La politique migratoire européenne :
Réprimer pour mieux exploiter
Le 14 avril, 550 migrants ont fait naufrage en mer méditerranéenne, dont un tiers seulement a pu être sauvé, et une semaine plus tard, encore 700 « naufragés » ont péri. Récemment, deux demandeurs d’asile qui avaient vu leur demande refusée et étaient dès lors contraints de rentrer dans le pays qu’ils avaient fui, ont tenté de mettre fin à leur vie : un guinéen, qui s’est immolé et se trouve dans un état critique, et un marocain, qui s’est donné la mort par pendaison. Ces drames ne peuvent être entendus en dehors de la politique d’asile restrictive et sécuritaire mise en place par la Belgique et, plus généralement, par l’Union Européenne.
Les guerres et les dictatures au Moyen-Orient et en Afrique, ainsi que la montée d’organisations islamistes intégristes semant la terreur dans ces régions, poussent des millions de personnes à fuir. Une partie de ces migrants cherche refuge en Europe, souvent illégalement et n'hésitant pas à mettre leur vie en danger pour y arriver, car leurs chances d’obtenir un permis de séjour dans un pays de l’Union Européenne sont extrêmement faibles. De fait, le nombre de migrants entrés illégalement en Europe a triplé en 2014 par rapport à 2013, passant à 274.000 personnes, auxquelles il faut ajouter ceux ayant demandé l’asile et qui, pour la plupart, et à l’instar des deux demandeurs d’asile ayant tenté de mettre fin à leurs jours, se verront déboutés. En effet, face à cette explosion migratoire, au lieu d’offrir l’asile à ces réfugiés, l’Union Européenne – qui « risque » de recevoir un réfugié par 2000 habitants, alors que la Liban en a un sur quatre – a décidé de restreindre le nombre de demandes d’asile acceptées et de renforcer les contrôles à ses frontières afin de refouler un maximum de migrants. Cette mission de refoulement a été confiée à Frontex, l'agence européenne pour la sécurité et les frontières extérieures de l'UE.
Frontex : une armée pour combattre les migrants
Cette agence, créée en 2004, a comme objectif de mettre en application la politique migratoire sécuritaire menée par l’Union Européenne. Dans les faits, elle peut ériger des clôtures et des murs, mener des renvois collectifs forcés vers les pays d’origine [1] et sous-traiter les contrôles migratoires à d’autres pays, avec lesquels elle passe des accords en vue d’empêcher les migrants, non plus d’arriver, mais aussi de partir. Elle est en effet dotée d’une personnalité juridique propre et coordonne des opérations en lien avec les polices, les gardes-frontières et les douanes des pays tiers, avec des moyens quasi militaires.
Le 1er mars, 200 sans-papiers et sympathisants ont marché de Bruxelles au « Centre 127bis » de Steenokkerzeel. Le 22 mars, ils étaient 500 au Centre fermé de Vottem. Le 1er avril, lors de la manifestation syndicale à la Place Luxembourg à Bruxelles, un groupe compact de sans-papiers, exigeant la régularisation, arborait un calicot : « Le travail nous unit, les papiers nous séparent »
C’est dans ce contexte que, le 6 mars, le directeur de Frontex est venu visiter l’aéroport de Zaventem avec Jan Jambon, ministre de l’Intérieur, et Theo Francken, secrétaire d’Etat à la Migration.
A qui cela profite-t-il ?
Les conséquences de cette politique migratoire sont éloquentes : 3 072 personnes sont mortes dans les eaux méditerranéennes en 2014 et 274 000 personnes sont entrées illégalement.
Ce chiffre gigantesque démontre l’hypocrisie ignoble de l’Union Européenne, qui refuse l’asile à la majorité de ces migrants, mais qui accepte quand même que ceux-ci vivent sur son territoire, à condition qu'ils restent précisément cela, des « illégaux », dépourvus de droits, et donc une main-d’œuvre bon marché, exploitable et corvéable à merci, et qui, de plus, fait pression sur les conditions de travail et les salaires de l’ensemble des travailleurs légaux. C'est une aubaine pour les patrons, qui en profitent copieusement, souvent en toute « légalité », par le biais des sous-traitances en chaîne. A charge de l'Etat de mener la répression contre ceux qui osent réclamer des papiers et s'organisent en vue de cela, et de les enfermer dans des prisons qui n'en ont pas le nom et où même des enfants sont isolés du monde. [2]
Le combat des travailleurs sans-papiers est inséparable de celui de l’ensemble des travailleurs. Il est donc fondamental d’unifier nos luttes, avec et sans papiers. Mais, le gouvernement, conscient de la force immense que les travailleurs auraient s’ils étaient solidaires, cherche à nous diviser en attisant le racisme chez les travailleurs « légaux » belges vis-à-vis des « illégaux » et des étrangers. Les récentes déclarations de Bart De Wever sur la communauté berbère en sont un exemple de plus…
Suppression de Frontex !
Suppression des centres fermés ! Arrêt des expulsions !
Syndicalisation des travailleurs sans-papiers aux mêmes conditions que les travailleurs légaux !
Travailleurs avec et sans papiers, unifions nos luttes contre le gouvernement et le patronat !
Régularisation de TOUS les sans-papiers !
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[1] En 2010, par exemple, 32 vols « spéciaux » ont été organisés par Frontex.
[2] Voir aussi la brochure Les travailleurs sans papiers, un maillon essentiel de l’exploitation capitaliste.