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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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Carrefour en grève

Les concessions d’aujourd’hui constituent les nouveaux profits de demain et les souffrances d’après-demain.

Les conséquences de la crise

Les sauvetages de Fortis, Dexia et KBC nous ont montrés de manière choquante comment le gouvernement peut débourser sans hésiter des milliards d’euros quant il s’agit des intérêts des grands spéculateurs. Cela fait des années qu’il nous dit que nous devons faire des efforts pour réduire la dette, et voilà qu’en un claquement de doigt, le gouvernement l’augmente de manière spectaculaire.
   Fin 2007, l’endettement public de l’Etat belge s’élevait à 280 milliards et représentait 85% du PIB. Aujourd’hui, avec une vingtaine de milliards d’euros de liquidités injectées au total en quelques semaines, elle atteindrait 89% du PIB. Cette dernière élévation de la dette représente une augmentation de charge de 450 millions par an dans le budget national (pour rembourser les intérêts de la dette contractée), soit 42,41 euros par habitant, environ 100 euros par ménage et par an, pendant de longues années.[1] Cette somme sera inévitablement déduite des finances publiques, au détriment de la qualité de vie des travailleurs…
   Ce n’est pas tout. Pour les travailleurs, il y a des conséquences qui sont bien plus immédiates. La crise financière a surtout mis à nu un syndrome latent et structurel du système capitaliste : la crise de surproduction ou, ce qui revient au même, la crise de notre pouvoir d'achat : avec des moyens de plus en plus important, on produit de plus en plus, mais sans que cette production trouve des acquéreurs, faute de pouvoir d'achat (en note, renvoi vers le CI). De ce fait, la crise financière intensifie le sauve-qui-peut dans la recherche de profit et accélère les restructurations et les fusions des entreprises, une tendance permanente à la concentration et aux monopoles. Beaucoup de marques d’automobiles ont annoncé une réduction de leur production… et une réduction de l’emploi. Volkswagen, qui produit encore des Polo à Forest, a annoncé qu’il pourrait supprimer jusqu’à 25.000 emplois intérimaires. La marque Volvo compte supprimer 3.000 emplois, dont 250 sur leur site de Gand. Chez DAF-Trucks, c’est 750 emplois qu’ils voudraient faire passent à la trappe. Parmi ses réductions d’emplois, certains groupes industriels optent pour la mise au chômage économique temporaire. Elle est socialement moins risquée et permet plus de souplesse pour le patron. Elle remet également une fois de plus la crise de la production capitaliste sur le dos de l’Etat. C’est le cas de Général Motors en Allemagne où 6.500 travailleurs sont concernés. C’est le cas aussi de ArcelorMittal, où 1.200 emplois seront perdus, et de Duferco Belgium, qui compte 3.500 emplois et qui a annoncé une réduction de production de 30%. L’automobile et le secteur du métal dans son ensemble sont particulièrement concernés, mais une longue lutte a relevé un autre type d’attaque patronale. La direction de la chaîne de distribution Carrefour tente d’imposer un changement de convention collective qui lui permettrait de payer au minimum 25% en moins son personnel. Suite à l’application de cette nouvelle convention pour les 150 employés du nouveau magasin de Bruges, les grèves se sont multipliées dans un grand mouvement solidaire entre les différents sites à travers tout le pays depuis des semaines, pour dénoncer ce dangereux précédent. Même type d’attaque chez Ikéa, où les conditions de travail sont durement attaquées. De leur côté, tout juste un mois après la grève nationale sans lendemain du 6 octobre, les fonctionnaires des administrations publiques de Bruxelles ont réitéré une grève régionale pour exiger des augmentations salariales conséquentes.

