logo-IV-LCT.jpg

Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

Newsletter

11 février 2011

Grande victoire de la révolution en Egypte !

Contre la transition conduite par la bourgeoisie et l'impérialisme : continuons avec les mobilisations !

La glorieuse révolution égyptienne a donné un exemple historique pour tous les peuples du monde et a franchi une étape nouvelle et décisive dans l'expansion de la révolution arabe. Moubarak - le dictateur haï et l'agent le plus important de l'impérialisme et d'Israël dans la région - a dû s'en aller, grâce à l'action déterminée des masses pendant 18 jours d'affilé. Le renversement du dictateur est donc un énorme triomphe pour les masses égyptiennes et arabes.

La Révolution a placé le régime le dos au mur

Le cœur de ce gigantesque processus était la place Tahrir (place de la Libération) au centre de la capitale, Le Caire, qui devint le centre des protestations qui ont balayé le pays. Des millions d'Egyptiens ont exigé que Moubarak dégage et ont voulu la fin du régime. L'occupation de la Place est devenue l'expression du pouvoir du peuple mobilisé, en opposition à un système et à ses institutions qui se sont vus dans l'impossibilité de continuer à gouverner. Le gouvernement a ordonné de mettre fin à l'occupation de la Place et personne n'a obéi ; il a décidé le couvre-feu, mais les masses ne l'ont pas écouté. Le processus a galvanisé le pays tout entier, et nous avons vu des manifestations massives dans les grandes villes comme Alexandrie, Suez et Port Saïd, qui se sont étendues à tous les coins du pays.
   Avec le pays paralysé, le gouvernement a essayé d'orchestrer une attaque contre-révolutionnaire contre les manifestants, visant à les vaincre et à vider la place Tahrir. Malgré la passivité de l'armée et le lâche attentat perpétré par des bandes armées contre des manifestants non-armés, les occupants de la place Tahrir, ne se sont pas laissés intimider et ont expulsé courageusement les bandes du système, composés de policiers et de mercenaires.
Au moment même où il mettait en œuvre cette attaque contre le mouvement révolutionnaire, le gouvernement a appelé au dialogue avec les forces de l'opposition tolérée, avec la participation des adeptes d'El Baradei et des Frères musulmans. Bien que ces forces ne soient pas parvenues à un accord avec le régime, leur participation a donné lieu de fait à la légitimation d'une tentative de transition négociée. Le résultat a été que seulement « des réformes constitutionnelles » ont été annoncées jusqu'aux élections de septembre, ainsi que des promesses vides de « concessions ».
   Les masses n'ont pas cru en ces manœuvres et ont continué à exiger le départ immédiat de Moubarak, en maintenant l'occupation de la Place au Caire et dans les principales villes du pays.
Puis les derniers jours, la classe ouvrière et les travailleurs ont commencé à intervenir de manière décisive avec leur arme puissante : la grève. Les travailleurs du canal de Suez, de la santé et du transport au Caire sont entrés en scène, ainsi que les travailleurs des télécommunications. Même les travailleurs de la presse, comme ceux d'Al Ahram, ont décidé de faire grève contre le régime. Cette vague de grèves, qui couplaient les revendications pour de meilleures conditions de vie à l'exigence de la sortie de Moubarak, a paralysé l'économie égyptienne de façon de plus en plus compromettante pour les intérêts de la bourgeoisie nationale et internationale. Les ouvriers faisaient savoir que, tant que Moubarak restait au pouvoir, ils iraient jusqu'au bout pour obtenir ce qu'ils voulaient.
   Face à tout cela, l'armée a été incapable de réprimer directement les manifestations, et s'est limitée à observer les marches de masse et l'occupation de la Place. Le contact constant des soldats et des sous-officiers avec les manifestants a aggravé les éléments de la crise dans l'armée, ce qui rendait de plus en plus dangereux un éventuel ordre de répression massive de la part du sommet de l'armée, un ordre qui aurait pu avoir comme résultat immédiat la division de l'armée face à la force révolutionnaire du peuple égyptien.

