logo-IV-LCT.jpg

Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

Newsletter

10 décembre 2015
Ligue Communiste des Travailleurs
[PDF]

Contre la terreur : notre mobilisation

Après les attentats du 13 novembre à Paris, l'attention du monde entier s'est tournée vers la Belgique : « des attentats qui se décident en Syrie et se préparent en Belgique » a déclaré le gouvernement français. Le gouvernement belge « doit prouver son efficacité » dans la lutte contre le terrorisme, et d'importantes opérations sont organisées à Bruxelles, des perquisitions dans la commune de Molenbeek qui, selon les autorités, serait un « foyer de djihadistes »….

Le gouvernement belge, accusé de laxisme, réagit rapidement : le samedi 14 novembre, la commune de Molenbeek est littéralement occupée par les forces de police et l'armée. Le ministre de l'Intérieur, Jan Jambon (NVA, droite nationaliste) déclare qu'il fera le « ménage à Molenbeek », argumentant le besoin d'une politique forte. La priorité serait désormais la lutte contre le terrorisme et le radicalisme. Le niveau de menace est relevé à 3, toutes les activités politiques, sociales et culturelles sont annulées et la présence militaire est renforcée dans les rues.

Milieu de semaine, le mercredi 18 novembre, les activités et rassemblements politiques, culturels ou sportifs sont annulés, 300 militaires de plus sont envoyés sur Bruxelles, deux opérations d'envergure se réalisent à Bruxelles et 400 millions d'euros sont débloqués en urgence pour la lutte contre le terrorisme. Le jeudi 19 novembre, le premier ministre belge, Charles Michel (libéral), s'adresse au parlement, appelant à l'unité nationale. Il présente 18 mesures supplémentaires pour lutter contre le terrorisme, et la frégate Léopold I est envoyée pour escorter le porte-avions français Charles De Gaulle au large des côtes syriennes.

Le week-end du 21 et 22 novembre aura marqué les esprits des travailleurs et de la population en général : le niveau d'alerte est relevé à 4 pour la ville de Bruxelles et des mesures exceptionnelles sont mises en place. La population est priée de ne pas sortir, la fermeture du métro et des voies de trams est décrétée, la circulation des trains est au ralenti, commerces et supermarchés sont fermés, tout rassemblement est interdit, 22 perquisitions ont lieu, à Bruxelles et Charleroi, 16 arrestations ont lieu et l'ensemble du pays est militarisé. Le lundi 23 et mardi 24 novembre, tous les établissements éducatifs (crèches, écoles, universités et autres) sont fermés, les transports sont encore à l'arrêt, tous les rassemblements sont interdits et de nombreux travailleurs doivent rester à la maison, par mesure de sécurité.

Les niveaux de menace :
Niveau 1 : Risque faible.
Niveau 2 : Menace peu vraisemblable.
Niveau 3 : Menace possible et vraisemblable.
Niveau 4 : Menace sérieuse et imminente.

Après toutes ces opérations, 15 des 16 personnes arrêtées sont libérées, le niveau d'alerte reste à 4, les écoles et commerces ouvrent à nouveau et les perquisitions et interventions policières continuent dans d'autres villes du pays. Toutes ces mesures sécuritaires sont appliquées en Belgique alors qu'un plan de mobilisations était en cours contre les mesures d'austérité. Or, en « solidarité avec la France et en tenant compte du danger », les grèves, les piquets et les rassemblements sont annulés par les directions syndicales.

Lutte contre le terrorisme et terreur sociale

Nous ne pouvons que condamner l'action terroriste de l'Etat Islamique à Paris et nous sommes solidaires avec les victimes des attentats et leurs familles. Nous nous solidarisons avec les travailleurs français et la population travailleuse en général, car ce genre d'attentat ne touche jamais les responsables de cette violence, que ce soit en Syrie, au Mali ou ailleurs dans le monde, c'est-à-dire le grand capital multinational et les politiciens à leur service, responsables de ces guerres.

Pour cette même raison, nous sommes d'accord sur le fait qu'il faille arrêter ces terroristes qui, par leurs actes, ne font qu'aggraver les conditions de vie de la classe travailleuse, alimentent les discours xénophobes et racistes, et contribuent à la stigmatisation d'une partie importante de cette population, les travailleurs immigrés.

