25 janvier 2019
Non à l'ingérence impérialiste et de la droite continentale au Venezuela.
Aucune reconnaissance du gouvernement autoproclamé et pro-impérialiste de Juan Guaidó. Que ce soit les masses travailleuses qui expulsent Maduro du pouvoir. Pour la construction d'une alternative indépendante de la classe ouvrière et du peuple pauvre.
Il y a une ingérence impérialiste au Venezuela, avec l’autoproclamation de Juan Guaidó comme président intérimaire de la République, le 23 janvier de cette année. Cela avait déjà été convenu avec Donald Trump, qui a ensuite reconnu et soutenu le « président en affaires courantes ». C’est honteux qu'un président étasunien essaye de nommer le président d’un autre pays depuis Washington, dans une attitude clairement interventionniste. Et les gouvernements marionnettes de la droite continentale lui ont emboîté le pas, avec à leur tête Piñera (Chili), Bolsonaro (Brésil), Macri (Argentine) et Duque (Colombie). Les autres pays du groupe de Lima (à l'exception du Mexique) ont adopté la même position, tout comme l'OEA.
Voici une déclaration de Unidad Socialista de los Trabajadores (UST),
face aux événements politiques du 23 janvier.
Auparavant, ces mêmes gouvernements avaient publié des résolutions, déclarant l'illégitimité du gouvernement de Maduro. En tant qu’UST, nous rejetons ces actions interventionnistes de l'impérialisme et de la droite continentale ; nous affirmons que le gouvernement étasunien n'a aucune autorité politique ni morale pour donner des leçons de démocratie, puisqu'il soutient le gouvernement génocidaire et nazi-sioniste d'Israël et le gouvernement génocidaire d'Arabie Saoudite, en plus d'avoir financé et soutenu une infinité de coups d'Etat et d'interventions militaires sur le continent et dans le monde. On peut dire la même chose à propos de l’OEA qui, tout au long de son histoire, a avalisé des dictatures et soutenu des coups d’Etat militaires sur le continent.
Bolsonaro, pour sa part, a des prétentions bonapartistes au Brésil, semblables à celles de Maduro. Et lui et ses homologues Piñera, Duque, Macri, Moreno et d’autres du continent appliquent des ajustements brutaux contre les travailleurs de leurs pays, au profit de la banque internationale, des transnationales et du FMI. Ce sont des ajustements similaires à ceux que la dictature de Maduro est déjà en train d'appliquer au Venezuela, et que le gouvernement autoproclamé de Guaidó entend appliquer.
En tant que militants socialistes, nous ne pouvons rien soutenir de tout cela. Nous déclarons que nous serions contre toute intervention militaire au Venezuela ou toute tentative de coup d'Etat militaire.
Jusqu'à présent, les actions interventionnistes de l'impérialisme, de la droite continentale, du groupe de Lima et de l'OEA ressemblent à celles du passé, bien que plus intenses. Des menaces de Trump d'intervenir contre le gouvernement vénézuélien par l'intermédiaire du Southern Command ont été diffusées via des réseaux sociaux, tout comme le refus du gouvernement étasunien de retirer son personnel diplomatique et consulaire suite à la rupture des relations diplomatiques de Maduro et de la publication de l'ordre respectif de départ de ce personnel endéans les 72 heures. Nous ne savons pas si cela aboutira à un conflit militaire, mais dans une telle situation, nous nous y opposerions et nous appellerions les travailleurs du Venezuela et du continent à y faire face.
Rejeter carrément la dictature de la faim de Maduro
La Direction de l'Assemblée nationale, où siègent les principaux partis de l'opposition bourgeoise au gouvernement dictatorial de Maduro, a choisi le 23 janvier, une date emblématique de l'histoire politique du pays,[1] pour appeler à une mobilisation qui a connu une participation massive de très larges secteurs de la population, mécontents de la situation.>
Cette mobilisation fût précédée par une série d'actions de protestation populaires dans différentes zones de Caracas et dans d'autres villes du pays, des actions qui se sont répétées par la suite et qui ont fait l'objet d'une répression féroce de la part des forces de sécurité de l'Etat.
