En ce moment, dans le contexte de la persistance de la pandémie de Covid-19, une profonde contradiction se manifeste dans le monde. D’une part, la moitié de la population mondiale n’a pas été vaccinée et les chiffres les plus élevés se trouvent dans les pays les plus pauvres, d’où proviennent les nouvelles souches qui se propagent ensuite au reste du monde[1]. En revanche, dans les pays où il y a un surplus de vaccins, il existe des mouvements très actifs contre la vaccination obligatoire, notamment aux États-Unis et en Europe, qui vont jusqu’à mettre en œuvre des mobilisations dont certaines sont réprimées par les gouvernements. Quelle est l’origine de ces mouvements ? Comment agir face à eux et face à la répression ?
Le débat est devenu plus aigu, d’une part, depuis que la forte vague actuelle générée par le variant Omicron a également infecté des personnes entièrement vaccinées ; d’autre part, en raison des répercussions du cas récent du célèbre joueur de tennis serbe Novak Djokovic qui refuse publiquement de se faire vacciner et a donc été empêché de participer à l’Open d’Australie, puis expulsé du pays après une décision des tribunaux australiens[2].
Les négationnistes de droite
Qu’est-ce qui conduit ces personnes issues de différentes classes sociales à prendre cette position, plus de 200 ans après l’émergence du concept scientifique moderne de vaccin et de son incorporation dans la lutte contre diverses maladies ? Notre analyse est que des raisonnements et des approches différents convergent et se retrouvent dans une attitude similaire. Examinons-en quelques-uns.
Il y a tout d’abord un secteur qui a toujours nié l’existence de la pandémie, les négationnistes. Dans un cadre plus général, il considère la science comme une conspiration de groupes secrets visant à dominer le monde. Un exemple extrême de ce secteur est l’organisation Q-Anon qui est devenue célèbre lors de l’assaut au Congrès étasunien à la fin de 2020.
Pour ce secteur, la pandémie de Covid-19 a été une grande invention médiatique pour avancer vers cet objectif. Par exemple, en mai 2020, le « philosophe » brésilien d’extrême droite Olavo de Carvalho (idéologue du gouvernement de Jair Bolsonaro), récemment décédé (atteint peut-être du coronavirus), a déclaré que « la peur d’un virus prétendument mortel n’est rien d’autre qu’une histoire d’horreur pour amener la population à accepter l’esclavage comme un cadeau du Père Noël »[3].
Une variante de ce négationnisme anti-scientifique fait appel à des approches religieuses. Par exemple, toute une série d’églises évangéliques néo-pentecôtistes, avec une forte présence aux États-Unis et au Brésil. Citons le pasteur étasunien Ralph Drollinger (très proche de Donald Trump), qui a déclaré en 2020 que « Dieu a envoyé le virus à l’humanité parce qu’il est en colère contre l’homosexualité et le péché ». Au Brésil, le pasteur Silas Malafaia (très proche de Bolsonaro) a exprimé des vues similaires. La conclusion est que les gens ne devraient pas se faire vacciner et devraient « accepter le châtiment divin »[4].
Il est évident qu’aucun débat sérieux n’est possible avec les promoteurs de ces approches, car leurs arguments sont totalement réactionnaires et rétrogrades. Nous devons toutefois être conscients que, dans cette question comme dans d’autres, il existe des secteurs de la classe ouvrière et du peuple qui suivent leur orientation (par exemple dans les congrégations néo-pentecôtistes) ; et là, il est nécessaire d’« expliquer patiemment », afin de combattre cette influence négative.
Le « droit démocratique » de ne pas se faire vacciner ?
D’autres ne nient pas l’existence de la pandémie et soutiennent même une campagne de vaccination gratuite de masses par l’État. Mais ils sont contre la vaccination obligatoire et affirment que le refus de se faire vacciner est un droit individuel. Par exemple, aux États-Unis, dans la semaine de l’anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King, des centaines de personnes ont défilé à Washington vers le site où le leader Noir des droits civiques a prononcé son célèbre discours « I Have a Dream », avec le slogan que le refusde se faire vacciner était un droit de « liberté médicale »[5].
