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Peux-tu nous dire dans quel contexte la grève à bpost a pris naissance ?
Cette grève a été appelée par la bureaucratie syndicale, plus précisément par la CGSP et la CSC transcom, les rouges et les verts. Ce ne sont pas les travailleurs, en assemblées, qui l’ont convoquée. Il faut le signaler, car c’est un élément important.
Ils ont donc convoqué la grève et déposé un préavis de grève d’un mois. La grève a alors commencé le 22 avril.
Mais cette grève a d’entrée de jeu commencé sur base de plusieurs divisions. Elle était en effet appelée non pas par le front commun des trois syndicats, mais seulement par deux syndicats. Ensuite, le mouvement n’a été suivi qu’en Wallonie et à Bruxelles. Les centrales syndicales flamandes des rouges et des verts n'ont pas suivi. Une division interne donc.
Toutes ces divisions se sont déroulées loin de nous. Les travailleurs n’ont rien décidé, ni même rien discuté. Le jour de la grève, il y a des travailleurs qui ont demandé quelles étaient les revendications ! Pour moi c’est vraiment honteux ! Mais alors, de quel type de grève s’agit-il là ? Quels en sont réellement les tenants et aboutissants ? Pourquoi cette convocation par la bureaucratie ?
On nous dit qu’à partir de la fin du mois de juin, il n’y aura plus de distribution de journaux. Il y a un doute, on ne sait pas si ces distributions vont continuer. Or, l’arrêt de ces distributions serait catastrophique ! Parce que les syndicats parlent d’un chiffre de 3000 à 4000 personnes qui travaillent dans ce service. Donc où vont aller ces gens si on perd ce service ? La plupart sont statutaires. Ils vont donc être réaffectés. Il va y avoir une réorganisation générale. C’est bien l’ensemble de bpost, et pas juste un service, qui est affecté. Au final, on nous avance le chiffre de 2000 à 2600 licenciements.
Ces chiffres, il faut savoir qu’on les a eus par les médias, même pas par les syndicats. Les syndicats ne nous informent pas ! Une fois, un permanent nous a même expliqué que même eux ne savent pas tout ce qui se passe derrière les négociations.
Quelles sont vos conditions de travail ?
A Bpost, il y a une réalité pour les travailleurs. C’est que notre corps en prend un sacré coup ! On a une surcharge de travail et un manque de personnel dans un secteur avec une concurrence féroce. Par exemple dans le secteur du E-commerce, surtout celui des colis. Dans les centres de tri, où on reçoit tous ces colis, lourds, les dos des travailleurs souffrent. Certains paquets font parfois 20 à 30 kilos ! On est loin de l’image du facteur qui fait le tour de son quartier. La vérité c’est qu’on se casse le dos.
Et dans ce contexte, bpost n’engage plus sous contrats stables. Quand il y a des pics, beaucoup de travail, par exemple en fin d’année: ils appellent des intérimaires ou on donne des CDD a une partie de ceux-ci. Ces contrats CDD leur servent aussi à casser les grèves. En effet, lorsqu’il y a une grève, les intérimaires ne peuvent pas travailler. C’est la loi. Si un seul travailleur CDI fait grève, les intérimaires ne peuvent pas travailler. Mais cela ne concerne pas les CDD. Un agent en CDD ne peut pas faire grève. S'il fait grève,son contrat ne sera pas reconduit, et ça c'est un point négatif pour les syndicats eux-mêmes. Or, les syndicats ne parlent jamais de la situation des collègues en CDD, et encore moins des intérimaires.
Il y a un autre élément très important à signaler dans le contexte de la situation actuelle de Bpost, c'est par rapport au salaire. Il y a des salaires misérables chez Bpost par rapport à d'autres secteurs. Pour les travailleurs, parvenir à la fin du mois relève d’un véritable défi !
En plus, il y a une situation de discrimination salariale très importante. On trouve par exemple dans une même zone de travail des collèges avec différents types de contrats. Ils font le même travail, mais ils ne touchent pas le même salaire. Il y a la catégorie des statutaires et des contractuels barémiques. Il y a aussi les DA non barémiques, qui ont des salaires fixes qui n’évoluent pas dans le temps. Il y a aussi la catégorie des CDD et enfin les intérimaires. Cette situation est totalement acceptée par les syndicats qui n’ont jamais rien fait pour y changer quelque chose.
Comment la grève s’est-elle concrètement déroulée ?
Elle a donc été suivie, comme je l’ai dit, surtout dans les grands centres de Wallonie : les deux centres de Liège et Charleroi, et les centres de tri de Bruxelles.
