Des négotiations pour calmer la base...
La longue série de rencontres avec le ministre Magnette n'a apporté aucune avancée mais elle fait bien son affaire. Le ministre prétend qu'il fait le maximum pour écouter les cheminots et déclare bruyamment que toute grève serait inadmissible alors que « des négociations sont en cours ». Mais jour après jour, sur le terrain, le service public se démantèle un petit peu plus.
Le plus scandaleux, c'est ce qui se passe du côté du sommet syndical. Pendant plus de deux mois, pas la moindre ébauche de compte- rendu de discussions n'a été transmise à la base. Pour justifier le report du préavis de grève de 48 h des 29 et 30 octobre, les représentants nationaux de la CGSP déclarèrent que « dans ce climat très tendu », il fallait une fois de plus « évaluer sereinement la situation et reprendre, à court terme... les négociations. » [1] C'est dans la presse que le tout nouveau Secrétaire Général néerlandophone, Jean-Pierre Goossens, joue cartes sur table : « En fait, le préavis sert principalement pour calmer la base. » Et au nom de son collègue, il ajoute : « Mon homologue wallon, Michel Abdissi, a expédié vendredi le préavis [de grève pour le 29-30/10] pour empêcher les actes sauvages, spontanés, afin de désamorcer les tensions de la base. »[2]
Alors que les cheminots avaient entamé un véritable bras de fer et imposé la grève du 3 octobre en front commun, cette force du mouvement a progressivement été canalisée dans ce processus de « négociations » volontairement floues et sans fin… « pour calmer la base » !
La base doit construire le rapport de force
Il y a urgence ! Cette expérience nous montre qu'il faut (re)construire un rapport de force pour contraindre le ministre et le gouvernement à revoir leur copie. Des propositions d'actions ont été faites, comme le blocage d'un nœud économique qui ferait mal : le port d'Anvers. Pour contrer le discours selon lequel les cheminots prendraient les voyageurs en otage (alors que c'est le ministre qui veut détruire le chemin de fer), il faut réactiver les liens entre les syndicats et les usagers. Une bonne proposition de la base était d'organiser un grand débat public sur l'avenir du rail et l'intérêt d'une société intégrée, dans le hall d'une gare, précédé d'une campagne d'invitation massive. Une large diffusion de la pétition « pour une société ferroviaire intégrée et publique » serait aussi bénéfique.
Ces propositions d'actions doivent être discutées dans les assemblées syndicales. Et pour arracher des victoires dans cette lutte en défense du service public, il est fondamental que la base parvienne à exiger des négociateurs plus de transparence, ce qui passe notamment par des rapports écrits, un minimum pour tout responsable syndical ! Dans le cas contraire, la base doit révoquer ces représentants, comme cela se doit dans toute organisation syndicale qui se respecte…
D'une lutte d'entreprise à une grève européenne
C'est une excellente nouvelle que la CGSP-Cheminots se mette en grève générale lors de la journée d'action européenne du 14 novembre. La Fédération CGT des Cheminots (France) a elle aussi déposé un préavis de grève pour cette date, revendiquant notamment « un système ferroviaire réunifié, désendetté, s'appuyant sur une entreprise publique SNCF intégrée améliorant sa production en décloisonnant les activités. » La lutte contre la scission de la SNCB et pour la défense du service public est un combat fondamentalement européen, qui s'inscrit pleinement dans la lutte contre les mesures d'austérité imposées par les gouvernements de l'Union européenne. A l'heure où la privatisation du rail s'opère selon le bon vouloir de la Troïka à l'échelle du continent, une réponse de la classe ouvrière, coordonnée à l'échelle internationale, est plus que jamais nécessaire.
Chez nous, la grève du 14 novembre n'est pas seulement une grève contre le ministre Magnette, c'est une grève contre l'ensemble du gouvernement Di Rupo, qui concocte à cet instant même de nouvelles coupes dans les dépenses sociales pour 2013, qui n'épargneront pas la SNCB...
Cette journée d'actions est pour la base l'occasion de prendre les devants et de rompre les cloisonnements qui nous étouffent à l'intérieur des structures syndicales, et ainsi de reconstituer les liens de solidarité et l'unité indispensable dans la lutte entre les différents secteurs. Loin d'affaiblir la lutte menée à l'échelle d'une entreprise, ces actions unitaires se renforcent mutuellement !
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1 Communiqué de presse CGSP-ACOD, 24/10/12
2 Nieuwsblad, 23/10/2012