Pour engager le dialogue avec cet argument, il est nécessaire d’aborder un point très profond : la vaccination obligatoire relève du domaine de la santé publique, c’est-à-dire des intérêts et des besoins de la collectivité sociale. Ces besoins sont supérieurs à la liberté de choix individuelle et l’emportent sur elle s’ils la contredisent. Car si un travailleur refuse de se faire vacciner, il s’agit d’une décision qui ne concerne pas seulement lui-même, mais aussi ses collègues, ceux qui partagent les transports publics avec lui, sa famille, ses amis et ses voisins, étant donné qu’il est une source potentielle de transmission et de contagion.
L’argument du « droit individuel » appliqué à la vaccination contre le Covid-19 est très similaire à celui utilisé par le président réactionnaire et négationniste du Brésil, Jair Bolsonaro : « Personne ne peut forcer qui que ce soit à se faire vacciner… Si quelqu’un refuse le traitement, c’est son problème. »[6]
Derrière ces positions se cache le problème de fond : le véritable droit, qui est loin d’être garanti pour tous les travailleurs et les peuples du monde, c’est l’accès à la vaccination complète, à toutes les mesures préventives, à la priorité de la santé sur les profits des capitalistes, à une santé publique de qualité ; c’est le droit de ne pas être victimes d’un véritable génocide capitaliste avec des millions de morts à travers le monde, un génocide en cours.
La méfiance à l’égard du capitalisme
Certains secteurs de la classe ouvrière et du peuple expriment une méfiance très justifiée (et même une haine) à l’égard du capitalisme, mais cela les amène à ne voir qu’une partie de la réalité. Il est absolument vrai que les gouvernements et les capitalistes ont utilisé la nécessité de combattre la pandémie pour faire avancer les mesures répressives et le contrôle policier de la société. Il est également vrai que les grands conglomérats pharmaceutiques et médicaux ont fait fortune avec les vaccins et la vente des moyens techniques nécessaires pour traiter les personnes infectées ; et que ces vaccins et médicaments contre le Covid-19 sont encore en phase de perfectionnement. Enfin, il est également vrai que la bourgeoisie a utilisé l’excuse de la pandémie pour décharger le coût de la crise économique sur le dos des travailleurs ; qui plus est, pour attaquer les salaires et les droits du travail.
Certains courants de gauche ont procédé à partir de ces éléments à une analyse politique globale de la réalité mondiale. Dès le début de la pandémie, ils affirment que l’ampleur de la pandémie de coronavirus et son impact ont été intentionnellement exagérés et « gonflés » par les médias au service de ce qu’ils ont caractérisé comme « la contre-révolution covid », lancée sur tous les fronts par le capitalisme impérialiste, les bourgeoisies nationales et leurs gouvernements[7]. A partir de là, les organisations, comme la LIT-QI, qui considèrent que la pandémie signifie un problème très grave pour l’humanité et la classe ouvrière et qui soulèvent un programme de lutte contre le capitalisme en prenant la lutte pour un véritable combat contre le fléau comme un des axes de cette lutte, sont considérées comme des capitulards (ou des complices) face à cette offensive contre-révolutionnaire.
Les processus que nous avons énoncés jusqu’à présent sont entièrement vrais. Mais ils ne nient pas l’existence de la pandémie comme un fait objectif, ni l’impact profondément négatif qu’elle a eu sur la santé et le niveau de vie des travailleurs et de la population, ce qui aggrave à l’extrême leur quotidien déjà difficile. C’est pourquoi il est essentiel de combattre la pandémie. Il s’agit de progresser sérieusement dans cette lutte, par une vaccination massive et gratuite, la reconstruction et le renforcement des systèmes de santé publique détériorés, et d’autres mesures que nous avons proposées dans de nombreux articles. Pour nous, la lutte contre la pandémie doit s’inscrire dans le cadre d’une lutte contre le capitalisme qui l’a générée et l’a laissée se développer, et qui utilise aujourd’hui de manière réactionnaire la nécessité de la vaccination ou de mesures sociales et de restrictions.