Nous sommes en droit alors de nous demander à quoi ont servi toutes ces mesures sécuritaires et les moyens dégagés pour sa mise en œuvre ? A quoi servent les bombardements en Syrie ? La présence militaire dans les rues des principales villes belges aurait coûté plus de 10 millions les six premiers mois de cette année. Quand le gouvernement parle de « débloquer » 400 millions pour la sécurité, il ne précise pas où il va prendre cet argent… « On verra plus tard ! » Le gouvernement trouve 400 millions pour la « sécurité policière » et ne trouve pas d'argent pour financer la sécurité sociale.

Certaines déclarations dénoncent l'indifférence de l'Etat et de la police face à la demande d'aide de certains parents pour empêcher que leur fils ou leur fille ne parte pour la Syrie. Des mères de Molenbeek se réunissent pour témoigner de cette indifférence et dénoncent l'actuelle politique de stigmatisation et de répression envers la population belge d'origine immigrée.[1]

Les bourgmestres de plusieurs communes bruxelloises, dont celle de Molenbeek, ayant reçu une liste des « radicalisés » dans leurs communes, n'ont pris aucune mesure préventive ; le gouvernement fédéral non plus. Les responsables des attentats à Paris, considérés comme « dangereux », se trouvaient sur ces listes : ni les autorités communales, ni les autorités fédérales n'ont agi préventivement.[2] Nous pouvons nous demander, encore une fois, à quoi ont servi toutes les mesures sécuritaires approuvées déjà en janvier 2015.

Cette politique sécuritaire, mise en application en janvier 2015, et renforcée depuis deux semaines (voir encadré) pose évidement plusieurs questions sur l'utilité et le sens de toutes ces mesures. Le vendredi 27 novembre, les membres des services de sécurité et du renseignement mettaient en évidence, lors de déclarations à la presse, qu'il n'était pas nécessaire de passer au niveau 4, ni de fermer les écoles ou les transports en commun…[3]

Attaques contre la classe ouvrière.

Les attentats à Paris et toutes les interventions policières et militaires en Belgique n'ont rien de positif pour la classe ouvrière et les secteurs populaires. En ce moment, en Belgique, les conditions de vie de la classe ouvrière sont attaquées par le gouvernement, une série de lois et de réformes sont appliquées sans qu'une réponse unifiée ne s'organise. Des grèves et manifestations sont annulées par mesure de sécurité, et aucune autre perspective de mobilisation n'est proposée aux travailleurs.

Nous devons exiger des directions syndicales de continuer et de garantir la réalisation d'un plan de lutte contre l'austérité. Le lundi 23 novembre, malgré la terreur créée par le gouvernement, des militants syndicaux ont organisé des actions pour dénoncer les attaques sur les droits sociaux et en défense de l'emploi. Ainsi, des syndicalistes de la Louvière, et d'autres venus d'ailleurs pour se solidariser, ont organisé un collage de calicots et pancartes, la nuit du 22 novembre, sur les axes routiers, les ronds-points et d'autres lieux pour exprimer leur rejet des mesures socio-économiques. « On ne peut pas manifester, ni faire des piquets de grève, mais les gens liront nos revendications » disaient ces militants. Des actions de sensibilisation et d'information ont été organisées dans la journée du 23 novembre, à la Louvière et à Charleroi, et la présence militaire était importante autour des syndicalistes qui distribuaient des tracts…

Mais les attaques du gouvernement ne se limitent pas à nos droits sociaux. Toutes les mesures sécuritaires attentent aux droits et libertés démocratiques de la classe ouvrière, et principalement des travailleurs immigrés. Le droit de grève et de manifestation est bafoué, nous ne pouvons pas exprimer notre rejet des politiques du gouvernement sous prétexte de l'unité nationale contre le terrorisme, et on nous oblige à accepter tous ces mesures liberticides comme si elles étaient là pour nous protéger.

La militarisation, les interventions et les perquisitions violentes se font dans les quartiers ouvriers et populaires, des blindés ciblent la population, des jeunes issus de l'immigration sont contrôlés systématiquement… Cette présence militaire et policière nous insécurise, car elle occupe nos quartiers, nous stigmatise, augmente et légitime la répression d'Etat.

