23 novembre 2015
Secrétariat international de la femme, LIT-QI
Assez de violence, d'oppression, d'exploitation contre la moitié de l'humanité !
Au cours de 2015, plusieurs manifestations de masse dans différents pays à travers le monde ont exprimé leur rejet catégorique de la violence contre les femmes.
Au début de cette année, en Turquie, une mobilisation très importante a eu lieu, pour protester contre l'assassinat d'une jeune femme de 20 ans qui avait résisté à un viol.
Le 3 juin, en Argentine, plus d'un demi-million de personnes sont descendues dans la rue, sous le mot d'ordre « Ni une en plus ! », contre le féminicide d'une autre jeune, cette fois de 14 ans, qui était enceinte. Son corps a été retrouvé dans la cour de la maison de son petit ami.
Le 7 novembre, à Madrid et dans d'autres villes espagnoles, 100 000 personnes ont défilé à partir du musée du Prado, avec une remarquable présence masculine, « contre la violence machiste », et en exigeant que cette question soit assumée comme une politique d’Etat. Ces mobilisations ont été soutenues par des syndicats et des secteurs de travailleurs qui commencent à faire le lien entre la lutte contre la violence et pour les droits des femmes, y compris le droit à l'avortement, et la lutte contre les plans d'austérité qui attaquent durement les familles ouvrières. C'est aussi ce qui se passe en Inde, comme en Argentine et en Espagne. Dans ce dernier pays, la manifestation du 7 novembre faisait suite à la mise en échec de la loi Gallardón contre le droit à l'avortement, avec la démission du ministre.
Ces manifestations, et beaucoup d'autres, contre diverses expressions nationales de ce même fléau, la violence contre les femmes, commencent à être à la fois la reconnaissance que ce problème a pris des proportions alarmantes dans le capitalisme, au grand dam de ceux qui prétendent que le problème de l'oppression de la moitié de l'humanité est une question du passé.
La violence, ce n'est pas seulement les féminicides.
L'assassinat de femmes, pour le simple fait d'être femme, comme produit de la culture machiste, est ce que l'on appelle le féminicide. C'est la forme la plus visible et la plus répugnante, qui a d'ailleurs obtenu un rejet plus ample dans l'ensemble de la société. Mais ce n'est que la pointe de l'iceberg de ce que signifie l'oppression et l'exploitation de l'immense majorité du genre féminin.
La violence machiste, c'est également la charge du travail domestique qui, pour la femme travailleuse, implique la double journée de travail ; c'est la responsabilité de prendre soin des membres improductifs de la société, les enfants et les personnes âgées, imposée aux femmes travailleuses par l’Etat avec les coupes dans les droits et les budgets sociaux ; ce sont les coupes dans les droits à la santé et à l'éducation, voire leur suppression, pour une grande partie des travailleuses et des secteurs les plus pauvres ; ce sont le manque de logements et les expulsions imposées par les banques et les gouvernements capitalistes ; ce sont l'absence de politiques de prévention de la grossesse chez les adolescentes et la difficulté de se procurer des contraceptifs ; c'est l'interdiction du droit à l'avortement libre et gratuit, comme un choix volontaire de la femme lors d'une grossesse non désirée ; ce sont les coupes dans les droits de la maternité et l'absence ou la limitation du congé de maternité, partagé par le couple ; c'est le licenciement par le fait d'être enceinte.
La violence machiste, c'est également le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou à l'école ; c'est la publicité et la propagande qui désignent les femmes comme des objets sexuels ; c'est le viol dans la rue, la violence physique et psychologique, la violence domestique. La violence machiste, c'est l'utilisation du corps féminin comme trophée de guerre, utilisé comme symbole de la puissance des vainqueurs et de l'assujettissement des peuples et des nations vaincues. La violence machiste, c'est le refus de l'asile aux familles et aux femmes qui arrivent avec leurs enfants aux frontières des pays européens et qui sont reçues avec violence et répression par les appareils policiers de ces pays, comme nous l'avons vu à travers les images qui ont parcouru le monde dans la crise récente des immigrants.
La violence machiste, c'est l'homophobie qui se déchaîne contre la communauté LGBTI, la discrimination de celle-ci au travail, sa censure sociale et sa ségrégation. La violence machiste, c'est la traite des êtres humains qui, selon les estimations de l'ONU, touche 20,9 millions de personnes et dont le pourcentage le plus élevé est destiné à l'exploitation sexuelle, c'est-à-dire la prostitution, majoritairement des femmes et des filles.
