1er mai 2016
NON à l'austérité, sous aucun prétexte !
« Nous décidons une baisse historique du coût du travail à concurrence de 4 milliards d'euros. » C'est ce qu'annonçait le gouvernement Michel dans la Déclaration gouvernementale lors de son entrée en fonction en octobre 2014, en précisant que la baisse des cotisations patronales à la sécurité sociale de 33 % à 25 % sera inscrite dans la loi, que le « handicap salarial » sera résorbé, que le saut d'index sera peaufiné, que le marché du travail sera « modernisé », que l'âge de la pension sera augmenté et les conditions durcies, sans parler de la politique d'asile avec comme « principe » l'expulsion « volontaire si possible et forcée au besoin ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce gouvernement tient parole !
L’indexation des salaires
Après « l’index santé »,[1] il y a 20 ans, le parlement a carrément décidé d’un « saut d'index », introduit en avril 2015 avec maintenant l'excuse de « la promotion de l'emploi ». Le coût de la vie a donc augmenté, mais nos salaires n’ont pas suivi. Et ce retard ne sera jamais rattrapé. De plus, la « norme salariale » pour réduire le dénommé handicap salarial, déjà réduite à 0 % à partir de 2013, est maintenant aussi d'application pour les entreprises publiques.
La diminution des dépenses publiques et des cotisations patronales
D'autre part, le « coût du travail » est aussi revu à la baisse en réduisant la partie destinée aux dépenses globales pour les soins de santé, l'éducation, les pensions, sous le nom de code de Tax shift : une réduction des cotisations patronales est programmée par étapes (à 30 % en 2016, à 25 % en 2018), et des mesures entrent déjà en vigueur maintenant pour les entreprises qui débutent.[2] Par contre, la pression fiscale est « déplacée » vers des taxes sur des produits qui ont été retirés du calcul de l'index. Certaines dépenses qui étaient donc à la charge des employeurs et qui faisaient partie de notre salaire indirect sont maintenant prises en charge par tous, via des taxes payées par l’ensemble de la population.
Les pensions
Depuis juillet 2015, une loi reporte l'âge de la pension (à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030), introduit des restrictions concernant la carrière et revoit le montant des pensions à la baisse moyennant un remaniement du mode de calcul, qui se base sur des années moins payées et en réduisant la contribution des années de chômage, et impose des restrictions supplémentaires pour la prépension.
Nous travaillerons donc plus longtemps et toucherons une pension moindre.
Le chômage et la maladie
Dans sa Déclaration, le gouvernement dit que « la première de nos priorités, celle qui nous obsède, c’est l’emploi » et qu'il va « faire la chasse au chômage, et pas aux chômeurs ». Va-t-il obliger ceux qui décident des emplois, les patrons, à embaucher, ou du moins les interdire de licencier ? Que nenni. Les allocations de chômage sont revues à la baisse, les conditions pour y accéder à la hausse, la base de calcul ne sera plus la fiche de paie d'avant le licenciement mais une « déclaration multifonctionnelle » délivrée par l'employeur, et les fournisseurs d'électricité, d'eau et de gaz vont collaborer pour dépister « des abus ». Les délais de réduction de l'allocation au minimum sont raccourcis et les exclusions interviendront plus facilement. Et pour celui qui n'a plus d'autre choix que le CPAS, l'obligation de signer un « contrat » qu'il se remettra au travail (la « contractualisation » individuelle forcée), introduite depuis 10 ans pour les jeunes, sera étendue à tous. Mais en même temps, les ressources en personnel des CPAS pour accompagner ces travailleurs sans emploi dans leur recherche sont réduites au point d'y multiplier le stress et les burn-out.
Et pour les travailleurs malades, le gouvernement montre encore de quel côté il se trouve... au point que dorénavant ce sont les patrons qui décident si quelqu'un est malade : « Les entreprises sont encouragées à réduire le nombre des congés maladie. »[3]
La flexibilité
Pour couronner cette interminable liste d’attaques à nos acquis, le 9 juin 2015, Kris Peeters dévoile dans une Carte blanche[4] le chantier de la « modernisation du marché du travail ». D'une part, il faut « faire en sorte que les gens puissent rester plus longtemps au travail ». Mais pas question d'interdire le licenciement des travailleurs jugés « trop vieux » : il s'agit d'annuler l'effet « nocif » de « l'évolution des salaires avec l'ancienneté », et de les payer en fonction des prestations. D'autre part, « les besoins de nos entreprises » exigent de « faire coller leur production à la demande », ce qui implique « l'annualisation de la durée du travail » et la flexibilité totale des horaires. Dix mois plus tard, le projet prend forme. La journée de travail de huit heures, acquise en 1921 en Belgique, est remplacée par quelque chose de plus « moderne ». Elle pourra aller jusqu'à 9 heures et les 38 heures hebdomadaires passent à 45 heures, sans devoir payer des heures sup. Celles-ci seront autorisées jusqu'à 11 heures par jour et 50 heures par semaines. Et c'est le travailleur qui, individuellement, doit s'entendre avec son patron pour les détails : le jour et les horaires de travail peuvent être communiqués jusqu'à à peine un jour ouvrable d'avance.