Ceux qui nient la pandémie semblent se placer en marge des souffrances qu’elle cause à notre classe. En même temps, ils nient le fait que le capitalisme et ses gouvernements ont commencé à promouvoir (déjà depuis juin 2020) la politique criminelle de la « nouvelle normalité » et sèment maintenant l’illusion que la pandémie sera bientôt terminée, se transformant en « une petite grippe ». Le gouvernement du Danemark, un petit pays impérialiste européen, a déjà « décrété » qu’à partir de cette semaine est établie « la fin de la situation de pandémie dans le pays »[8]. C’est-à-dire que nous marchons dans la dynamique de gouvernements qui suppriment toutes les restrictions, au service de la « normalisation » des niveaux habituels d’exploitation et de profit[9]. Pourquoi les capitalistes sont-ils si pressés de déclarer « la fin de la pandémie » si le fait de l’avoir exagérée (ou inventée) leur a donné tant d’avantages ?
Dans le même temps, la bourgeoisie et ses gouvernements exploitent l’existence de ce secteur anti-vaccin, minoritaire mais puissant, notamment dans les pays impérialistes, à des fins politiques réactionnaires. D’une part, ce secteur leur sert à masquer les deux facteurs centraux de la persistance de la pandémie (l’inégalité de la vaccination dans le monde, qui conduit à l’émergence de nouvelles souches, et la politique criminelle de la nouvelle normalité) et à faire porter la charge de la responsabilité sur les mouvements anti-vaccins. Par exemple, le président étasunien Joe Biden a lancé en décembre dernier certaines mesures pour lutter contre cette nouvelle vague et a souligné dans la présentation la responsabilité des « non-vaccinés » et des mouvements anti-vaccin[10]. D’autre part, ils utilisent l’existence de ce secteur pour justifier les mesures répressives et le contrôle policier de la société et, plus profondément, pour attaquer l’unité et les acquis des travailleurs, comme le gouvernement Macron en France a tenté de faire l’année dernière.
Nous avons vu que le mouvement anti-vaccin est toujours fort dans plusieurs pays « riches ». Dans certains d’entre eux, comme l’Allemagne, il est la cause du fait que le taux de vaccination stagne un peu en dessous de 70% depuis plusieurs mois[11]. Dans ce cadre général, il est intéressant d’examiner certaines questions spécifiques. Certains militants anti-vaccin qui ont été infectés par le Covid ont déclaré qu’ils regrettent cette position. C’est le cas de Lorenzo Damiani, l’un des leaders du mouvement No-Vax en Italie. Depuis l’hôpital où il a été soigné, il a déclaré : « Il est clair que ma vision a changé. Je suis prêt à dire au monde combien il est important de suivre collectivement la science, celle qui vous guérit et vous sauve. »[12] D’autres ont adopté une attitude qui s’est avérée suicidaire. C’est le cas de la chanteuse tchèque Hana Horká, qui s’est laissée infecter volontairement (pour générer des anticorps sans être vaccinée) et a fini par mourir chez elle[13].
Les vaccins : un outil de la science contre les maladies
La majorité, cependant, reste sur ses positions. Ils ont maintenant intégré l’argument que, étant donné que des personnes vaccinées ont également été infectées par la souche Omicron, les vaccins sont inutiles, car ils « n’immunisent pas ». Cela nous oblige à nous attarder un peu sur ce que sont les vaccins et pourquoi ils représentent un outil indispensable contre certaines maladies (celles d’origine bactérienne ou virale).
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « un vaccin est toute préparation destinée à générer une immunité contre une maladie en stimulant la production d’anticorps ». Il existe différentes procédures pour produire des vaccins et la méthode la plus courante d’administration des vaccins est l’injection, bien que certains soient administrés par spray nasal ou par voie orale[14].
L’ère des vaccins modernes a été lancée par le médecin britannique Edward Jenner en 1796, lorsqu’il a inoculé du liquide provenant de pustules de variole bovine à des personnes et a constaté qu’elles n’étaient pas infectées et ne présentaient aucun symptôme du virus extrêmement dangereux de la variole humaine, un virus qui a provoqué de nombreuses épidémies mortelles au cours de l’histoire. Quelques décennies plus tard, le médecin et biologiste français Louis Pasteur a mis au point une deuxième génération de vaccins (notamment contre le choléra et la rage) et a introduit le terme « vaccin » en l’honneur des expériences de Jenner (avec des vaches).