En tant qu’UST, nous revendiquons le droit légitime des travailleurs et du peuple vénézuélien de protester, de manifester et de descendre dans la rue contre un gouvernement qui les tue par la faim et par le manque de médicaments, qui les plonge dans la crise la plus profonde de l'histoire récente du pays et qui maintient les soins de santé, l'éducation, le transport, les télécommunications et d'autres services dans un processus de destruction des plus déplorables. Nous répudions et nous dénonçons l'action répressive du gouvernement qui, selon des chiffres officieux, dépasse à ce jour déjà une douzaine de morts lors des manifestations.
En outre, le gouvernement de Maduro, tout comme ceux de Chávez auparavant, est responsable d'une fuite massive de capitaux qui représente, selon les analystes, plus de 500 milliards de dollars ; ils sont responsables de la destruction de tout l'appareil productif de l'État, y compris de la production pétrolière, qui atteint actuellement à peine un million de barils par jour, afin de payer d'énormes sommes d'argent aux banquiers pour la dette extérieure, au détriment des importations de produits alimentaires et de médicaments, réduites à moins de la moitié de celles de 2012, et afin de garantir que les transnationales empochent d'énormes sommes de la rente pétrolière à travers les joint-ventures. Tous ces facteurs sont à l’origine de la crise brutale dont les Vénézuéliens sont actuellement victimes, et dont le gouvernement a l'entière responsabilité. C'est pourquoi nous insistons : ce gouvernement doit s'en aller. Nous déclarons catégoriquement : Maduro, dégage !
Pas le moindre soutien au gouvernement autoproclamé et pro-impérialiste de Juan Guaidó.
Mais rien de tout cela ne signifie que nous accordions un quelconque soutien politique au gouvernement autoproclamé et pro-impérialiste de Juan Guaidó, ou à tout représentant ou parti de la bourgeoisie (qu'il soit opposant ou progouvernemental).
La direction politique représentée par les partis et les dirigeants de l'opposition bourgeoise ne mérite aucune confiance politique des travailleurs et des masses mobilisées ce 23 janvier. Ce sont ces mêmes dirigeants qui ont trahi les luttes populaires et étudiantes de 2014 et 2017 et les ont menés à la voie sans issue de la négociation avec le gouvernement. Ils visent à constituer un soi-disant « gouvernement de transition » avec la bourgeoisie traditionnelle, les transnationales, la boliburguesia,[2] les restes de la dissidence chaviste et les partis d'opposition bourgeoise ; leur but est de préserver la garantie pour leurs affaires et leurs profits découlant de l’exploitation capitaliste et de la corruption la plus abjecte des bureaucrates civils et militaires de l'Etat ; et ils visent à maintenir dans l'impunité les crimes et les délits de corruption, la fuite de capitaux et les négoces avec l’Etat, ainsi que les crimes de la répression.
Ce sont eux qui se démènent pour éviter que ce soient les travailleurs et les masses populaires qui expulsent Maduro du pouvoir et jettent son régime dictatorial à la poubelle moyennant leur organisation et leur mobilisation, un scénario qui fermerait les portes à leurs plans.
Guaidó, en plus d'être un dirigeant bourgeois soutenu par l'impérialisme, n'a été élu par personne à la présidence de la République. Lui, son parti (Voluntad Popular) et les autres partis de l'opposition bourgeoise incarnent un programme politique et économique qui n'a rien à voir avec les besoins des masses laborieuses du pays.
En témoignent les demandes sincères, présentes dans toutes les mobilisations des masses laborieuses : mettre fin à la hausse des prix des produits de première nécessité, des vêtements, des médicaments et des services (santé, éducation, entre autres) ; et augmenter les salaires au niveau du panier de base, avec indexation mensuelle.
De telles revendications ne font pas partie du programme politico-économique des partis et des dirigeants de l'opposition bourgeoise qui, au contraire, se prononcent en permanence pour la libération des prix, l'élimination de tout contrôle sur ceux-ci, et de tout type de contrôle en général ; des partis et des dirigeants qui remettent constamment en question les augmentations salariales, en arguant qu’elles sont la cause principale de l’inflation, des prix élevés, de la faillite des entreprises et du chômage, et non pas qu'elles sont insuffisantes et irréelles, comme nous le faisons.
