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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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Les mesures d’austérité : « Pas touche à l’index » ?

Voici un bref aperçu des mesures d’austérité pour la Belgique publiées au Moniteur le 30 décembre 2011. Outre quelques mesures fiscales qui nuisent surtout aux modestes revenus, elles concernent essentiellement le chômage et les fins de carrière. Il est clair que ce n’est qu’une première salve. Il s’agit, pour le moment, de ne pas encore heurter de front l’ensemble de notre classe. Mais d’autres mesures, en particulier sur les salaires, sont bel et bien en chantier.

Mesures fiscales

Plusieurs avantages fiscaux concernant les investissements d’économie d’énergie sont revus à la baisse ou abrogés, sous prétexte que cette déductibilité est maintenant de la compétence des Régions. L’abrogation est toutefois immédiate, alors que les Régions avaient déjà fixé leurs budgets, sans cette déductibilité. D’autre part, les intérêts notionnels, qui permettent aux grandes entreprises comme Arcelor Mittal d’éluder l’impôt, sont maintenus.

Crédit-temps

Un salarié peut avoir besoin temporairement d’interrompre totalement ou partiellement sa carrière professionnelle, par exemple pour soigner un parent âgé, pour suivre une formation ou pour lever le pied à un certain âge quand le travail devient trop pénible. Une allocation peut alors être payée par l’ONEM. La nouvelle loi durcit considérablement les conditions de cette possibilité. Par exemple, si pour un crédit-temps à temps plein ou à mi-temps, il suffisait de 2 ans d’ancienneté, il faut maintenant 5 ans de carrière et 2 dans l’entreprise, sauf pour certains motifs précis. 
    D’autre part, si on prend un crédit-temps à mi-temps pour 2 ans, cela ne sera comptabilisé pour la pension que comme une année. Et les années de crédit-temps « d’atterrissage », pour les personnes âgées entre 50 et 59 ans, ne compteront plus que sur base du salaire minimum pour la pension.

Prépension et pension

Ne dites plus « prépension » mais « régime de chômage avec complément d’entreprise ». Le gouvernement crie haut et fort qu’il ne touchera pas à l’âge de la pension (65 ans), mais il affirme que, « sur recommandation » de la Commission européenne, il doit prendre des mesures pour maintenir les personnes âgées au travail, et donc réduire tout « décrochage » avant 65 ans. 
    L’âge d’accès à la pension anticipée recule de 58 à 60 ans, et plus encore si la carrière a moins de 40 ans. La prépension à mi-temps disparaît progressivement. Pour le secteur public, le mode de calcul est revu à la baisse (souvent sur base des 10 dernières années au lieu des 5).

Chômage

La propagande gouvernementale nous fait croire que les allocations ne seront toujours pas limitées dans le temps (comme c’est le cas dans d’autres pays), mais après une période qui peut varier de 14 mois à 4 ans, on passe à une allocation minimale située bien en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire, comme si on dépendait du CPAS. En plus, la dégressivité des allocations s’accélère, les conditions qui permettent de refuser une offre d’emploi inadaptée deviennent plus strictes, les personnes âgées doivent rester plus longtemps disponibles sur le marché de l’emploi, et les périodes de chômage contribuent moins à la pension.     D’autre part, les jeunes diplômés qui ne trouvent pas d’emploi sont particulièrement pénalisés (voir encart).

Et pour les patrons...

Rien que des cadeaux, comme par exemple davantage de flexibilité pour les licenciements et de «diminution de charges», c’est-à-dire une diminution du salaire indirect des travailleurs.

Stage d’attente

Cela s’appelle maintenant « stage d’insertion », mais si tu es jeune diplômé, c’est l’attente qui devient plus longue : 12 mois sans allocation au lieu de 9, y compris si tu es déjà « en attente ». 
   D’autre part, tu dois réussir un contrôle tous les 4 mois. Les conditions pour déterminer si un emploi est « convenable » (distance de ton domicile, adéquation avec ta formation...) deviennent plus strictes, et si l’Onem juge que tu n’as pas fourni assez d’efforts, elle suspendra tes allocations durant au moins 6 mois... jusqu’à obtenir enfin un contrôle positif.
   En outre, à partir de l’âge de 30 ans, l’allocation obtenue après l’attente est limitée dans le temps : 3 ans maximum. Si entre-temps tu n’as pas pu totaliser la durée de travail à temps plein exigée pour accéder au chômage complet indemnisé (entre un an et demi et trois ans quasi sans interruption, selon les cas), il ne te reste que le CPAS... ou la rue.

« Pas touche à l’index » ?