Depuis lors, de nombreux vaccins (contre des maladies « anciennes » ou « nouvelles ») ont été mis au point pour prévenir des dizaines d’infections différentes. Par exemple, en 1980, la contagion de la variole par des causes naturelles a été déclarée éteinte ; on estime que l’immunité contre la rougeole a sauvé 23 millions de vies entre 2000 et 2018, en particulier des enfants. La poliomyélite (ou paralysie infantile) en est également un exemple, avec des épidémies aiguës aux 19e et 20e siècles qui ont laissé de graves séquelles chez les enfants qui l’ont contractée. Grâce aux campagnes menées avec le vaccin développé par le virologue polonais Albert Sabin, l’impact de la maladie a d’abord été réduit, et elle a été considérée comme éradiquée en 2019. Un vaccin contre le virus VIH (le sida) est attendu depuis des décennies, et en 2021, il est entré dans sa phase d’essais réduits sur l’homme[15].
Examinons maintenant l’argument selon lequel les vaccins Covid-19 actuels seraint inutiles parce qu’ils « n’immunisent pas ». Tout d’abord, il est nécessaire de comprendre que le développement complet d’un vaccin, depuis sa conception en laboratoire jusqu’à ce qu’il soit considéré comme efficace et sûr pour une application de masses, a toujours été considéré comme prenant pas moins de 10 ans[16]. Même lorsqu’un vaccin a déjà été homologué, il peut être perfectionné ou surpassé par un autre. Par exemple, avant le vaccin développé par Sabin, le vaccin Salk était utilisé, avec de bons résultats mais une efficacité moindre.
Les vaccins anti-Covid-19 ont été développés dans un délai beaucoup plus court : moins d’un an. Cela signifie qu’on a comprimé et chevauché les étapes et qu’une grande partie des tests de leurs niveaux d’efficacité ont été effectués après l’homologation[17].
Il est clair que l’homologation rapide et l’application massive des vaccins étaient souhaitées par une grande majorité des travailleurs et du peuple. Mais cette « ruée » vers le développement de ces vaccins était, en réalité, le résultat d’un retard de plusieurs années, dont le capitalisme a la responsabilité. Car un vaccin contre le Covid aurait déjà pu exister depuis des années, étant donné qu’en 2002-2003, une forte épidémie, concentrée sur l’Asie, a été générée par un virus similaire. Mais les grands conglomérats pharmaceutiques privés ne l’ont pas développé parce que, à l’époque, cela ne représentait pas un profit important pour eux, alors que de nombreux spécialistes mettaient en garde contre le risque d’une pandémie globale.
Une évaluation objective des résultats de la vaccination
D’autre part, la « course aux vaccins » s’est déroulée sans plan de développement coopératif et centralisé à l’échelle internationale, mais dans le cadre d’une concurrence féroce entre les grands laboratoires privés et la sauvegarde de leurs profits grâce aux « droits de brevet ». Le prix élevé des vaccins a entraîné une profonde inégalité des niveaux de vaccination dans le monde. Dans plusieurs pays où le taux de vaccination était très faible, de nouvelles souches sont apparues et se sont répandues dans le monde, ce qui, associé à la politique de la « nouvelle normalité », a généré des vagues récurrentes et, dans le même temps, a montré des faiblesses de vaccins existants.
Dans cette optique, et à la lumière de ce débat, il est nécessaire de faire une évaluation objective des résultats de la vaccination dans la lutte contre le Covid-19. Une évaluation qui ne peut être faite sur la base de considérations partielles, mais sur la base des « grands chiffres » et d’une analyse approfondie des données. Elle indique, tout d’abord, que les nouveaux variants sont originaires de pays où les taux de vaccination sont faibles, les systèmes de santé publique peu développés et les conditions sanitaires précaires pour de larges pans de la population (Delta en Inde, Omicron en Afrique du Sud).