Moubarak a été forcé de démissionner

Face à l'impossibilité de maintenir Moubarak au pouvoir, l'impérialisme a commencé à chercher à articuler une « transition sûre », qui permettrait d'assurer un « gouvernement loyal » dont la tâche était de « stabiliser » le pays, en gardant les institutions centrales du régime, avec quelques concessions démocratiques. L'impérialisme pariait sur le sommet de l'armée pour mener à bien cette tâche, compte tenu de son lien organique avec l'impérialisme, son importance en tant que pilier fondamental du régime et force de répression, ainsi qu'un certain prestige dont elle jouissait encore parmi les masses.
   Après plusieurs annonces qui allaient dans le sens de la démission dans la nuit du 10 février, Moubarak frustra les attentes de la nation avec un discours qui, au lieu d'annoncer sa retraite, annonçait sa permanence au pouvoir, avec la transmission de quelques compétences à Suleiman.
   La réaction furieuse de la population de la place Tahrir au Caire et à travers tout le pays allait dans le sens d'une radicalisation des protestations, qui devaient encore s'accentuer le lendemain. Pendant la nuit, les manifestants entouraient les espaces stratégiques comme le palais présidentiel et la station de télévision de l'Etat, qui étaient protégés avec un grand déploiement de l'armée. Cette situation devenait de plus en plus alarmante, surtout pour le sommet de l'armée, étant donné qu'elle ouvrait la possibilité réelle d'affrontements de manifestants avec les organismes de sécurité. Vu les éléments importants de crise dans l'armée, il n'y avait pas de garantie qu'une tentative de la population pour occuper ces bâtiments aurait été freinée par les militaires.
   Avec l'expansion massive de la protestation et la perte définitive du contrôle par le régime, Suleiman a été forcé d'aller à la télévision pour annoncer en style télégraphique la démission de Moubarak et le passage de la direction du pays au Commandement suprême de l'armée.
   La sortie de Moubarak a été une grande conquête, imposée par la mobilisation des masses et, de ce fait, accueillie avec beaucoup de joie et d'émotion.

L'essentiel de l'accord est la stabilisation bourgeoise par l'armée

Nous partageons la joie énorme qui anime à juste titre les masses égyptiennes et du monde entier, de se débarrasser d'un dictateur assassin et corrompu. Mais nous voulons formuler une mise en garde : le commandement de l'armée égyptienne qui a assumé le pouvoir, apparaissant comme un changement de cap face à la direction de Moubarak, a toujours été l'épine dorsale de la dictature égyptienne.
   En effet, le haut commandement de l'armée, après s'être enrichi dans l'ombre de la dictature, au détriment de la faim et la misère des gens, possède plusieurs entreprises dans différents secteurs de l'économie, dont il contrôle quelques 30 à 40 %.
   D'autre part, l'armée est le pilier essentiel du régime de Moubarak et joue un rôle clef comme allié stratégique des Etats-Unis et d'Israël dans la région, ce qui se manifeste directement dans l'aide militaire d'environ 2 milliards de dollars annuels des Etats-Unis à cette institution.
   On a pu constater le rôle de l'armée quand elle a assuré une couverture aux hordes en faveur de Moubarak, leur permettant d'entrer sur la Place pour écraser les manifestants les 2 et 3 février.
   Avec la crise provoquée par la révolution, le sommet de l'armée essaie maintenant d'assumer directement le processus, en se débarrassant de la figure gênante de Moubarak, pour maintenir ses privilèges et ne permettre aucun changement notable dans le pays. La plus grande expression de cela est la nomination de Tantawi, le ministre de la Défense des 20 dernières années de Moubarak, à la tête du nouveau gouvernement jusqu'aux prochaines élections.
   La politique que l'impérialisme veut imposer, en liaison avec l'armée, à ceux qui se sont mobilisés pendant 18 jours pour se débarrasser de Moubarak et mettre fin à la dictature, c'est d'accepter une ouverture démocratique contrôlée, dans laquelle les principaux piliers du régime répressif sont maintenus et assurent le maintien des engagements politiques, économiques et militaires avec l'impérialisme, en particulier avec Israël.
   Dans ce processus d'ouverture contrôlée, les secteurs de l'opposition bourgeoise se préparent à jouer un rôle essentiel. A cet égard, le secteur dirigé par El Baradei et les Frères musulmans se sont déjà prononcés en faveur de la composition d'un gouvernement d'unité nationale avec les militaires, ce qui permettrait une transition négociée vers les prochaines élections et l'acceptation de maintenir les accords avec l'impérialisme et Israël.

Seule la mobilisation indépendante des masses peut faire avancer la révolution égyptienne !

