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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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Nahuel Moreno (1924 - 1987), un marxiste au service de la classe ouvrière et de l'Internationale

Voici une biographie succinte de Nahuel Moreno, que vous pouvez télécharger en PDF
Vous pouvez consulter l'oeuvre de Moreno disponible en français ici, et en espagnol ici.

Du café Tortoni à Villa Pobladora

Hugo Miguel Bressano Capacete, connu sous le pseudonyme de Nahuel Moreno, est né le 24 avril 1924 à Alberdi, Argentine, au sein d'une famille de classe moyenne. A l'âge de 15 ans, comme étudiant au prestigieux collège d'enseignement secondaire Belgrano, il participe à l'Association Culturelle Nicolas Vergara où il donne ses premières « conférences » sur des thèmes de philosophie (Kant, Hegel) et où il entre en contact avec un centre culturel : le Théâtre du Peuple.[1]  A partir de 1941, en même temps qu'il mène ses premières luttes contre les bandes fascistes qui poursuivaient les juifs, il commence à rencontrer des groupes trotskystes. « Entre 1940 et 1943, le trotskysme en Argentine était une fête » dira-t-il plus tard. On se réunissait deux ou trois fois par semaine dans le café Tortoni pour discuter de politique.
le Groupe Ouvrier Marxiste   Au Théâtre du Peuple, le jeune Bressano avait rencontré un marin, Faraldo, qui l'introduit auprès de Liborio Justo, le dirigeant trotskyste le plus important de l'époque, qui lui donnera le pseudonyme qui l'accompagnera toute sa vie. Moreno n'y restera pas longtemps. A partir de juin 1942, avec quelques jeunes étudiants et ouvriers de l'Association Vergara, il commence à étudier Que faire ? de Lénine. Un an plus tard, le coup d'Etat du 4 juin 1943 met fin à la « fête ». Mais le petit groupe de Moreno avait déjà un nom, le Groupe Ouvrier Marxiste (GOM), et surtout, il avait un programme : aller vers le mouvement ouvrier. En décembre 1943, il publie un premier document : Le parti. On y lit : « Ce qui est urgent, ce qui est immédiat, aujourd'hui comme hier, c'est de nous rapprocher de l'avant-garde prolétarienne et de rejeter comme opportuniste toute tentative de nous dévier de cette orientation. »
    Les camarades vont vivre à Villa Pobladora, dans le centre industriel d'Avellaneda ou se trouve l'usine frigorifique la plus importante, Anglo-CIABASA, 12.000 travailleurs, et ils entrent en contact avec le milieu syndical. Lors de la grève de janvier 1945, ils interviennent pour la première fois concrètement dans une lutte du mouvement ouvrier. Dans une grève postérieure, en avril 1945, ils participent déjà activement dans le Comité de grève et prennent la parole dans les assemblées. Ils y apprennent aussi beaucoup sur les agissements de la bureaucratie, et en particulier sur l'activité d'un certain Colonel Perón et ses manœuvres pour trahir la grève. En 1948, le GOM compte 100 militants, dont la plupart étaient des ouvriers, et décide de se transformer en parti, le Parti Ouvrier Révolutionnaire (POR), dont le congrès de fondation a lieu le 25 décembre.
    A propos de cette relation avec la classe ouvrière, Moreno a signalé dans un de ses derniers travaux : « Tout au long de ma vie politique, après avoir regardé, par exemple, avec sympathie, le régime issu de la révolution cubaine, je suis arrivé à la conclusion qu'il est nécessaire de continuer avec la politique révolutionnaire de classe, même si cela retarde pour nous l'arrivée au pouvoir de vingt ans, trente ans, ou peu importe combien d'années. Nous aspirons à ce que ce soit la classe ouvrière qui arrive vraiment au pouvoir, et c'est la raison pour laquelle nous voulons la diriger. »