Ils veulent nous faire payer

Alors que nous subissons déjà de plein fouet les effets de cette nouvelle crise du capitalisme, on nous annonce que le pire est à venir et qu’il s’agit de se serrer davantage la ceinture. Ainsi, début novembre, le Conseil Central de l’Economie (CCE) - une institution dans laquelle participent les directions des syndicats - a annoncé dans son rapport, qui se base sur le principe de compétitivité avec nos voisins et sert de référence pour la norme salariale négociée lors de l’Accord interprofessionnel, que les marges pour une augmentation de salaire seront faibles… ou nulles. En effet, deux scénarios ont été présentés. Soit une norme de 6,4% dont une indexation estimée de 5,6%, c’est à dire une marge de 0,8% d’augmentation de salaires. Soit une norme de 5,1% compte tenu d’une indexation de 5,1%, autrement dit aucune marge pour une quelconque augmentation. Pour bien démoraliser et rendre coupable les travailleurs, les organisations patronales (FEB, l'Unizo, l'UCM et Agrofront ) insistent et déclarent à l’issu de la déclaration du CCE que : « Si les partenaires sociaux n'unissent pas leurs efforts pour maîtriser les coûts salariaux, cette hypothèque intenable sur la compétitivité des entreprises belges va entraîner de nouvelles restructurations, faillites et pertes d'emploi et, partant, une perte de pouvoir d'achat »[2]. Le jour même, le gouvernement rappelle directement que « dans ce contexte d’inflation élevée, la maîtrise des coûts salariaux s’avère essentielle »[3].
La lutte contre le chômage, la flexibilité et la précarité de l'emploi, les fermetures d'usines, la détérioration des services de santé, d'éducation, de mobilité, de logement, etc., doit partir du combat patient mais incessant contre le concept généralisé de "crise" tel qu'il est avancé par les patrons, le gouvernement et les directions syndicales, c’est-à-dire comme une calamité naturelle qui n'aurait pas de responsables, dont tous les "gens", depuis les grands banquiers jusqu'au dernier travailleur, seraient victimes, et contre laquelle tous devraient être solidaires. Pour nous, il y a d'un côté la grande majorité des "gens", ceux qui produisent la richesse, le profit, et une minorité des "gens", ceux qui s'approprient ce profit. La crise du capitalisme n'est pas une calamité de la nature sur laquelle l'homme n'aurait pas de prise. Elle est inhérente aux contradictions internes du système et ne peut que donner lieu à une lutte acharnée de ceux qui détiennent les entreprises contre ceux qui n'ont pas d'autre choix que de vendre leur force de travail pour faire fonctionner ces entreprises.
Programme de la LCT - novembre 2006
C’est avec cette logique que, rien que pour l’année 2007, le gouvernement a réduit les charges et offert d’autres cadeaux fiscaux aux patrons pour un montant de 7 milliards d’euros. Les intérêts notionnels ont coûté, selon les estimations, entre 1 et 2 milliards à l’Etat. Et cela sans aucune garantie sur l’emploi ou un quelconque bien-être pour les travailleurs bien entendu…
   Dans le budget 2009 récemment bouclé, et vivement critiqué, seuls 200 millions ont été prévus pour « des mesures en faveur du pouvoir d'achat des bas salaires, des pensionnés et des allocataires sociaux »[4]. En fait, il ne s'agit que de mesures pour compenser partiellement la perte de pouvoir d'achat de ces secteurs. D'autre part, lorsque l’on compare cette somme aux milliards de cadeaux patronaux ou aux milliards versés dans les gouffres de la finance, c’est dérisoire et tout à fait méprisant vis-à-vis des travailleurs qui se sont mobilisé pour des augmentations salariales, en décembre 2007, en juin 2008, récemment encore en octobre, sans compter les nombreuses grèves qui se succèdent encore actuellement.
   Dans son Plan pour l’emploi, début novembre, Milquet rappelle que son objectif numéro un est l’amélioration du taux d’emploi. Pour ce faire, elle veut encore accentuer l’activation des chômeurs et elle cible particulièrement la mise à l’emploi des aînés, des jeunes et des femmes. Comme on l’a déjà dit, le taux de chômage ne va pas s’arranger avec la crise. Pourtant, dans ce contexte de crise et de perte d’emplois, la ministre continue à en accuser les chômeurs. En fait, elle poursuit la politique du gouvernement qui n’est rien d’autre que d’exclure des sans-emploi du système d’allocation de chômage et de forcer encore davantage les chômeurs à accepter des boulots précaires. Car si le gouvernement se félicite que dans les groupes ciblés par ces mesures d’activation, le chômage a baissé, il ne dit pas à quel prix : l’augmentation de la précarité, des bas salaires, le recours à l’intérim et d’autres statuts qui offrent des réductions de charges pour le patron. Bref, le gouvernement est clairement dans un camp, celui des patrons, pour faire payer la crise aux travailleurs.