Cette stigmatisation a des conséquences bien concrètes pour les travailleurs et la jeunesse. Depuis l'application des nouvelles mesures sécuritaires, des travailleurs belges originaires de l'immigration ont été licenciés de leurs entreprises. Ainsi, 5 travailleurs de la STIB (Société de transports Interurbains de Bruxelles- bus, tram, métro) ont été licenciés pour radicalisme. A Zaventem, dans les espaces commerciaux privés de l'aéroport, un travailleur a également été licencié pour la même raison.

L'ambassade des Etats-Unis a envoyé une liste de « 10 travailleurs radicalisés » aux autorités communales de la ville de Liège ; un travailleur de la commune de Molenbeek a été licencié, lui, pour « apologie du terrorisme » ; récemment deux étudiants de 16 ans ont été arrêtés, dans leur école, et interrogés par la police, pour avoir dit lors d'une discussion en classe, « qu'il y aura des attentats » au centre ville de Bruxelles, chose que le gouvernement et les médias répètent pourtant impunément tous les jours. Toute forme de questionnement ou de discussion est censurée. Nous avons vu comment un débat, organisé par la Fondation Léon Lesoil sur la situation en Syrie, a été interdit par la police.

Mais ces mesures ne sont pas seulement une menace aujourd'hui. La volonté du gouvernement de modifier même la Constitution n'a comme seul objectif que de pérenniser une situation de terreur sociale, en contrôlant ainsi l'ensemble de la population et toute forme d'opposition à ce système criminel qu'est le capitalisme.

Pour ne citer qu'un exemple : le « screening » pour accéder à toute fonction « sensible ». Cela voudrait dire que toute personne voulant accéder à un travail dit « sensible », sans aucune définition de ce terme, devra subir une enquête approfondie de son activité militante, syndicale ou politique. L'Etat jugera si ses conceptions politiques ou croyances religieuses sont un « danger » pour la fonction ou si le candidat à une telle fonction est en adéquation avec l'idéologie de l'Etat et les conceptions des partis au gouvernement.

En effet, nous ne savons pas ce qu'est « une fonction sensible ». Un enseignant par exemple, un travailleur ou une travailleuse des services publics ? Qu'est-ce qu'être radicalisé ? Soutenir la résistance du peuple palestinien ? S'opposer ouvertement et publiquement aux bombardements criminels contre la population civile en Syrie, (déjà victime de l'EI) est-ce là une apologie du terrorisme ? Se déclarer ouvertement révolutionnaire et combattre ce système capitaliste, responsable de guerres, du pillage et de la misère des travailleurs, est-ce du terrorisme ?

Nous affirmons que non, et que les responsables du terrorisme sont ces Etats qui aujourd'hui disent vouloir le combattre. Ce sont les puissances qui vendent des armes partout dans le monde, qui achètent du pétrole à l'EI, qui financent des coups d'Etat et les régimes autoritaires pour continuer le pillage en Afrique et au Proche-Orient. Ce sont eux les responsables de toute la violence que nous vivons aujourd'hui.

C'est la lutte contre toutes ces injustices, contre le pillage, la famine et la misère qui mettra fin au terrorisme. Et, pour cela, nous devons combattre les responsables. Pour avancer dans ce sens, nous ne pouvons pas permettre que la terreur s'installe, nous devons organiser la mobilisation, nous devons défendre nos acquis et nos droits.

La LCT soutient toutes les mobilisations qui se préparent en ce sens et nous y serons présents. Il est nécessaire de construire, ensemble, les organisations révolutionnaires, syndicales, associatives, culturelles ou de quartier, un Front Unique en défense des droits démocratiques de la classe ouvrière et des secteurs populaires.
__________________
[1] Le Soir, 24/11/2015
[2] Le soir, 28-29/11/2015
[3] Le Soir, 27/11/2015

Combattons la terreur et le terrorisme par notre mobilisation !