Les premiers pas dans l'Internationale

La première organisation créée par Moreno, le GOM d'Argentine, avait entre 1943 et 1948 une pratique « internationaliste » semblable à celle d'une bonne partie du mouvement trotskyste : il soutenait les luttes des travailleurs partout dans le monde et revendiquait même la IVème Internationale, mais il n'était pas engagé dans la construction de cette organisation. Cette réalité change à partir de 1948, quand Moreno participe comme délégué au Deuxième Congrès de la IVème Internationale. Il y rencontre Michel Raptis (Pablo - Grèce), Healy et Hunter (Angleterre), Mandel (Belgique), Frank et Lambert (France), Maitán (Italie), Peng (Chine), Cannon, Hansen, Farrel Dobbs et Novack (Etats-Unis), avec qui il va se mettre à la tâche de construire la IVème Internationale, déjà sans la direction de Trotsky. Il y participe aussi aux premières polémiques.
    Le caractère des Etats issus de l'occupation des pays de l'Europe de l'Est par l'Armée rouge faisait l'objet d'intenses discussions. Des camarades soutenaient que ce n'étaient pas des Etats ouvriers, étant donné que leur transformation avait eu lieu sous la contrainte bureaucratique du Kremlin, sans révolution ouvrière et sans direction bolchevique. Pablo, Mandel et Moreno soutenaient qu'il fallait reconnaître ces Etats Ouvriers comme une conquête des masses, en dépit de leur origine atypique et leur déformation bureaucratique. Cette dernière position a finalement prévalu dans la IVème Internationale, ce qui lui a permis de donner une réponse correcte aux nouveaux défis qui s'imposaient, en particulier la défense de cette conquête face à l'impérialisme. La IVe
   La crise dans l'Internationale n'allait toutefois pas tarder. Les partis communistes avaient gagné un prestige énorme dans le monde entier, par la victoire sur le nazisme, les transformations en Europe de l'Est et les luttes de Mao en Chine. En 1951, dans un climat de « guerre froide », Moreno participe au 3ème congrès de l'Internationale. Pablo, Mandel et d'autres camarades prévoyaient l'éclatement de la troisième guerre mondiale comme inévitable, ce qui aurait mené les Partis Communistes à défendre l'Union Soviétique et, par ce fait, devenir révolutionnaires. Selon ces dirigeants, les trotskystes devaient donc faire de l'entrisme dans ces partis, une politique qui est entrée dans l'histoire sous le nom de Pablisme. Moreno affirmait que, si bien les trotskystes pouvaient entrer dans ces partis pour mieux se lier aux masses, ils devaient le faire avec l'objectif de détruire ces partis, de lutter à l'intérieur de ceux-ci contre leurs directions, qui ne cesseraient jamais d'être contre-révolutionnaires. Mais l'entrisme préconisé par Pablo était une capitulation au stalinisme.

Bolivie 1952, le test grandeur nature et la scission de la IV Internationale

Pour Moreno, cette capitulation devenait particulièrement dramatique en Bolivie en 1952. La classe ouvrière de l'Altiplano de ce pays était parvenue à construire des syndicats révolutionnaires qui menaient de grandes luttes, y compris avec des milices armées. Lors de l'insurrection de 1952, ces milices avaient mis en échec l'armée bourgeoise, dont les soldats désertaient en masse avec armes et bagages. Les syndicats formaient une Centrale Ouvrière Bolivienne (COB) qui unifiait les milices ouvrières et paysannes et constituait ainsi l'unique force armée du pays. Les trotskystes, organisés dans le Parti Ouvrier Révolutionnaire (POR), y avaient une influence de masses.
   Dans ce contexte, Moreno disait que le POR devait lutter pour que la COB et ses milices prennent le pouvoir - « Tout le pouvoir à la COB ! ». Mais les dirigeants du POR, sous l'orientation de Pablo, Mandel et le secrétariat de la IVème Internationale, soutenaient le gouvernement bourgeois « progressiste, nationaliste » de Paz Estenssoro, ce qui a permis à la bourgeoisie, non sans difficulté, de reconstruire finalement son pouvoir.
   Moreno considérait que la capitulation du pablisme à une direction nationaliste bourgeoise en Bolivie a fait perdre au trotskysme la plus grande opportunité de diriger une révolution ouvrière et de se transformer en un courant international de masses.
   En 1953, Pablo expulse la majorité de la section française qui s'opposait à l'entrisme. Les trotskystes français, anglais et états-uniens, ainsi que Moreno et la majorité des militants sud-américains, rompent alors avec le Secrétariat International et forment le Comité International (CI), dirigé par le Socialist Worker's Party (SWP) des Etats-Unis. Le SWP, avec sa direction ouvrière de Dobbs, Cannon et Hansen, était à l'époque le parti avec la tradition prolétaire la plus importante. Il avait participé aux grandes luttes syndicales nord-américaines et avait été orienté par Trotsky depuis son exil au Mexique. Moreno se considérait comme disciple de ces dirigeants, en particulier de Hansen. Pour Moreno, « dans l'Internationale, il se passait quelque chose de semblable à ce qui était arrivé au mouvement trotskyste argentin. Elle était en mains d'une direction non-prolétaire, avec une base sociale dans l'intellectualité européenne avec tous les vices des courants petits-bourgeois ».
   A l'intérieur du Comité International, Moreno organise avec d'autres camarades un Comité Latino-américain, qui devient en 1957 le Secrétariat Latino-américain du Trotskysme Orthodoxe (SLATO), avec une direction centralisée pour l'Argentine, le Chili, la Bolivie et le Pérou. En représentation du SLATO, il participe en 1958 à la Conférence du Comité International qui se réunit au mois de juin dans la ville de Leeds (Angleterre). Lors de cette conférence, il mène une rude discussion avec les délégués du SWP des Etats-Unis autour de la nécessité de s'opposer avec une organisation centralisée au pablisme, sans succès.