Une bataille idéologique

Dans cette situation dramatique, nous ne devons pas nous résigner aux discours patronaux qui prétextent leurs difficultés comptables pour aggraver nos conditions de travail. Les organisations syndicales doivent refuser le chantage à la compétitivité. Nous devons leur répondre : nous n'avons aucune responsabilité à assumer dans cette crise, c’est vous qui en êtes responsables et nous refusons d’en payer les conséquences !
   Nous devons exiger l’arrêt des procédures de contrôle et d’activation des chômeurs et refuser toute diminution progressive des allocations. Les syndicats doivent refuser cette chasse aux chômeurs et exiger l’augmentation des allocations de chômage et de remplacement. Nous devons refuser leur chantage à l’emploi : l'expérience montre amplement que donner des avantages aux patrons ne crée pas d’emploi. Il faut exiger une diminution du temps de travail, sans perte de salaire. Nous devons exiger de redistribuer le travail disponible actuellement, à l’ensemble de la population.
   Pour faire face au détricotage de notre salaire, nous devons exiger la révision de notre système d’indexation des salaires. Nous exigeons le retour du pétrole dans l’index, l’augmentation de la pondération du logement et de l’énergie qui n’y est compté que pour 15%.
   Nous exigeons une taxe sur les grosses fortunes ainsi qu’un impôt progressif sur les hauts salaires.
   Et face à chaque nouvelle agression du patronat nous devons répondre par la lutte avec des revendications offensives. De la part des sommets syndicaux, cela commence par l’arrêt de la participation aux mécanismes de concertation sociale. Car l’urgence n’est pas de bavarder et de se faire amadouer par le patronat dans des groupes, des conseils, mais bien d’organiser la lutte à la base. Seulement sous cet aspect, nous sommes prêts à négocier, avec un rapport de force favorable.

La lutte comme seule alternative

Les travailleurs de UCB, Carrefour, Ikea, des fonctionnaires publics montrent la voie. Si le gouvernement Dehaene (avec les « socialistes ») a adopté sa Loi sur la compétitivité en 1996 pour comparer nos salaires avec ceux de nos voisins, nous pouvons aussi comparer, et prendre exemple sur leurs luttes. Les métallos allemands sont sortis en masse dans la rue et réclament une hausse salariale de 7 à 8%. Faisons de même, suivons l’exemple !
   Notre arme la plus forte : la grève. On a bien vu la réaction du patronat lors des piquets chez Carrefour où il a appelé la justice. Et la justice envoie des huissiers pour casser les piquets de grèves au nom de la « protection de la propriété privée ». Ce qui est sûr, c'est que la Justice a choisi son camp : celui des patrons. Ce qui est sûr aussi, c’est que ce n’est pas cela qui arrête les travailleurs, qui continuent de plus belle.
   Mais toutes ces luttes pour l’amélioration de nos conditions de vie doivent être coordonnées dans des actions massives. Il faut que les syndicats organisent sérieusement un rapport de force pour empêcher que les patrons et le gouvernement nous fasse payer la crise économique. Pour cela il faut ressortir l’outil de la grève générale, un instrument puissant de lutte capable de déclencher un mouvement plus large dans toutes les entreprises. Pour qu’elle soit une véritable réussite, une convocation « d’en haut » d'une « journée d'action » par les directions syndicales, comme se fût le cas ce 6 octobre, ne nous suffit pas (voir encadré, p.4). La grève générale doit être non seulement poussée mais organisée par la base, par des assemblées, démocratiquement. Seule la lutte dans la rue et sur nos lieux de travail nous apportera une quelconque amélioration de nos conditions de vie dans ces temps de crise aiguë du système capitaliste. Tous ensemble, tous ensemble :
Non aux astreintes !
Non au service minimum !
Pas touche au droit de grève !
Non à la chasse aux chômeurs !
Pour une indexation représentative de l’inflation, révision de l’index !
Le pétrole dans l’index !
Pour une réduction du temps de travail, sans perte de salaire !
Pour une grève générale organisée par la base !
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1 La Libre, 28/10/08
2 http://www.rtbf.be/info/cce-eviter-les-derapages-salariaux-patronat-53589
3 Déclaration du gouvernement sur sa politique générale, 14/10/2008
4http://www.lecho.be/actualite/belgique/Accord_au_federal_sur_le_budget_2009.8090315-589.art