Le 10 février prochain, la France doit décider du sort de son plus ancien prisonnier politique, Georges Ibrahim Abdallah, ressortissant libanais emprisonné depuis plus de 37 ans et libérable depuis 19991. Ce militant communiste, combattant de la cause palestinienne, et aussi plus ancien prisonnier politique en Europe, a en effet déposé une demande au tribunal administratif qui doit statuer sur son arrêté d'expulsion
Depuis 2012, la justice est favorable à sa libération, mais celle-ci doit être assortie d'un arrêté d'expulsion. Or depuis cette date, le ministère de l'intérieur refuse de signer ledit arrêté, empêchant ainsi volontairement sa libération. Depuis 2002 c'est pas loin de 10 demandes de libération conditionnelle qui ont été rejetées, soit par le pouvoir judiciaire, soit par obstruction du pouvoir politique.
Encore assez peu connu du grand public, le cas Abdallah, « l'affaire Abdallah » comme l'appelle Saïd Bouamama dans un livre qu'il vient de lui consacrer2, est devenu au fil des ans un cas emblématique de la politique néocoloniale et impérialiste de la France, indissociable de la lutte pour la libération de la Palestine.
Son histoire a été racontée également dans un film sorti en 2020 : Fedayin, le combat de Georges Abdallah3, à l'initiative de militants d'un comité de soutien. Elle commence au Liban au début des années 70 quand ce jeune instituteur, militant marxiste au sein du Parti National Social Syrien (PNSS) adhère au Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), dont l'activité dans les camps de réfugiés au Liban est intense. Touché par la réalité de la cause révolutionnaire palestinienne, ces Fedayins dont parle Jean Genet4, exilés au Liban depuis 1971, dans un pays détruit par la crise, ravagé par une guerre civile inter-bourgeoise sanglante à partir de 1975, meurtri par les exactions impérialistes et sionistes, Georges Abdallah prend fait et cause pour la révolution internationaliste portée par la résistance palestinienne. Peu avant les tristement célèbres massacres de Sabra et Chatila, les combattants palestiniens sont à nouveau forcés à l'exil et plusieurs groupes, dont fait partie G. Abdallah décident de porter la résistance dans le monde entier, pour frapper les intérêts impérialistes et les soutiens israéliens là où ils se trouvent. Nous n'encourageons pas cette politique d'actions violentes individuelles, au détriment de la mobilisation de la classe. A cette époque, les politiques de terreur de l'état raciste d'Israël - bombardements, attentats, assassinats - ont contraint certains groupes de résistance vers des stratégies d'attentats ciblés.
Bien que nous soyons opposés à la politique avant-gardiste qui se substitue à la mobilisation de notre classe, nous serrons les rangs autour de ces camarades contre la répression de la bourgeoisie, indépendamment de nos divergences.
G. Abdallah se trouve ainsi à Lyon dans les années 80. Arrêté en 1984 pour une histoire de faux-vrais papiers fournis par l'Algérie, il est condamné à 4 ans pour détention d'armes. Puis, sur fond de pressions israéliennes et américaines, dans l'hystérie d'une vague d'attentats qui secouent la France et alors qu'il croupit en prison depuis près d'un an, la DST annonce la « découverte » providentielle d'une arme dans un appartement loué à son nom. Prétendant que cette arme avait servi dans deux attaques distinctes, début 1982, ayant coûté la vie en janvier à un militaire américain membre de la CIA, puis en mars à un diplomate israélien agent du Mossad, il est rejugé en 1987. Condamné à la perpétuité pour complicité de meurtre, il sera désormais considéré comme un terroriste.
George Abdallah a toujours clamé son innocence des faits qui lui étaient reprochés. Il a dit lors de son procès : « Si le peuple ne m’a pas confié l’honneur de participer à ces actions anti-impérialistes que vous m’attribuez, au moins j’ai l’honneur d’en être accusé par votre cour et de défendre leur légitimité face à la criminelle légitimité des bourreaux. »5
Tout au long de sa détention il est resté fidèle à ses engagements anti-impérialistes et anti-sionistes.
Si les pressions américaines, d'ailleurs révélées par Wikileaks, et israéliennes sont bien réelles, la France ménage avant tout ses propres intérêts impérialistes et néocoloniaux vis-à-vis du Liban. Liban dont le gouvernement s'est d'ailleurs bien gardé jusqu'ici d'exigé la libération de son ressortissant. Il est aujourd'hui évident que G. Abdallah reste emprisonné à cause de ses convictions politiques, et que si le pouvoir judiciaire ne s'oppose pas à sa libération, il existe un acharnement politique à faire payer un militant anti-colonial dont la libération serait vue comme une victoire, non seulement au Liban, mais dans tout le camp palestinien. Et il est certain que dans la situation actuelle, BDS et la résistance palestinienne ayant le vent en poupe, cela serait très mal perçu en Israël, allié historique de la France, qui est assis sur une poudrière et est actuellement engagé dans une fuite en avant – que ce soit en terme de répression, de colonisation et de déportations. C'est pourquoi l'exigence de cette libération doit être à l'agenda de tout militant anti-colonial conséquent.
Seule une mobilisation d'ampleur pourra d'ailleurs imposer un rapport de force capable de faire plier le gouvernement français. Si le cas Abdallah fait beaucoup parler de lui au Liban et dans le monde arabe, il faut intensifier la campagne de solidarité, en France évidemment, où il est incarcéré, mais aussi dans les autres centres impérialistes, dont la Belgique. Son maintien en détention est une honte pour le gouvernement français. Le ministère de l'intérieur doit signer la demande d'extradition !
Il faut qu'il signe !
Libérez George Abdallah !
Libérez la Palestine !
Pour en savoir plus : appel belge pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah :
https://www.facebook.com/Lappel-belge-pour-la-lib%C3%A9ration-de-Georges-Ibrahim-Abdallah-frNL-1585594844820265/
Pour lui écrire :
Monsieur Georges Ibrahim ABDALLAH
2388/A221 CP de Lannemezan
204 rue des Saligues
BP 70166
65307 LANNEMEZAN
1A cette date, on sait que le tribunal administratif de Paris a refusé de se prononcer sur un possible arrêté d'expulsion, prolongeant, « sans surprise » selon son avocat Me Jean-Louis Chalanset , sa détention. https://www.ouest-france.fr/societe/justice/l-expulsion-du-libanais-georges-abdallah-refusee-par-la-justice-francaise-c50ac31d-718c-40f0-a514-2a8eb930ec98
2SAÏD BOUAMAMA, L’affaire Georges Ibrahim Abdallah, Premiers matins de novembre éditions, 2021
3Fedayin, le combat de Georges Abdallah, Vacarmes films, 2020
4Jean Genet, Quatre heures à Chatila, Librairie des colonnes éditions, 2016
5Pierre Carles, « Terroriste » un jour, terroriste toujours ?, sur Le Monde diplomatique, 1er août 2020