Deuxièmement, les personnes entièrement vaccinées, même si elles étaient infectées, avaient tendance à être asymptomatiques ou à développer des symptômes légers, alors que les personnes non vaccinées couraient un risque beaucoup plus élevé. Cela s’est déjà manifesté lors de la vague de Delta aux États-Unis l’année dernière. Selon un article du New York Times, « un grand nombre des patients atteints de la maladie Covid-19 qui arrivent actuellement à l’hôpital ne sont pas seulement non vaccinés, mais ont bien moins de 50 ans, ce qui constitue une différence frappante par rapport aux patients plus âgés et plus fragiles qui ont été infectés lorsque la pandémie a fait son apparition l’année dernière. Les médecins disent que les patients non vaccinés âgés de 20 à 30 ans sont plus malades et le sont plus rapidement. »[18] Actuellement, cela se manifeste à nouveau dans cette très forte vague Omicron. En Argentine, par exemple, la sous-secrétaire à la Santé de la province de Buenos Aires, Alexia Navarro, s’appuyant sur des études de cas menées sur ce territoire, a déclaré que « les personnes qui n’ont pas été vaccinées ont 36 fois plus de risques d’être en soins intensifs »[19].
Une dernière discussion concernant la science
Nous aimerions terminer cette partie de l’article par une réflexion. Pour les marxistes, le développement de la science, ses avancées et ses découvertes représentent un processus progressiste car leur application peut contribuer à satisfaire des besoins et à améliorer la vie de l’humanité. Nos maîtres à penser (Marx, Engels, Lénine et Trotsky) ont toujours étudié et revendiqué les avancées scientifiques de leur temps et ont ainsi enrichi le marxisme. Ce n’est pas par hasard que, depuis Marx, nous nous réclamons du « socialisme scientifique ».
Dans ce contexte, le capitalisme, surtout dans son époque impérialiste, emprisonne et déforme le développement scientifique et le conditionne à son désir d’augmenter ses profits. Car le progrès scientifique cesse d’être un patrimoine au service de la satisfaction des besoins de l’humanité et devient exclusivement une marchandise dont on peut tirer profit. C’est pourquoi le capitalisme n’a pas fait pression pour le développement d’un vaccin contre le coronavirus en 2002-2003, et lorsqu’il l’a fait, en 2020, il en a fait un gros business pour les conglomérats pharmaceutiques. Il y a de nombreux autres exemples dans divers domaines d’application, comme celui de la télématique.
En d’autres termes, la science est un outil qui peut être utilisé de diverses manières, qui finissent souvent par être nuisibles et destructives pour l’humanité dans le capitalisme impérialiste. Les secteurs anti-vaccin « de gauche » tombent dans une grave erreur d’approche : ils concentrent la lutte contre le capitalisme sur une lutte contre l’outil valable (le vaccin) et non contre l’utilisation que le système capitaliste en fait. Ils se retrouvent dans une position rétrograde et anti-scientifique et, par conséquent, étrangère au marxisme. Remontant dans l’histoire, ils nous rappellent les Luddites, l’un des premiers mouvements d’un secteur de la classe ouvrière (les artisans) qui, au début du 19e siècle en Angleterre, poussaient à la destruction des métiers à tisser industriels des nouvelles usines qui commençaient à se répandre.
Obligation, « pass sanitaire » et mobilisations anti-vaccin
Dans de nombreux articles, nous avons affirmé que le capitalisme impérialiste, les bourgeoisies nationales et leurs gouvernements sont responsables de l’émergence, de l’expansion et de la persistance de la pandémie. Nous avons défendu la nécessité d’une vaccination massive, gratuite et obligatoire et, sur cette base, la rupture des droits de brevet, ainsi que le renforcement des systèmes de santé publique, comme des mesures très importantes (pas les seules) pour une véritable lutte contre ce fléau. Tout d’abord, l’« obligation », nous l’exigeons pour les gouvernements capitalistes qui ne la respectent pas, c’est-à-dire qui ne garantissent pas l’accès de l’ensemble de la population mondiale au calendrier de vaccination et de rappels. En même temps, comme nous l’avons déjà dit, nous sommes pour la vaccination obligatoire, rejetant les faux arguments des libertés individuelles primant sur l’ensemble. Plus récemment, nous avons dénoncé et appelé à combattre la politique et les mesures présentées comme « la fin de la pandémie »[20]. Dans ce cadre, nous considérons que les mouvements anti-vaccin, pris dans leur ensemble, sont négatifs, car ils vont à l’encontre d’un besoin impératif des travailleurs et des peuples du monde, notamment dans les pays les plus pauvres.