Les travailleurs devront donc travailler plus quand cela est nécessaire, et moins quand on n’aura pas besoin d’eux. Et le patron ne devra pas engager, aux périodes de pics, du personnel supplémentaire. On imagine facilement ce que cela signifie pour notre vie familiale et personnelle, qui sera maintenant soumise aux aléas des besoins de l’employeur.
Le gouvernement veut placer chaque travailleur individuellement devant son patron pour « se mettre d'accord » sur son horaire de travail ou la durée de la journée. Il veut réduire le droit de grève à une « option » individuelle qui devrait respecter le « droit » d'aller travailler pour le briseur de grève. Et les médias ne nous parlent que de « partenaires sociaux » qui se mettent d'accord pour un objectif supposé commun, la « survie de l'entreprise », condition présumée pour « créer de l'emploi ».
Et nous, les principaux concernés...
Et entre-temps, la riposte des travailleurs ne se fait pas attendre. A peine trois semaines après que le Parlement ait dit OUI au nouveau gouvernement, la manifestation du 6 novembre 2014 et les grèves tournantes des lundis montrent l'unanimité des travailleurs pour lui dire NON. Toutefois, après la grève générale du lundi 15 décembre, les directions syndicales décident d'en rester là et « d'ouvrir une période de négociations ». Pas de grèves mais des réunions réservées aux permanents et délégués, sans mobilisation de l'ensemble des travailleurs. Et un accord interprofessionnel favorable aux patrons est finalement accepté.
Les luttes ne cessent toutefois pas, et quand les travailleurs sont descendus dans la rue le 7 octobre 2015 pour manifester leur ras-le-bol et leur rejet de l'austérité, le gouvernement réprime et attaque le droit de grève. Des grèves ont lieu à la SNCB et dans différentes entreprises, mais le gouvernement ne modifie en rien sa politique de guerre sociale contre notre classe. Et finalement, les attentats criminels de Daesh viennent à point pour détourner l'attention. Il s'agit maintenant de ne pas ternir « l'image du pays » avec des grèves. Les aiguilleurs du ciel ont ainsi été traités « d’ennemis intérieurs » par la presse.
Dernièrement, les organisations syndicales, poussées par le mécontentement de leur base et face aux provocations du gouvernement, ont organisé des rassemblements. Mais pour bien diviser le mouvement, comme à leur habitude, les instances de la CSC et de la FGTB les ont décrétés une semaine seulement à l’avance, et un jour pour « les rouges », un autre pour « les verts ». Malgré cela, ces rassemblements ont été relativement importants, ce qui montre qu’à l’intérieur des organisations syndicales, les dispositions à la résistance sont bel et bien là. Lors du rassemblement de la FGTB, on annonçait à la tribune la reprise de la mobilisation : concrètement, pour fin mai, ce sera une manifestation nationale (sic) ! Mais ce n’est pas avec cela que nous bloquerons un gouvernement qui a décidé de passer en force ! Pire, ce genre de rassemblement qui ne débouche sur rien est profondément démoralisant pour les délégués combatifs qui y participent. Car en réalité, aucune mesure d'austérité n'a été combattue jusqu'au bout par les sommets syndicaux, qui se contentent d'en négocier l’application…
Malgré ces trahisons, la combativité est là, parmi les travailleurs de base, et dans les syndicats, comme nous le montrent les luttes récentes ; mais nos directions refusent encore une fois de s’y appuyer pour mener un plan de lutte conséquent contre l’ensemble des mesures d’austérité. Si telle n’est pas leur intention, qu’elles cèdent la place ! Perdre une bataille est une chose, mais ne même pas lutter en est une autre !
Pour cela, nous devons nous organiser dans les lieux de travail et organiser cette force qui réside dans les décisions prises et exécutées par l'ensemble des travailleurs, démocratiquement, dans chaque entreprise et au-delà de celles-ci, dans le pays et dans le monde. C'est par notre organisation que nous pourrons aussi avancer pour résoudre le problème qui est à la racine même, un changement de société, où le profit d'une minorité cède la place au bien-être de l'immense majorité. C'est par la lutte que le pouvoir même de décider des enjeux de la société devra un jour être aux mains de ceux qui produisent la richesse, les travailleurs.
Les élections sociales approchent ! C’est l’occasion de faire entendre notre voix et de nous doter de représentants qui reflètent notre disposition à la lutte !
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[1] Il y a vingt ans, le Plan Global de « sauvegarde de la compétitivité » avait retiré du calcul de l'index des produits fortement taxés comme l'alcool, le tabac, le carburant, sous prétexte d'un index « santé », et il avait « reporté » l'application de l'indexation pour deux ans.
[2] Telles que des exonérations du payement par l'employeur du précompte professionnel, depuis août 2015, ou des exonérations de cotisations sociales, dès janvier 2016.
[3] Le Soir, 11.4.2016.
[4] Le Soir, 9.6.2015.