La double morale bourgeoise et impérialiste
La journée mondiale de la non-violence contre les femmes est parrainée par l'ONU, l'organisation des gouvernements capitalistes dirigée par l'impérialisme mondial. Son intention est de « légitimer » le système capitaliste aux yeux des masses opprimées et exploitées, en montrant qu'il y a une solution au problème de l'oppression à l'intérieur du système. Mais sa façon de « canaliser » un problème social de plus en plus explosif consiste à déclarer une journée, de la même manière qu'on le fait avec le problème des droits de l'homme, les droits de l'enfance, le droit à la maternité, le jour de la race, etc. C'est une journée pour canaliser le mécontentement, convoquée et mise en exergue par les institutions mêmes de ses Etats bourgeois. Nous, les femmes socialistes, nous appelons à participer aux manifestations organisées à cette fin, parce que nous sommes tout à fait décidées à mettre fin à la violence machiste et l'oppression de la femme. Mais cela ne nous empêche pas d'en dénoncer la politique trompeuse de « l'autonomisation », une solution individuelle au problème de l'oppression, qui est promue actuellement par l'ONU, en passant par les Etats et les bureaucraties syndicales. C'est une politique qui laisse aux victimes la responsabilité de l'oppression, qui crée des illusions parmi les opprimés avec l'argument qu'il suffit de prendre une « attitude » de rejet de l'oppresseur pour que le problème soit résolu, cachant les véritables racines économiques, politiques et sociales qui le soutiennent. Une politique pour laquelle les responsables sont autres : « la société », une abstraction qui cache la responsabilité particulière d'une classe sociale : la bourgeoisie, pour qui l'oppression est un élément fonctionnel de son système basé sur l'exploitation.
Nous dénonçons la façon dont ils appliquent dans tous les pays des politiques d'austérité qui frappent de façon violente les femmes, en particulier les femmes travailleuses, tout en appelant à une journée pour la non-violence contre la femme. Ils réduisent les budgets et ferment des écoles, des maisons de refuge et des crèches publiques. Ils interdisent ou limitent le droit à l'avortement : c'est le cas au Brésil, où gouverne une femme, Dilma Rousseff, et où est discuté un projet de loi – présenté au parlement par plusieurs partis, y compris celui de la présidente, le PT – qui prévoit rien de moins que l'interdiction de la pilule du lendemain ; exige l'enregistrement pour administrer le médicament aux femmes victimes de viol ; punit les travailleurs de la santé qui donnent des orientations sur l'avortement ; rend plus difficile le processus légal de l'avortement pour les victimes de viol ; et va jusqu'à criminaliser tous ceux qui prônent la légalisation de l'avortement comme une mesure de santé publique ou comme un droit des femmes, considérant un tel acte comme une incitation à la violence.
Nous dénonçons leur double morale et nous appelons les travailleurs à s'unir dans la lutte contre l'exploitation capitaliste qui utilise l'oppression de la femme pour mettre en œuvre une surexploitation, avec des contrats de travail plus précaires que pour l'ensemble de la classe ouvrière, avec des salaires plus bas et avec la condamnation à la double journée de travail, à la violence quotidienne, au harcèlement sexuel sur le lieu de travail à la merci de « chefs » – qui l'utilisent comme moyen de chantage pour éviter la perte de l'emploi et qui, en laissant ces femmes dans la rue sans travail, les obligent à tomber dans les mailles de la prostitution.
Le 25 novembre : contre la violence machiste et l'exploitation capitaliste
Le 25 novembre prochain, nous descendrons dans la rue pour dénoncer et répudier la violence contre les femmes. Nous frapperons ensemble, toutes les femmes des différentes classes sociales, contre la violence machiste. Nous participerons aux manifestations de rue. Mais cette unité d'action d'une journée se terminera bientôt, et nous, les travailleuses, nous continuerons notre chemin séparément des femmes bourgeoises, car nous savons que celles-ci ne sont pas disposées à persévérer dans la lutte quotidienne pour la conquête des pleins droits et de la pleine égalité ; dans la lutte pour un salaire égal à travail égal, pour le plein droit à l'avortement financé par l’Etat, pour des crèches, des blanchisseries, des restaurants communaux financés par l’Etat, c'est-à-dire pour que l’Etat capitaliste assume les coûts du travail domestique. Elles ne seront pas non plus avec nous contre les plans d'austérité qui nous condamnent à l'emploi précaire, le travail temporaire, la misère et la faim. Elles seront – comme l'ont prouvé les gérantes, les ministres féminines et les présidentes – du côté des politiques de l’Etat capitaliste, contre les travailleurs et la classe ouvrière dans son ensemble. Elles seront dans la tranchée opposée des droits des immigrants. Dans la lutte de classes contre l'exploitation capitaliste et l'oppression politique, elles seront sur le trottoir d'en face pour défendre les intérêts de leur classe, parce que ce sont ces intérêts qui leur fournissent leurs privilèges.
Les organisations de la classe ouvrière doivent lever indépendamment la bannière de la lutte contre l'oppression, la violence et le machisme ; elles doivent organiser dans leurs rangs les femmes travailleuses, car notre lutte, celle des hommes ouvriers et des femmes ouvrières, est une lutte qui va au-delà du rejet de la violence, et tous ensemble, nous voulons éliminer toute sorte de violence et d'oppression. Pour cela, il faut changer la base matérielle de ce système fondé sur l'exploitation et l'oppression ; il faut un système dans lequel les moyens de production ne sont pas propriété privée de quelques privilégiés, mais la propriété commune de toute la société. Voilà pourquoi cela ne peut pas être une lutte uniquement des femmes ; les femmes travailleuses doivent être l'avant-garde pour que l'ensemble de la classe ouvrière s'en occupe.
Secrétariat international de la femme, LIT-QI