander des armes pour une direction bourgeoise ».La seconde est que le vieux révolutionnaire n'attendait pas tranquillement qu’il existe une direction révolutionnaire, ni même un « pôle prolétarien indépendant », pour envoyer de l’aide matérielle, comme l’exige la FT pour la Syrie.
De la même manière que Trotsky a agi, la LIT-QI exige et accepterait des armes et des « avions », « de la France ou des Etats-Unis » ou de n'importe quel gouvernement, pour le camp des rebelles en général, même si la majeure partie de ces armes passait par les mains des directions bourgeoises de ce camp. Et en ce qui concerne notre campagne en particulier, nous envoyons l’aide que nous collectons aux secteurs les plus progressistes et indépendants de la résistance syrienne.
Tout cela met en évidence que les différences de la FT avec la LIT-QI sont, en vérité, des différences avec Trotsky.
Ce sont des leçons très importantes pour agir dans les révolutions actuelles. En ce sens, à notre avis, le procès que Trotsky fait aux phraséologies « défaitistes » de la guerre civile espagnole est valable pour les ultragauchistes d’aujourd’hui :
« Les ultragauchistes qui ne veulent pas penser de façon marxiste – c'est bien de cela qu'il s'agit – seront pris à l'improviste par la guerre. Leur politique durant la guerre sera le couronnement fatal de leur politique en temps de paix. Les premiers coups de canon rejetteront les ultragauchistes dans l'inexistence politique ou les pousseront dans le camp du social patriotisme, pour les mêmes raisons pour lesquelles les anarchistes espagnols, ces ''négateurs'' absolus de l'Etat, sont devenus des ministres bourgeois quand la guerre est arrivée. Pour mener une politique juste en temps de guerre, il faut apprendre à penser correctement en temps de paix. »[31]
De la même façon, tout le raisonnement ultragauchiste de la FT dans les guerres civiles de la Syrie et de la Libye les oriente objectivement contre ces révolutions, au « premier coup de canon ».
[1] Une colonne infiltrée au sein du camp ennemi. Dans la révolution espagnole, en 1936, quand quatre colonnes fascistes convergeaient sur Madrid, une « cinquième » était annoncée comme se trouvant déjà à l'intérieur de la ville menacée.