Dans ce contexte, s’il y avait vraiment une lutte mondiale contre la pandémie, nous serions en faveur de contrôles sanitaires, qui ne devraient pas seulement inclure la vaccination, mais aussi un ensemble de mesures sanitaires que les gouvernements devraient garantir gratuitement, comme des tests massifs et permanents. D’autre part, dans plusieurs pays, il existe déjà des dispositifs qui peuvent être considérés comme équivalents. Par exemple, en Argentine et au Brésil, la vaccination contre certaines maladies (notamment les maladies dites infantiles) est obligatoire et doit être garantie gratuitement par l’État, et les enfants ne peuvent être inscrits à l’école si leur famille ne présente pas le certificat de vaccination. Il est également obligatoire de recevoir une vaccination contre le tétanos lorsque vous êtes traité dans un centre médical pour un accident ou des blessures par coupure.
Mais d’une part, ce « pass sanitaire » que divers gouvernements bourgeois commencent à mettre en œuvre est profondément hypocrite puisqu’on l’applique dans les manifestations sportives, les lieux de loisirs ou les voyages de longue distance, alors qu’en même temps on encourage le déroulement « normal » des rassemblements sur les lieux de travail, on accepte que les travailleurs voyagent dans les transports publics bondés et retournent au travail sans preuve médicale, après avoir été infectés ou avec la possibilité de l’être. En d’autres termes, il s’agit d’un « pass » qui, en tant que mesure isolée, n’offre pas de garantie contre la propagation de la pandémie. (En Italie, par exemple, le « pass de base » n’exige même pas le vaccin, mais seulement des tests ; en Argentine, en réalité, il n’est exigé nulle part, etc.). Le pass est utilisé pour cacher le manque de mise en œuvre de mesures globales, et pour attribuer la responsabilité de l’avenir de la pandémie à l’ensemble des travailleurs et du peuple, en cachant les véritables coupables. D’autre part, le pass est utilisé de manière réactionnaire pour diviser la classe ouvrière et attaquer ses acquis.
Dans ce contexte, il faut analyser les mobilisations (certaines d’une certaine importance) qui ont eu lieu dans plusieurs pays européens contre le « pass sanitaire » et le critère de la vaccination obligatoire. Plusieurs d’entre elles ont été réprimées par les gouvernements[21]. Face à ces mobilisations, la question se pose de savoir ce qu’elles sont. S’agit-il de mobilisations de secteurs rétrogrades et réactionnaires et donc à répudier ? Ou, au contraire, s’agit-il de mobilisations qui expriment la juste lassitude de certains secteurs de la classe ouvrière et du peuple à l’égard du capitalisme et de ses gouvernements et qui, dans ce cadre, expriment la confusion à propos de la pandémie et de la vaccination à laquelle nous avons fait référence ? Dans l’ensemble, ces mobilisations ont un caractère réactionnaire, capitalisé par des secteurs de droite, ce pourquoi nous les rejetons. Ce qui n’empêche pas que, dans certains cas, les deux types d’action se déroulent simultanément, parfois même en combinant leurs caractéristiques dans une même mobilisation.
En Belgique, des manifestations ont été convoquées par l’extrême droite. C’est pourquoi l’organisation de la LIT-QI de ce pays n’a pas appelé à y participer. Les mobilisations en Hollande et au Danemark auraient un caractère similaire. Au contraire, les camarades sympathisants de la LIT-QI en France ont considéré que le processus qui s’est déroulé dans ce pays en juillet et août 2021 rappelait celui des « gilets jaunes » en janvier 2019, en raison de sa composition sociale, de sa localisation géographique et de la colère croissante contre le gouvernement Macron[22]. En Italie, il y a eu des mobilisations de nature contradictoire. Plusieurs d’entre elles ont été directement organisées par les fascistes de Forza Nuova, avec des slogans de ce secteur. L’une d’entre elles s’est terminée par une attaque contre la Centrale syndicale de la CGIL. Il est évident que des mobilisations de ce type ne peuvent être ni soutenues ni « disputées » et doivent être répudiées. D’autres manifestations contre le pass sanitaire avaient un contenu différent, comme celle des dockers de Livourne et certaines grèves spécifiques contre les tentatives de diviser les travailleurs. Dans ce dernier cas, nous avons l’obligation d’intervenir et de les soutenir.