De la révolution cubaine à la réunification - la discussion sur la guérilla

En 1959, la Révolution cubaine provoque une importante discussion au sein de la IVème Internationale. Pablo soutient dès le début le Mouvement du 26 juillet, dirigé par Fidel. Le reste a une attitude plus réticente.
   Nahuel Moreno a au début une position erronée. Il compare le triomphe de Fidel avec « la Révolution de Libération Argentine » (le putsch militaire contre Perón). Dix mois après la prise du pouvoir par la guérilla, le journal du POR argentin, Palabra Obrera, écrit : « Fidel Castro continue à être un homme de confiance des yankees. » Au mois de novembre, Moreno commence à changer d'avis en reconnaissant que la Révolution cubaine fait partie de la lutte anti-impérialiste.
   La plupart des courants trotskystes, du Secrétariat International et du Comité International, qui reconnaissent qu'à Cuba un nouvel Etat ouvrier a vu le jour, s'unifient pour donner naissance au Secrétariat Unifié (SU) de la IVème Internationale en juin 1963. Le POR argentin, bien qu'appartenant aux courants qui jugent que Cuba est un Etat ouvrier, n'entre pas dans le SU à cause de ses différences politiques et méthodologiques avec le pablisme, ainsi qu'avec le SWP américain qui avait dissout de façon bureaucratique le Comité International sans faire un bilan quelconque, ni du pablisme ni du propre Comité International. En 1964 toutefois, face au fait accomplit de la réunification, et pour ne pas rester isolé, le POR argentin adhère au Secrétariat Unifié, malgré ses différences.
   Entre-temps, l'année 1961 sera marquée par les mobilisations paysannes au Pérou, sous la direction de Hugo Blanco. Le POR argentin soutient activement la lutte avec l'envoi de cadres, et le quartier général du SLATO s'installe au Pérou. En 1962, Moreno est emprisonné à Buenos Aires où il vivait en clandestinité.
   Suite à la révolution cubaine, un courant en faveur du foyer de guérilla se développe amplement, y compris dans les rangs du POR argentin, contre lequel Moreno mène une lutte intransigeante. Face à l'emprisonnement de ses camarades de lutte, Moreno affirme dans le journal du POR : « Nous continuons à croire que notre obligation est de continuer à dire la vérité, devant les vivants et les morts, au-delà de l'héroïsme, l'audace et le courage de ces derniers : le terrorisme et les guérillas isolées du mouvement de masses et sans une politique correcte, ne servent absolument à rien. »
    En 1965, le POR s'unifie avec le Front Populaire Indoaméricaniste Révolutionnaire (FRIP), avec lequel il menait déjà une étroite collaboration depuis deux ans, pour former le Parti Révolutionnaire des Travailleurs (PRT). Toutefois, les pressions de la tactique de guérilla provoquent un schisme dans le PRT. En 1967, un secteur, dirigé par Moreno, soutient que la lutte armée doit être subordonnée à la lutte de classes, et que le parti doit être de plus en plus lié à la classe ouvrière. L'autre secteur, dirigé par Santucho, défend d'entreprendre la lutte armée, indépendamment du niveau de la lutte de classes, et juge pour cela nécessaire la militarisation du parti. En 1969, Moreno participe au 9ème Congrès de l'Internationale, mais c'est le secteur de Santucho qui y est reconnue comme section officielle. En 1972, Moreno adopte une position qui sera très polémique au sein de la gauche argentine : la nécessité d'utiliser les marges légales conquises à partir du soulèvement de Cordoba de mai 1969 (le cordobazo). Son courant du PRT ouvre des locaux semi-légaux sous la dictature militaire, et arrive à un accord avec un secteur du socialisme pour légaliser un nouveau parti, le Parti Socialiste des Travailleurs (PST), et prendre part aux élections.

