La lutte des travailleurs contre l'arrogance d'une multinationale
D'un jour à l'autre, Carrefour Belgium décide de fermer 21 hypermarchés et 7 supermarchés en Belgique. Cela représente plus de 1672 licenciements directs, sans compter les licenciements indirects, chez les sous-traitants et dans certains centres de distribution. De plus, les conditions salariales, les conditions de travail et les avantages acquis des travailleurs qui resteraient dans les magasins laissés ouverts seraient revus à la baisse. On parle de 15 % de diminution salariale.Carrefour, le numéro deux mondial de la distribution, se plaint que sa section belge est en perte, et qu'il faut donc la « restructurer ». Toutefois, Carrefour Belgium a puisé dans sa caisse, le 29 décembre 2009, pour alimenter celle de la multinationale avec un milliard d'euros.[1] Et cette multinationale dispose d'un « Centre de Coordination » en Belgique, un montage financier qui permet d'éluder des impôts en toute « légalité ». Ce Centre a fait 381 millions d'euros de bénéfice en 2008, sur lequel il n'a payé que 33 225 euros d'impôt, soit 0,008 %.
Après l'annonce, on apprend que « il y aurait un repreneur », et que les travailleurs devraient donc être contents. En fait, il s'agit d'une autre chaîne de supermarchés, Champion, dont les magasins en France vont changer de nom, devenant... Carrefour. Et Champion veut bien reprendre les magasins Carrefour en Belgique, mais avec ses propres conditions de travail. Bref, l'essentiel est de faire travailler ses ouvriers et employés pour la même multinationale, avec des conditions de travail revues à la baisse, c'est-à-dire, faire payer la crise par les travailleurs.
La même logique du capitalisme, le « problème » de ne pas gagner assez, mène d'ailleurs Carrefour à ouvrir des supermarchés dans les Balkans, en partenariat avec la société grecque Marinopoulos. Ne disait-on pas que l'économie grecque était en crise ? Effectivement, et c'est de cela que veut profiter Carrefour. Toutefois, elle devra compter avec la résistance du peuple grec, qui a fait deux grèves générales en février.
Les travailleurs de Carrefour Belgium aussi résistent. L'an dernier, la direction avait déjà essayé d'ouvrir un magasin à Bruges dans des conditions qui ne respectaient pas la commission paritaire des travailleurs de Carrefour, avec une attaque sur l’ensemble des conditions de travail et 25 % de diminution salariale à la clé. La lutte solidaire des travailleurs des différents magasins dans tout le pays l'en avait empêchée.
Aux piquets devant les magasins, la grogne contre l'arrogance des « ces français » se manifeste : une caissière nous raconte qu'à Eupen, une région germanophone, le magasin Carrefour ne prend même pas la peine de faire les affichages dans la langue des clients. La syndicaliste est contente que la clientèle soutient leur lutte, car la dégradation des conditions de travail va de paire avec la baisse de qualité du service. Cette lutte fait partie de l'ensemble de la résistance contre le capital qui veut faire payer la crise aux travailleurs.
Le gouvernement, par contre, accepte les décisions de Carrefour et ne parle que de « trouver du travail ailleurs » pour les salariés de Carrefour : ailleurs... dans de pires conditions. Et le plus grave est que la direction des syndicats parle dans le même sens. A cet égard, n'oublions pas que l'un des conseillers de Carrefour en matière de réorganisation et de licenciements collectifs n'est autre que Thierry Nollet, ex-secrétaire fédéral du Setca.[2]
InBev a montré que le combat des travailleurs et l'unité dans la lutte peuvent faire reculer les patrons. La solidarité de tout le personnel, dans l'ensemble des magasins Carrefour, les « non-menacés » avec les « menacés », de même avec les travailleurs des sous-traitants, est absolument nécessaire aujourd'hui car ce sont tous ces travailleurs qui sont dans la ligne de mire de Carrefour. Nous saluons les assemblées du personnel qui se sont tenues sur les sites à l'annonce du plan de licenciement et qui ont appelé à la grève générale. C'est la voie à suivre pour que la lutte aille jusqu'au bout, jusqu'à faire plier les patrons, sans qu'il n'y ait de casse sociale à négocier. Comme à InBev, les organisations syndicales doivent organiser un plan de lutte à la base, en front commun, dans l'unité et la solidarité !