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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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11 juin 2017

Un « service minimum » qui divise et muselle les cheminots

Le 12 mai dernier, le Conseil des ministres a approuvé l'avant-projet de Loi sur le service minimum pour le chemin de fer en cas de grève. Le ministre de la Mobilité, François Bellot, argumente que peu de cheminots suivent les grèves déclarées par les syndicats et qu'il faut respecter le « droit de travailler » de ceux qui le veulent. Pour nous, l’intention inavouée est double. Le but du gouvernement est premièrement de limiter l’impact des grèves sur l'économie en visant la continuité du transport de marchandises et de main-d’œuvre, et d'autre part de casser la force de l’action collective des cheminots afin de faire passer d’autres réformes anti-sociales à l'avenir.

Nous pensons à la réforme des pensions, à la libéralisation du transport national de voyageurs, à la suppression d’accompagnateurs dans les trains, et bien d'autres... Nous devons comprendre la force des cheminots dans le cadre plus large de la lutte contre la privatisation des services publics, et se souvenir aussi que les cheminots ont été à de nombreuses reprises à la tête du mouvement ouvrier interprofessionnel. Il est clair que le gouvernement entend profiter du calme des mois d’été pour faire voter cette Loi sans faire trop de remous.

Voici ce que le gouvernement veut nous imposer.

En plus du préavis de grève de 8 jours ouvrables avant la début de la grève, qui ouvre une période de concertation avec les organisations syndicales, la nouveauté est que les cheminots « essentiels » à la circulation des trains devraient déclarer individuellement et définitivement 4 jours à l’avance à leur hiérarchie s’ils participeront ou non à la grève, tandis qu’aujourd’hui il est possible de le faire encore 24 heures après la grève. Et un jour avant la grève, la direction de la SNCB/Infrabel informerait publiquement les voyageurs des trains qui rouleront, ou non : le « service minimum ».
   Ce service réduit organisé un jour de grève, avec ses trains bondés et ses cheminots mis sous pression pour réaliser des prestations inhabituelles ou trop longues, augmente encore plus que d’habitude les risques de perturbations et d’accidents. La CGSP Cheminots a révélé l’exemple vécu de doubles prestations en cabine de signalisation imposées lors d'une grève. C'est un mauvais cadeau pour les usagers, à qui nous disons que les cheminots ne font pas grève par plaisir, mais pour défendre le service public et de bonnes conditions de transport pour tous. Et surtout, cette nouvelle procédure divise les cheminots entre ceux qui font partie de cette catégorie d'« essentiels » et les autres, elle augmente la pression sur les premiers, elle réduit la période de mobilisation et tend à présenter la grève encore plus comme un acte individuel.

La grève est par définition une action collective des travailleurs.

Comme disait Lénine, « les ouvriers se sentent partout impuissants quand ils agissent isolément, et ils ne peuvent résister au patronat qu’en agissant tous ensemble, soit en faisant grève, soit en agitant la menace ». [1] Nous soutenons qu’une grève devrait être précédée d'assemblées du personnel, à la base, pour décider à la majorité, et que tous devraient respecter la décision. Nous constatons et regrettons en effet que le mouvement de lutte syndical est trop souvent cloisonné et limité aux instances officielles, trop loin de la réalité vivante des travailleurs sur le terrain. Dans ce sens, nous sommes en principe contre une déclaration individuelle à la hiérarchie, de la participation à la grève ou non : le préavis de grève devrait être suffisant pour justifier toute absence de son poste de travail ce(s) jour(s) là. De plus, nous rejetons tout encadrement du droit de grève, toute convention pour la « paix sociale », qui revient à accepter de fait des limitations au droit de grève. Nous insistons sur le fait que les travailleurs ne font pas grève par plaisir, que cela représente une perte de salaire, et qu'elle est toujours envisagée après qu'ils aient utilisé le dialogue avec leur patron… mais ne se sentent plus entendus ni respectés. Est-ce les grèves qui sont « sauvages », ou les conditions de travail de plus en plus invivables et insensées imposées par le patronat et son gouvernement ?

Quant au service minimum...

Nous comprenons que, pour des services d’urgence et de soins aux personnes, une continuité du service soit nécessaire et fasse partie de la déontologie du métier. Mais cela ne nous paraît pas être le cas pour le transport public. Et surtout, la mise en œuvre d'un « service minimum » un jour de grève ne devrait pas être imposée par le gouvernement, mais décidée et organisée dans les assemblées du personnel si elles le jugent nécessaire. Nous avons pu constater sur des piquets de grève de cheminots, que ces derniers étaient tout à fait disposés à proposer du co-voiturage à des usagers pris au dépourvu, et des délégués syndicaux ont été jusqu'à créer une page facebook pour ce faire. L'objectif des grévistes n'est pas d'embêter les voyageurs, bien au contraire, mais le gouvernement préfère cette version pour éviter de parler du fond des problèmes : le fait est que le gouvernement prend en otage les services publics. C'est le gouvernement qui, par exemple, veut priver les voyageurs du service minimum d'avoir un accompagnateur dans chaque train, et cela au quotidien.
   Ce projet de Loi sur le service minimum est voté tout juste un an après l'expérience de la grève spontanée qui commença dans les ateliers SNCB et qui dura 10 jours, sur base des assemblées qui se déroulaient sur les piquets de grève, particulièrement au Sud, mais aussi au Nord du pays. Par sa spontanéité, cette grève faisait fi justement de toutes conventions encadrant la « paix sociale ». Bien que l'issue de la grève n'ait pas été une grande victoire, nous estimions que sa spontanéité, sa durée et son organisation ont été historiques ; et que cette expérience est pleine d'enseignements pour l'avenir. Nous profitons de l'occasion pour diffuser et ré-ouvrir le débat sur le bilan que nous en faisions à l'époque. [2]
   La centrale des services publics du syndicat socialiste au niveau fédéral (CGSP) vient de déposer un préavis de grève d'une « durée indéterminée » à partir du 16 juin « afin d’être d’ores et déjà prêt pour les autres dossiers pensions à venir ». Le préavis ne mentionne malheureusement pas la question du service minimum en cours, et ne couvre dès lors pas d'actions contre ce projet ! Nous appelons tous les cheminots et tous les travailleurs des secteurs publics à informer leurs collègues sur le projet de Loi du ministre Bellot, à rester mobilisé et à mettre la pression dans leur lieu de travail et dans leurs instances syndicales pour que le préavis déposé ne reste pas une simple formalité, mais puisse déboucher sur une réelle dynamique à la base, pour que l’on puisse mettre au moins des bâtons dans les roues des plans antisociaux du gouvernement.
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[1] V.I. Lénine,A propos des grèves, 1899
[2] Voir notre tract du 10.10.2016