Le gouvernement maintient des travailleurs dans l'illégalité
De nombreuses actions du mouvement de soutien aux sans papiers ont eu lieu depuis le mois de septembre, réclamant que le gouvernement tienne ses promesses en matière de régularisation. Des sans-papiers qui ont fait des grèves de la faim sont toujours à la recherche d’un domicile et d’une promesse de travail pour pouvoir profiter d’un titre de séjour tant attendu. Mais le gouvernement refuse de régulariser massivement.Pire, dans la déclaration du gouvernement du 16 octobre, Leterme ne parle même pas de régularisation. Le thème a fait l'objet récemment d'un débat public « Circulations interdites », le samedi 25 octobre au Festival des Libertés, avec la participation de Maria Arena (ministre de l’Intégration sociale), Freddy Roosemont (directeur général de l’Office des étrangers et représentant de Annemie Turtelboom, ministre de la politique d’asile et de l’immigration) Emmanuel Terray (anthropologue et auteur de Le travail des étrangers en situation irrégulière ou la délocalisation sur place) et Benoît Van Der Meerschen (président de la Ligue des Droits de l’Homme).
Les familles libres ?
Beaucoup attendait que le gouvernement annonce le 16 octobre l'adoption de la circulaire promise dans l’accord gouvernemental. Mais le texte mentionne seulement son engagement à ne plus enfermer de mineurs dans des centres fermés.1 Ne plus enfermer les enfants en prison, c’est un acquis du mouvement qui dénonce depuis des années la situation désastreuse pour les enfants, mais le gouvernement les maintient en détention surveillée au lieu de les libérer. Les familles devront signer un contrat et s’engager, bien sûr, au retour volontaire. Bref, la marche de leur expulsion suivra son cours. Enfin, le gouvernement maintient en centres fermés les familles qui s'y trouvaient avant la date de cette décision, et en enfermera encore dans le cadre de mesures exceptionnelles ![1]C’est cette décision du gouvernement que Maria Arena, ministre fédérale PS de l’intégration sociale, défendait, lors du débat, comme un résultat de la participation du PS au gouvernement. Cette honteuse déformation de la revendication du mouvement est bien la seule chose que le PS ait faite depuis sa participation au gouvernement. Mais c’est finalement assez logique, car le PS n’est ni pour la fermeture des centres fermés ni pour l’arrêt des expulsions. Et il n'y a pas un mot sur le projet de mesures moins médiatisées du gouvernement Leterme, appliquées par sa ministre de l’immigration, qui prévoit la création d'une nouvelle institution spécifique pour les demandeurs d'asile avec des problèmes comportementaux.2 Bref, pour tous ceux qui se révoltent et qui refusent leur expulsion. Mais là encore, le PS essayera de nous faire croire que c’est la faute aux libéraux !
Les centres fermés et les expulsions
Dans ce système capitaliste, les patrons ont besoin de trouver de la main-d’œuvre bon marché et avec peu de droits sociaux. Le problème est que, dans de nombreux secteurs comme le nettoyage, la construction, l’horeca, la cueillette, le patron ne peu pas délocaliser la production. Il faut alors trouver comment pouvoir profiter d’une main-d’œuvre pas chère et sans les droits sociaux des travailleurs légaux, pour faire plus de profit.Et c’est là qu’intervient la répression sur les travailleurs sans papiers et leurs familles, ainsi que l’acharnement du gouvernement à maintenir les centres fermés et les expulsions.
L’anthropologue E. Terray, également présent à ce débat, note dans un article que le chiffre des expulsions en France est faible si l’objectif est de chasser tous les illégaux « mais en vérité il est à la fois assez élevé pour maintenir les immigrants illégaux dans l’insécurité et dans la peur, et assez faible pour qu’un nombre significatif d’entre eux reste à la disposition des employeurs »3. Le constat est similaire pour la Belgique où le nombre d’expulsions en 2007 était, selon les chiffres officiels, de 8.345 et on estime à 150.000 le nombre de sans papiers…
Peu de régularisations, beaucoup de bénéfice pour les patrons
Lors du débat, Arena insistait sur la nécessité de répondre au désespoir des sans papiers et qu’il fallait donc parler de la régularisation. Voilà un touchant geste de la ministre qui dit se battre pour la régularisation… Mais si ce désespoir existe et pousse des centaines de sans-papiers à mettre leur vie en danger dans des grèves de la faim, c’est bien la faute aux promesses non tenues par tous les partis au parlement, et en particulier par le PS. Di Rupo disait, l’année passée, qu’il n’entrerait pas dans un gouvernement sans un accord sur la régularisation. Et il savait très bien que les sans-papiers et leurs soutiens attendaient un accord pour une large régularisation. Mais il a plutôt préféré les accords obtenus sur « l’immigration choisie » qui permet aux patrons de bénéficier d’une main-d’œuvre légale, dans des secteurs précis et avec peu de droits.Face à cette politique du cas par cas, nous devons au contraire nous battre pour la régularisation de tous, car c’est la seule solution pour mettre un terme à cet esclavage moderne. Entre-temps, nous nous battrons pour chacun(e) - et chaque régularisation est une victoire dans cette lutte - mais sans nous arrêter en chemin. Car, comme au temps de l’esclavage, nous luttons pour l’affranchissement de tous, c'est-à-dire la régularisation de tous les sans papiers, sans condition. C’est dans cette lutte contre le patronat et son gouvernement que nous devons avancer pour, ensemble, mettre un terme à leur système criminel d’exploitation.
Unité de classe contre la chasse aux sans papiers
La répression à l’égard des travailleurs sans papiers permet de les maintenir dans un véritable esclavage et de faire pression sur les conditions de travail de l’ensemble des travailleurs. Pour faire face à cette agression du patronat et du gouvernement contre l’ensemble des travailleurs, il est nécessaire de frapper l’ennemi au cœur de son système : les patrons qui exploitent le travail au noir auquel les sans-papiers sont contraints. C’est ce qu’ont commencé à faire des travailleurs sans papiers de France qui, avec des syndicalistes combatifs de la CGT, se sont mis en grève. C’est ainsi qu’ils ont déjà obtenu des centaines de régularisations, bien que souvent avec des titres de séjours temporaires. Cela démontre que, en se battant comme travailleur syndiqué pour ses droits, il est possible d’arracher des victoires sans se mettre en position de faiblesse face à l’ennemi comme lors d’une grève de la faim. Bien plus important encore, le travailleur sans papiers entre en relation avec ses camarades avec papiers. Ainsi, il fait avancer la conscience que nous sommes tous, avec ou sans papiers, esclaves du patron et qu’il est nécessaire de s’unir pour défendre nos droits à tous et mettre fin à cette terrible exploitation. Ici aussi, les syndicats doivent organiser la lutte à la base contre les patrons qui profitent des sans-papiers en exigeant leur régularisation avec l’octroi d’un permis de travail illimité !Libération réelle et régularisation immédiate de toutes les familles encore détenues !
Fermeture des centres fermés !
Arrêt des expulsions !
Régularisation de tous les sans papiers !
Permis de séjour et de travail illimité pour tous !
Syndicalisation des travailleurs sans papiers,
aux mêmes conditions que les travailleurs avec papiers !
Avec ou sans papiers, nous sommes tous des travailleurs !
2 www.rtbf.be 27/08/08
3 L’Etat Nation vu par les sans papiers, Actuel Marx n°44, septembre 2008.
Lisez notre brochure: Les travailleurs sans papiers, un maillon essentiel de l'exploitation capitaliste