Les 12 mesures prises en janvier 2015 :

  1. Extension des infractions terroristes et adaptation de la législation pour une sanction plus effective. Insertion d'une nouvelle infraction terroriste relative au déplacement à l'étranger à des fins terroristes, dans le code pénal.
  2. Extension de la liste des infractions donnant lieu à l'utilisation des méthodes particulières de recherche (art 90ter Code d'instruction criminelle). Incitation au terrorisme, recrutement et formation et déplacement à l'étranger à des fins terroristes
  3. Elargissement des possibilités de retrait de la nationalité
  4. Retrait temporaire de la carte d'identité et refus de délivrance et retrait de passeport. Il est prévu de retirer les passeports et les cartes d'identité quand la personne concernée présente un risque pour l'ordre public et la sécurité
  5. Mise en œuvre du gel des avoirs nationaux. Activer le mécanisme prévu par la loi pour identifier les personnes impliquées dans le financement du terrorisme et dont les avoirs seront gelés
  6. Révision de la circulaire "Foreign Fighters" du 25 septembre 2014. La circulaire de 2014 relative à la gestion de l'information et aux mesures de suivi concernant les "Foreign Fighters" qui séjournent en Belgique sera adaptée. On visera ici une simplification des structures actuelles et une répartition plus claire des tâches entre les services ainsi qu'une systématisation dans la manière dont s'opère le suivi.
  7. Echange de l'information. Optimiser l'échange d'information entre les autorités et services administratifs et judiciaires.
  8. Révision du plan R. La révision du plan de 2005 contre la radicalisation est accélérée afin de tenir compte des évolutions récentes.
  9. Radicalisme dans les prisons. Lutte contre la radicalisation dans les prisons, par, d'une part, une meilleure détection des détenus radicalisés et ceux qui encouragent la radicalisation, et d'autre part, la prise de contre-mesures. Formation du personnel pénitentiaire et collaboration avec les conseillers islamiques revêt une importance centrale.
  10. Réforme des structures du renseignement et de la sécurité. Conseil national de sécurité.
  11. Appel à l'armée pour des missions spécifiques de surveillance
  12. Renforcement de la capacité d'analyse de la Sûreté de l'Etat.

 

Les 18 mesures supplémentaires approuvées ce jeudi 19/11 :

  1. Un effort budgétaire supplémentaire sera ajouté au Budget 2016. Au total, 400 millions d'euros vont être dégagés pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme.
  2. Un renforcement des contrôles policiers va être effectué aux frontières.
  3. 520 militaires vont être déployés pour renforcer la sécurité.
  4. Une révision du code d'instruction criminelle va avoir lieu, notamment au niveau des méthodes particulières de recherche. De nouvelles technologies pour les services de renseignement vont être exploitées (empreintes vocales, élargissement des écoutes téléphoniques, notamment concernant le trafic d'armes)
  5. Une révision de la Constitution va avoir lieu. La garde à vue pour les actes terroristes passera à 72 heures. Elle est actuellement de 24 heures. (Il s'agit d'une modification de l'article 12 de la Constitution)
  6. Des perquisitions pourront avoir lieu 24h sur 24 pour les infractions terroristes, il s'agit également d'une modification de la loi.
  7. Les combattants revenant de l'étranger seront privés de liberté et passeront directement par la case prison.
  8. Les personnes fichées par les services d'analyse de la menace se verront imposer le port d'un bracelet électronique.
  9. Enregistrement des données de tous les passagers dans les transports. Sans attendre le projet européen, la Belgique appliquera le contrôle systématique de l'enregistrement de tous les passagers dans les transports (avions et trains à grande vitesse)
  10. Les prédicateurs de haine seront exclus du territoire. Tous les prédicateurs seront "screenés" en vue de les assigner à résidence, de les priver de liberté ou d'expulser ceux qui prêchent la haine.
  11. Les lieux de culte non reconnus qui diffusent le djihadisme seront démantelés
  12. Les cartes de téléphones pré-payées ne seront plus anonymes
  13. Un plan de prévention et de répression va être mis en place à Molenbeek
  14. Le screening sera renforcé pour l'accès aux emplois sensibles
  15. Le réseau de caméras de reconnaissance des plaques minéralogiques belges va être étendu
  16. Les sites internet prêchant la haine vont être fermés
  17. Une adaptation des législations en lien avec l'état d'urgence va être évaluée. Des mesures temporaires et exceptionnelles garantissant la sécurité publique seront possibles
  18. La Belgique va participer sur la scène internationale à la lutte contre Daesh. La frégate Léopold I remplit une mission d'escorte du porte-avion français Charles de Gaulle. Des frappes aériennes en rotation avec les Pays-Bas sont envisagées.