Il est important de comprendre que l’extrême droite la plus réactionnaire parvient à s’implanter dans des secteurs de la classe ouvrière et du peuple, dans la mesure où la majorité de la gauche n’intervient pas dans la réalité de la pandémie avec une politique révolutionnaire de lutte contre celle-ci, dans le cadre d’une lutte contre le capitalisme et ses gouvernements dans tous ses aspects. C’est une tâche urgente que nous devons assumer en tant que révolutionnaires, afin de trouver une issue à la crise de la pandémie capitaliste.
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[1] https://litci.org/es/omicron-oleada-final-o-pandemia-eterna/
[2] https://www.dw.com/es/novak-djokovic-llega-a-belgrado-tras-ser-expulsado-de-australia/a-60448427
[3] https://www.bbc.com/portuguese/brasil-60124170 (original en portugués, traducción nuestra)
[4] https://www.dw.com/es/evang%C3%A9licos-en-la-pandemia-del-coronavirus-prefieren-su-religi%C3%B3n-a-la-vacunaci%C3%B3n/a-57279612
[5] https://www.abc.com.py/internacionales/2022/01/23/los-antivacunas-de-eeuu-emulan-a-luther-king-para-reclamar-libertad-medica/
[6] https://br.investing.com/news/stock-market-news/bolsonaro-diz-que-ninguem-pode-obrigar-vacinacao-e-chama-de-imbecil-quem-o-considera-mau-exemplo-814278.
[7] Voir, par exemple, https://www.thecommunists.net/home/espa%C3%B1ol/la-contrarrevoluci%C3%B3n-del-covid-19-qu%C3%A9-es-y-c%C3%B3mo-combatirla/
[8] https://www.clarin.com/internacional/covid-pais-elimina-todas-restricciones-convierte-primero-decretar-fin-pandemia_0_yulanTaMyo.html
[9] Voir l’article de la note [1]
[10] https://www.vozdeamerica.com/a/biden-anunciara-nuevas-medidas-para-combatir-la-pandemia/6363333.html
[11] https://www.dw.com/es/covid-19-en-alemania-incidencia-r%C3%A9cord-y-vacunaci%C3%B3n-estancada/a-59763271
[12] https://www.elperiodico.com/es/internacional/20211201/lider-antivacunas-italia-arrepentido-ingresado-12930104
[13] https://cnnespanol.cnn.com/2022/01/20/hana-horka-cantante-antivacunas-muerte-covid-trax/
[14] https://www.iberdrola.com/compromiso-social/historia-de-las-vacunas
[15] https://www.huesped.org.ar/noticias/vacuna-contra-covid-personas-con-vih/?gclid=Cj0KCQiAosmPBhCPARIsAHOen-MZCILbptrRInHi_GDqEybXIAZz-7VHjc3xjsiOKjnuh86axboYLjoaAr8yEALw_wcB
[16] https://www.historyofvaccines.org/es/contenido/articulos/desarrollo-pruebas-y-reglamentos-para-las-vacunas
[17] https://litci.org/es/la-carrera-por-la-vacuna-contra-el-covid-19/ y https://litci.org/es/la-carrera-por-la-vacuna-contra-el-covid-19-ii/
[18] https://www.nytimes.com/es/2021/08/04/espanol/variante-delta-contagio-jovenes.html
[19] https://www.cronica.com.ar/sociedad/Coronavirus-las-personas-no-vacunadas-tienen-36-veces-mas-riego-de-entrar-en-terapia-intensiva-20220121-0030.html
[20] Voir l’article de la note [1].
[21] Voir, par exemple, https://www.lavanguardia.com/internacional/20211122/7878426/protestas-la-haya-bruselas-restricciones.html
[22] https://litci.org/fr/quelques-reflexions-a-propos-de-la-mobilisation-contre-le-passe-sanitaire-en-france/