Leur logique et la nôtre
Éditorial du numéro de En Lutte de mai 2020
Partout dans le monde c’est la même logique : faire tourner l’économie pour faire le plus possible de profit, en mettant la santé et la vie des travailleurs en danger. Le résultat se compte en dizaine de milliers de morts. Mais partout la classe ouvrière réagit et impose les mesures de sécurité par des actions et des grèves. Les chauffeurs de la STIB sont chez nous un formidable exemple de responsabilité et de combativité de notre classe face à la pandémie.
Le gouvernement oblige les gens à aller au travail sans protection suffisante, sans plan cohérent de tests massifs et de distribution de masques. Après une période de confinement qui, bien que tardif, a permis de freiner l’épidémie, des dizaines de milliers de personnes vont se recroiser sans garantie pour leur sécurité. C’est cette même logique du profit à tout prix qui a condamné les différents États du monde à répondre de manière totalement inefficace à l’apparition de la pandémie, en condamnant ainsi des milliers de travailleurs à l’infection et parfois à la mort. Pour les patrons, ce n’est pas logique de remplacer un stock de masques détruits, ni de fermer sans tarder les commerces non essentiels. C’est même impensable de fermer des entreprises non essentielles ou de prendre des mesures de sécurité suffisantes dans toutes les entreprises essentielles. C’est la logique de la bourgeoisie : toujours viser ses intérêts, gagner toujours plus.
Le déconfinement est pensé selon la même logique, malgré les avis de nombreux scientifiques, malgré les nombreux exemples dans d’autres pays de retour en arrière. Et surtout, malgré la virulence de cette pandémie du covid-19, sans précédent dans l’histoire récente. Cette épidémie a déjà fait plus de 9000 morts en Belgique et presque 320 milles dans le monde et il n’existe ni traitement efficace ni vaccin. Ainsi, face à l’étouffement des malades gravement atteints, on les plonge dans le coma en attendant que le corps lutte contre l’infection. Les travailleurs du secteur de la santé ont été en première ligne, au contact des personnes infectées, sans moyens de défense et en sachant pertinemment qu’ils risquaient la maladie et parfois la mort. Des hôpitaux ont dû stocker les corps dans des camions frigorifiques faute de place dans leurs morgues. La situation des prisonniers dans les prisons ou les centres fermés est elle aussi catastrophique.
Ce sont les plus pauvres et marginalisés d’entre nous qui paient le prix fort de la crise. La maladie révèle les inégalités brutales de la société capitaliste, entre ceux qui ont une villa 4 façades, qui peuvent se balader, comme la famille royale, dans les jardins du palais de Laeken, ou bien une famille nombreuse d’origine immigrée dans une tour de logements sociaux.
Les pouvoirs spéciaux votés par le gouvernement au nom de l’unité nationale face à la pandémie n’amènent que de la brutalité policière dans nos quartiers, qui a déjà provoqué la mort d’un adolescent. Ils n’amènent que des attaques contre le droit du travail et un autoritarisme d’un Conseil de Sécurité totalement anti-démocratique car soumis à aucun contrôle des travailleurs. C’est une bonne chose que le PTB n’ait pas voté pour les pouvoirs spéciaux. Cependant, nous l’appelons à mettre tout le poids qu’il possède dans les syndicats pour organiser des grèves et des actions pour sauver des vies, bloquer ce déconfinement irresponsable. Jusqu’à présent, il ne fait que jouer le jeu parlementaire, et a accepté sur le terrain, qu’il connaît pourtant bien grâce à son réseau médical, le fait accompli.
Nous le disons bien fort, non, la bourgeoisie n’est pas une classe qui porte l’avenir, mais bien l’exploitation de notre classe au nom de son profit, celui-là même qui a motivé le démantèlement progressif de notre système de santé publique. Une classe sociale qui va mettre de l’argent pour renflouer la trésorerie de la Lufthansa, sans sauver le moindre emploi. Juste aider ses pairs, le patronat, car c’est rentable. Une classe qui ne met pas un centime de ses bénéfices dans des équipements de protection, la mise à disposition de logement d’urgence, de distribution massive de nourriture, etc. En effet, ces mesures-là ne seraient pas rentables.
Que font les syndicats ? Dans ce numéro, un travailleur de bpost donne un exemple concret d’inaction flagrante et de collaboration avec la direction. Au niveau national, il est faux de dire qu’ils ne font rien. Ils ne font rien pour organiser la lutte, pour bloquer les industries non essentielles, ça c’est vrai. Mais ils font ce qu’ils ont toujours fait : collaborer avec la bourgeoisie, être les fidèles agents du discours patronal au sein de notre classe. Alors oui, ils acceptent naturellement, logiquement, de collaborer dans le groupe des 10 pour élaborer des listes de mesures à prendre avec le patronat, pour qu’il les respecte. Comme le dit le délégué de Vache Bleue dans l’interview de cette édition: « Depuis quand on peut faire confiance aux organisations patronales et à leurs garanties ? »
Ici, leur collaboration de classe, et donc leur refus de déclencher une grève générale des services non essentiels par exemple, ne se comptera pas en années d’acquis perdus, mais en nombres de malades et de morts.
Les chauffeurs de bus et de tram de la STIB sont à l’avant-garde de cette lutte contre ce déconfinement criminel. Heureusement qu’ils se sont révoltés contre leurs directions syndicales qui collaborent à leur mise en danger et qu’ils refusent un déconfinement à n’importe quel prix. C’est ce que font aussi de nombreux délégués et délégations combatives sur le terrain. Car seuls les travailleurs peuvent connaître les mesures à prendre. C’est grâce aux actions des travailleurs, avec ou sans le soutien de leur syndicats, grâce aux mouvements de grève aux TEC, chez De lijn, Audi, Bruxelles propreté, grâce aux actions des travailleurs de la santé, etc., que notre sécurité a pu être mieux garantie.
Il est nécessaire de continuer à s’organiser depuis à la base pour contrôler la sécurité sur notre lieu de travail, d’exiger la fermeture de ce qui n’est pas essentiel et d’exiger un maintien de salaire à 100 %. Il n’y a que notre organisation collective qui peut faire avancer notre logique, celle de la défense de nos intérêts de classe, la sauvegarde de notre santé et de celle de nos familles.
Enfin, il est clair que la logique capitaliste, c’est la défense des intérêts de la bourgeoisie, qui mène à la barbarie, aux morts et à la destruction. Il est temps de changer cela dès aujourd’hui, et c’est le sens que peuvent prendre nos luttes. Avancer vers la construction d’une organisation de notre classe qui lutte contre notre ennemi et son gouvernement ; mais également l’ennemi dans notre classe, la bureaucratie syndicale, qui nous divise et nous empêche de nous organiser. Ce qu’il nous faut c’est une organisation de notre classe, qui doit se préparer pour prendre en mains les rennes de l'État, mettre fin à la société du profit d'une infime minorité et construire une autre société, une société socialiste.