Les piquets de grève sont garantis par les permanents et les délégués et souvent sans réel soutien des travailleurs, qui en profitent souvent pour rester à la maison. Selon moi, cela est surtout dû au manque de connexion réelle entre les syndicats et les travailleurs. On est loin de la tradition d’une organisation combative qui convoque des assemblées où les travailleurs peuvent décider eux-mêmes.
Au cours du 4ème jour de grève, les syndicats décident d’arrêter la grève en disant qu’il s’agit d’une vraie victoire puisqu’ils sont arrivés à un accord avec bpost. Mais de quelle victoire s’agit-il vraiment si la situation des travailleurs ne change pas ? En plus, en arrêtant la grève sans retourner à la base pour qu’elle puisse décider de continuer ou pas.
Une semaine ou deux semaines plus tard, dans une assemblée générale des actionnaires de bpost, il a été dit que la société a besoin d'une transformation en profondeur. Qu’est-ce que cela signifie? Que le patronat, les actionnaires, s’en fiche de cet accord. Signé ou pas, ils vont continuer d'appliquer les nouvelles mesures et de défendre les actionnaires, leurs bénéfices et tout ça. C'est ça l'intérêt maintenant : les bénéfices.
Il y aussi un élément qui est sorti et a été discuté pendant la grève, par rapport à la bureaucratie, c'est que bpost a acheté une nouvelle société en France, Staci, qui est spécialiste dans la logistique pour la somme de 1,3 milliard d'euros. En 2016 ou 2017, bpost avait déjà acheté une autre société aux Etats-Unis pour 700 millions d'euros. Il y a donc de l’argent, beaucoup d’argent. 248 millions de bénéfices pour l’année 2023.
Donc pour acheter une société, il y a de l’argent, mais pour augmenter les salaires, non.
Les syndicats ne jouent pas leur rôle. Ils instrumentalisent les travailleurs. En montrant qu’ils les contrôlent, qu’ils contrôlent les actions, ils donnent une garantie de paix sociale au patronat. Et l’objectif est toujours de retourner aux négociations pour avoir des miettes.
Pour répondre à la question pourquoi les syndicats francophones font-ils grève et pas les Flamands? Les Flamands ont accepté la distribution des journaux par AMP, une filiale de bpost. C'est comme de la sous-traitance où les conditions de travail sont misérables. Les Flamands justifient cette mesure de transition pour éviter des licenciements immenses.
Mais les syndicats rouge et vert ont refusé cette option du côté de la Wallonie et de Bruxelles. Mais l’accord qui a été signé concernant le distribution des journaux n’est pas clair, même si les syndicats nous vendent la grève comme une victoire.
En fait, s'il y a un accord avec les éditeurs francophones, les journaux seront toujours distribués par nos facteurs. Mais s'il n'y a pas d'accord avec les éditeurs, alors ce sera un arrêt de la distribution au 1er juillet. Et après? Pour moi, ce n'est pas clair.
Si, à partir du 1er juillet, il n'y a pas d'accord entre les éditeurs et bpost, alors que va-t-il se passer avec les 3 000 ou 4 000 personnes qui travaillent dans ce secteur ? C'est vrai, les syndicats nous disent que la réorganisation est congelée jusqu’à l’année prochaine année, qu’il n'y aura pas de licenciement, mais je ne pense pas puisque le 8 mai dernier, à l’assemblée générale des actionnaires, le CEO a annoncé qu’il y aurait des transformations en profondeurs.
Et maintenant ?
Maintenant, la grande question c’est donc que faut-il faire dans ce contexte, avec des travailleurs qui semblent parfois peu concernés et une bureaucratie qui contrôle la situation, qui gère, on peut dire, la situation. C'est vrai, de temps en temps, il y a des arrêts spontanés des travailleurs, mais jusqu'à maintenant, ca ne va pas plus loin. Et c’est notamment, car les permanents syndicaux, appelé par les délégués, nous dise de reprendre le travail et vont négocier dans les bureaux des chefs.
Je pense qu’il faut tirer les leçons de cette grève et commencer sérieusement à organiser les travailleurs à la base pour des luttes, en exigeant par exemple de assemblées générales où les travailleurs peuvent être informés, peuvent discuter et décider des actions et des grèves. Bref, avoir une pratique syndicale démocratique et combattive. Et aussi il faudra que tous les secteurs, facteurs, colis, chauffeur, lettre, soient unis pour réellement bloquer bpost à 100%. C’est indispensable pour obtenir de réelles victoires.
Pour cela, je pense qu’un début serait de communiquer entre nous sur les différents lieux de travail pour se tenir au courant des actions dans les différents sites. Nous devons trouvez le moyen de nous organiser à a base et avec nos délégués… s’ils le veulent. Mais pour cela, il faut qu’ils commencent par refuser de jouer le rôle de pompier pour la direction de bpost à chaque arrêt de travail ou mouvement de grogne.