Le 16 février, le Premier ministre Di Rupo a solennellement répété au Parlement que l’accord gouvernemental prévoit « le maintien du mécanisme d’indexation automatique des salaires et des allocations ». Il répondait ainsi à des affirmations de partenaires dans son gouvernement [1] qui, mettant l’index en question, auraient fait « beaucoup de bruit pour rien ». 
   Pour rien ? Dans la même intervention, le Premier révèle qu’il a encouragé la Banque Nationale à poursuivre l’étude de la question, convaincu qu’il faudra faire quelque chose puisque « c’est une évidence : l’augmentation des prix a un impact direct sur le pouvoir d’achat des Belges et sur la compétitivité des entreprises ».
   Le lendemain, l’édito du journal Le Soir souligne que « L’heure est aux solutions, plus aux tabous, qu’ils soient de gauche (l’indexation) ou de droite (les impôts). » Personne n’ose avouer carrément une mise en question du « principe », mais un accord se dessine en douceur pour vider de son contenu cet acquis des travailleurs. 
   Fin janvier, à la veille de la grève générale, des ténors du CD&V [2] préconisaient un saut de l’index, qui serait indispensable « pour préserver la compétitivité des entreprises ». On le présente comme une mesure « transitoire » : la prochaine fois qu’il faut adapter les salaires à une augmentation du coût de la vie, on « passe ». En fait, on baisse le salaire réel d’autant de pour cent, pour toujours. Cette astuce a été employée en 1984, quand le gouvernement disposait de pouvoirs spéciaux et a décrété par l’arrêté 278 trois sauts d’index consécutifs (1984, 1985 et 1986) de 2 %, une perte de salaire de plus de 6 % encore aujourd’hui. Les travailleurs ont alors répondu par une grève générale le 31 mai 1986. Aujourd’hui, après la grève générale du 30 janvier, le gouvernement a fait savoir qu’il n’a jamais été question d’envisager un saut d’index. La grève n’y serait pour rien... !?
   Mais il y a d’autres façons de vider l’indexation automatique des salaires de son contenu. Le Plan global de Dehaene en 1993 a mis sur pied une nouvelle définition du panier de produits inclus dans l’index, en retirant de celui-ci l’alcool, le tabac et les carburants. Cyniquement, on a alors baptisé la nouvelle mouture « Indice-santé », mais loin des préoccupations pour les ravages causées à la santé par l’alcool et le tabac, c’est la montée en flèche du prix des carburants qui a provoqué par ce mécanisme une détérioration significative du revenu des travailleurs, au profit des patrons. En dépit d’une grève générale (26/11/1993), le Plan a été adopté par le parlement pendant les vacances de fin d’année. Par la suite, à juste titre, les travailleurs ont avancé à différentes reprises le mot d’ordre « le pétrole dans l’index ».
   Aujourd’hui, le même mécanisme est à l’étude pour éliminer du panier les produits avec la hausse de prix la plus forte, en particulier celle de l’énergie, que la Banque Nationale évalue « à 17 % chez nous, contre 10 % chez nos voisins ». Et le cynisme continue, essayant de vendre cette fois l’astuce sous le nom de « éco-index », une mesure « écologique » puisqu’elle devrait faire économiser de l’énergie...
__________
[1] En particulier Alexander De Croo (Open VLD) et Johan Vande Lanotte (SP.A). Voir DH, 17/2/2012. [2] Steven Vanackere et Kris Peeters, voir La Libre 28.01.2012.
La parole est aux travailleurs, pour défendre leurs acquis, avec la mobilisation sans relâche.
D’ores et déjà, la lutte continue : les pompiers, les gardiens de prison, les accompagnateurs de train, les lamaneurs au port d’Anvers, Caterpillar, etc.
Et c’est par cette voie que quelques conquêtes ont déjà été obtenues.

« Mettre les gens au travail... » ?

A en croire les journaux, ce serait la première justification du gouvernement et des patrons pour les mesures concernant la fin de carrière et le chômage. Mais alors, pourquoi ne donnerait-on pas l’emploi des anciens aux jeunes pour les sortir du chômage ? Pourquoi n’y a-t-il aucune obligation pour les patrons d’embaucher, où même de ne pas licencier ? Tout le monde sait que, dans ce système basé sur leur profit, les patrons ne sont pas en mesure d’offrir un job à tous les gens en condition de travailler.
   La réalité est qu’il s’agit d’amplifier « le marché du travail », la quantité de gens disponibles sur ce marché, et donc d’augmenter la concurrence et de faire ainsi pression sur les salaires et d’augmenter les profits, bref, comme disait déjà Marx, de constituer « une armée de réserve » de travailleurs.
   Une raison de plus pour mettre en cause le système lui-même et lutter pour une autre société, le socialisme.