Une victoire pour les prépensions
Le 12 mars dernier, les quelques 500 ouvriers de Techspace Aero (une usine de haute technologie de transport aérien, qui emploie 1400 salariés) décident en Assemblée Générale de partir en grève. Ils savent que l'entreprise a fait 18 millions de bénéfice en 2009 – 50% de plus qu'en 2008 – et que les actionnaires ont reçu 9 millions. Etant donné qu'ils avaient collaboré à ce profit par leur travail, les ouvriers réclamaient aussi leur rétribution, comme l'ont eu les cadres et les employés. Soit dit en passant, ces derniers ont témoigné à leur manière leur solidarité avec cette lutte : lorsque les huissiers, accompagnés de la police, essayèrent d'obliger les ouvriers à laisser la voie d'entrée libre, seuls quelques 200 des 900 cadres et employés ont voulu braver le piquet de grève.
Une autre revendication concernait la prépension, un thème mis d'actualité dans la politique des gouvernements et des patrons européens de « faire travailler les gens plus longtemps ».
Dans le cadre des négociations de la Convention Collective de Travail, la direction voulait augmenter l’âge de la prépension de 58 à 60 ans, ou bien diminuer la contribution patronale à la prépension de ceux qui partent à 58 ans. Cette conquête de la prépension à 58 ans avait déjà été rabotée par le Pacte des générations en 2005, qui exige maintenant 35 ans de carrière au lieu de 25 ans avant. La direction de Techspace voulait revoir ce droit avec l'argument que cela lui coûtait la somme « non disponible » de 100 000 EUR par prépensionné. Face à cela, le mot d'ordre central des ouvriers était :« La prépension à 58 ans - du boulot pour nos jeunes ».
Au moment même ou les huissiers se présentaient au piquet, le ministre « socialiste » des pensions Michel Daerden, suivi du député « socialiste » Yvan Mayeur, déclarait : « Il faudra sans doute revoir le système des prépensions et faire en sorte que les gens aient des carrières plus longues. » (Le Soir, 26/3/2010) Il ne s'agit pas, bien sûr, d'interdire aux patrons de licencier à partir d'un certain âge. Il s'agit plutôt de réduire les dépenses des fonds de pension et de la sécurité sociale en retardant le plus possible le moment où le travailleur cesse de contribuer et commence à recevoir, c’est-à-dire en maintenant le travailleur disponible sur le marché du travail le plus longtemps possible, même si aucun patron ne veut lui offrir un job.
Sur ce point, les travailleurs ont obtenu une grande victoire. Après 17 jours de grève, un combat maintenu en front commun FGTB-CSC et avec Assemblée Générale tous les jours au piquet, un combat qui a gagné la solidarité d'autres usines, ils ont pu briser le tabou, la politique de Daerden, du gouvernement et des partis au pouvoir. C’est un exemple pour toute la classe ouvrière. La prépension à 58 ans est restée inscrite dans la nouvelle Convention Collective de Travail. De plus, ils ont obtenu une stabilité dans l'emploi pour trois ans et l'embauche de 37 jeunes avec CDI dans les trois prochaines années. Et bien sûr, une participation aux bénéfices a été concédée à partir de 2011 pour les ouvriers, comme pour les cadres et les employés.
Place aux jeunes, non au relèvement de l’âge de la prépension ! Comme chez InBev, ceux de Techspace nous prouvent qu’il est possible d’obtenir des victoires dans ce contexte de crise et de pression patronale accrue. Une grève déterminée, la solidarité de classe et l'unité dans la lutte peuvent faire plier les patrons et garantir nos droits !