La grande victoire obtenue par la révolution égyptienne, avec le renversement de Moubarak, n'est que le début, et non la fin, de la lutte du peuple égyptien contre l'oppression.
   L'impérialisme et la bourgeoisie égyptienne tentent d'empêcher le peuple d'atteindre une plus grande victoire que celle déjà obtenue, en évitant que la rupture avec l'ancien régime s'étende. La plus grande expression de ceci est que le nouveau gouvernement proposé est dirigé par un homme étroitement lié à Moubarak, son ministre de la Défense depuis 20 ans, qui a toute la confiance de l'impérialisme étasunien. Le sommet de l'armée, étroitement lié à la dictature pendant toutes ces années, ne va pas accepter le châtiment de ses crimes, ni la persécution et la prison de ceux qui ont appliqué la répression et la torture, ni la moindre entrave aux intérêts économiques des groupes qui ont fleuri à l'ombre de Moubarak. Ces gens ne vont pas vouloir la liberté afin que puissent être dénoncés les crimes de la dictature, ou que les travailleurs aient la liberté syndicale et le droit de grève, qui mettraient en péril les grandes réalisations de ces groupes auxquels ils sont liés. Un gouvernement composé d'hommes de Moubarak est un obstacle à la révolution !
   La dictature a tué et torturé des milliers d'opposants. Au cours des 18 jours de mobilisation, 300 sont morts pour renverser Moubarak. Pour mettre fin définitivement à l'ère Moubarak, il faut dissoudre l'appareil répressif qui a maintenu 30 ans de dictature par la terreur et il faut punir les responsables de l'emprisonnement, la torture et la mort de ceux qui ont combattu pour leurs droits. Pour la dissolution de tous les appareils de répression ! Châtiment des responsables des tortures et des morts !
   Il est également nécessaire de continuer la mobilisation pour assurer la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et la liberté totale d'association syndicale, de presse et d'organisation en partis.
    Nous savons qu'il y a une division de classe dans les rangs de l'armée. La fraternisation et l'incapacité des soldats et des sous-officiers à réprimer les manifestations en sont l'expression. Il est nécessaire que les soldats et les sous-officiers aient les plus amples libertés démocratiques de s'organiser indépendamment de leurs supérieurs et de s'unir aux revendications et aux aspirations de la classe ouvrière égyptienne, qui ne sont pas ceux de l'impérialisme et des généraux de Moubarak.
    Pour la dissolution immédiate du Parlement frauduleux ! Pour mettre fin au régime de Moubarak, il ne suffit pas de faire quelques réformes partielles dans la Constitution, comme sont en train de le proposer le nouveau gouvernement et l'opposition bourgeoise. Pour la convocation d'une Assemblée constituante dotée des pleins pouvoirs souverains, avec exclusion de tous ceux qui ont fait partie des organismes du régime de Moubarak ! Une Assemblée constituante pour rompre les accords avec l'impérialisme, pour exproprier les biens de Moubarak et de l'ensemble de l'ancien régime, et pour construire une Egypte socialiste au service des travailleurs et du peuple !
    L'oppression du peuple égyptien ne se limite pas à la dictature. Elle est enracinée dans l'exploitation et le chômage qui condamnent la majorité de la population à la faim et à la misère. La révolution ne met pas seulement en cause le régime actuel, elle touche directement l'impérialisme dominant, elle est objectivement une révolution ouvrière socialiste.
    Pour une rupture fondamentale avec l'ancien régime, il est donc essentiel de briser les pactes militaires et politiques avec l'impérialisme et Israël. L'impérialisme hors d'Egypte ! Pour l'ouverture immédiate et complète de la frontière avec la bande de Gaza !
    Pour une augmentation immédiate et générale du salaire en conformité avec le coût du panier de ménage ! Pour un plan économique d'urgence et la réduction immédiate des heures de travail sans perte de salaire afin de garantir un travail pour tous ! Pour l'expropriation des grandes entreprises nationales et multinationales et du système financier !
    La condition préalable à l'accomplissement du désir des masses de construire une nouvelle Egypte est que les mobilisations indépendantes des masses continuent. Ce sont les mobilisations des masses qui ont renversé Moubarak, et non pas l'armée. C'est pourquoi nous appelons les masses égyptiennes à ne pas confier le sort de la révolution aux mains de l'armée, mais à avoir confiance en leur propre force pour la continuer. 
    Les jeunes, qui ont joué un rôle extraordinaire dans l'avant-garde de ce mouvement et ont montré un grand héroïsme en restant sur la Place pendant tous ces jours, malgré la répression, doivent continuer à s'organiser et à faire valoir leurs justes revendications. La classe ouvrière, en plus d'être au centre de la lutte contre Moubarak, a montré qu'elle peut paralyser le pays.
    A partir de la victoire de ceux qui ont occupé et maintenu la Place Tahrir, est à l'ordre du jour la nécessité de promouvoir la mobilisation et l'organisation indépendantes des travailleurs et de la jeunesse, la nécessité de convoquer une réunion d'urgence des travailleurs et du peuple, pour discuter d'un programme au service des masses plutôt que des dirigeants militaires et de l'opposition bourgeoise et pour prendre le pouvoir dans leurs mains pour le réaliser.

Il faut développer la révolution arabe !

Après la Tunisie, la révolution arabe a obtenu une grande victoire avec le renversement de Moubarak. Nous allons l'étendre à toute la région ! Pour le renversement des autres dictatures et monarchies réactionnaires du monde arabe et du Moyen-Orient !
    Moubarak a été un pilier de l'ordre imposé par l'impérialisme dans la région, dont le centre est l'Etat d'Israël. La révolution arabe ne triomphera pas, aussi longtemps que le peuple palestinien est sous la botte d'Israël. Tout le soutien au peuple palestinien ! Pour la destruction de l'Etat d'Israël !
    Ce processus révolutionnaire a aussi le défi de faire face aux régimes dictatoriaux théocratiques, comme celui de l'Iran, qui a réprimé les manifestations contre la fraude électorale il y a deux ans et qui maintient l'exploitation de son peuple, malgré les conflits éventuels avec l'impérialisme.
    La révolution arabe met la restauration de l'unité de la nation arabe à l'ordre du jour, dans la perspective de la construction d'une grande fédération des Républiques socialistes arabes !

São Paulo, le 11 février 2011