En l'absence d'une alternative indépendante des travailleurs, cette direction probourgeoise capte et capitalise actuellement le mécontentement de ceux-ci et des masses populaires, qui se mobilisent avec ces partis bourgeois parce qu'ils sont d'accord sur la nécessité que le gouvernement de Maduro s'en aille ; c'est la raison pour laquelle ils font l'unité d'action, mais comme nous l'avons montré, ils n'ont aucun intérêt programmatique en commun. Contrairement à ce qu'affirment certains secteurs de la gauche, l'ampleur massive de la mobilisation ne signifie pas qu'il existe un processus de droitisation des masses ; au contraire, il existe bel et bien un rejet, de la part de larges couches de la population, d'un projet bourgeois tel que le chavisme, qui a déçu les attentes de cette population.
Nous exhortons les travailleurs et les masses populaires vénézuéliens à ne pas traduire le rejet du régime dictatorial de Maduro en soutien politique aux représentants de l'opposition bourgeoise, et à se mobiliser indépendamment contre la dictature de la faim.
Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin d'une alternative indépendante de la classe ouvrière.
Avec la situation qui s’est ouverte dans les jours qui ont précédé le 23 janvier et les évènements de cette journée, nous entrons dans un nouveau chapitre de la crise politique vénézuélienne, caractérisée par son aggravation, alors que la crise économique continue de s’approfondir. Aucune solution favorable aux travailleurs et au peuple pauvre ne viendra de l'un des deux blocs bourgeois qui se disputent actuellement le contrôle de l'Etat, c'est-à-dire, essentiellement, le contrôle et l'administration directe des revenus pétroliers et d'autres négoces acquis grâce à l'administration de l'appareil d'Etat.
Le chavisme et ses partis, dirigés par Maduro, sont les responsables de la faim, de la pénurie de nourriture et de médicaments, du coût élevé de la vie, des bas salaires, des attaques contre les conventions collectives et les acquis du travail, des attaques à la liberté d'association, de la mise en œuvre de normes salariales d'arnaqueurs dans l'administration publique et dans les entreprises publiques, des licenciements de travailleurs, bref, de tout un ajustement anti-ouvrier qui a entraîné depuis l'année dernière une montée significative des luttes et des conflits du travail.
Les partis de l'opposition bourgeoise vénézuélienne et de l'impérialisme tirent profit du mécontentement des travailleurs, mais leur véritable intention est d'approfondir cet ajustement, car ce sont eux les dirigeants des négoces susmentionnés, aujourd'hui entre les mains du chavisme.
C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, il faut une alternative politique indépendante de la classe ouvrière : tout d’abord pour surmonter la faiblesse de sa non-existence, qui fait que les travailleurs et les masses se mobilisent aux côtés des partis patronaux pour se débarrasser de la dictature répressive de Maduro ; mais aussi comme instrument pour coordonner les luttes ouvrières, pour les unifier, afin de vaincre l'ajustement anti-ouvrier et d'expulser Maduro du gouvernement, en se constituant en alternative pour un gouvernement des travailleurs et du peuple pauvre. Cette alternative, aujourd’hui inexistante, pourrait être concrétisée par l’Intersectorielle des Travailleurs du Venezuela (ITV), une organisation encore embryonnaire mais qui regroupe différentes branches, fédérations et syndicats du pays, et qui doit se doter d'un programme ouvrier et d'une politique d'indépendance de classe votée par les travailleurs eux-mêmes.
Pour l'UST, ce n'est qu'avec la mobilisation indépendante des travailleurs et la construction de cette alternative de classe que l'on pourra vaincre la dictature de Maduro, l'exclure du pouvoir, et fermer la voie à l'impérialisme et à l'opposition bourgeoise du pays, tout autant ennemis de la classe ouvrière et du peuple pauvre du Venezuela que le chavisme.
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[1] Le Pacte de Punto Fijo du 23 janvier 1958 marque la fin de la dictature de Marcos Pérez Jiménez. (NdT)
[2] La bourgeoisie autochtone, qui revendique l'héritage du Vénézuélien Simon Bolivar (1783-1830), le personnage emblématique (avec l'Argentin José de San Martín et le Chilien Bernardo O'Higgins) de la décolonisation de l'Amérique latine.