La première « occupation d'usine » en Argentine, dans les années 60, racontée par Moreno.[2]

« Je dirigeais une cellule de métallos d'une douzaine de camarades dans l'usine Domec. Nous avions gagné pratiquement toute la commission interne de l'usine pour le parti, et entre autres un ouvrier très arriéré politiquement, connu comme "Corrientes". La Commission était dirigée par un italien, Parrino, très apprécié par Corrientes, et qui un jour avait été licencié. [...] Je demande à Corrientes ce qu'il pensait que l'on devait faire. La réponse : "Lundi je rentre à l'usine avec mon couteau, je vais au bureau du 'Turco' (le patron) et je demande d'être reçu comme membre de la Commission Interne. Quand il me reçoit, je ferme la porte et je lui dis : si vous ne réincorporez pas Parrino, je vous tue avec mon couteau." Je lui dis alors : "Pardon, camarade Corrientes, si tu donne l'ordre, comme membre de la commission interne, de mettre toute l'usine à l'arrêt quand le patron arrive, tu crois que ça pourrait marcher ?" à quoi il me répond "oui". Alors je lui propose : "Au lieu d'aller toi tout seul avec un couteau, vous y allez tous, vous occupez l'administration et l'usine, vous faites la grève à l'intérieur de l'usine, et vous menacez le Turco, si vous voulez, mais tous ensembles. Corrientes a accepté la proposition. Cela a été une des premières occupations d'usine en Argentine. »

Nicaragua : la trahison du SU

La polémique avec la direction du Secrétariat Unifié continue à s'accentuer. Avec d'autres dirigeants, Moreno écrit Argentine et Bolivie : un bilan, ce qui forme la base pour créer en mars 1973 la Tendance Léniniste Trotskyste (TLT) qui en août devient la Fraction Léniniste Trotskyste (FLT).
   Le putsch militaire en Argentine force le PST en 1976 à la clandestinité et Moreno abandonne clandestinement l'Argentine en direction de Bogotá (Colombie), où il fonde la Tendance Bolchevique (TB) qui deviendra peu après la Fraction Bolchevique (FB). Il gagne le Bloc Socialiste (BS) de Colombie pour la IVème Internationale et la Tendance Bolchevique. Le BS deviendra le Parti Socialiste des Travailleurs (PST). Dans cette nouvelle situation, Moreno et un groupe de cadres argentins, ensemble avec la direction du PST colombien, promeuvent la construction d'organisations révolutionnaires au Panama, au Costa Rica, au Nicaragua, en Bolivie, au Venezuela, au Mexique, en Suède, à El Salvador, en Espagne, au Portugal, aux Etats-Unis, au Brésil, au Pérou...
   Pendant son exil en Colombie, Moreno aide à organiser la Brigade Simon Bolivar pour participer au combat du Front Sandiniste de Libération Nationale contre Somoza. Deux semaine après la chute de Somoza, Moreno justifie cette activité dans une intervention au Comité Central du PST colombien : « Cela fait plus de deux ans que nous avons affirmé qu'il était très probable que le Front Sandiniste de Libération Nationale deviendrait à court ou moyen terme l'avant-garde indiscutée de la lutte des masses contre Somoza, et quand les autres conditions ont commencé à se vérifier, nous avons vu la certitude de la victoire. Nous, les opposants à la guérilla depuis le début du castrisme, nous qui avons été les premiers à dénoncer l'erreur de considérer la guérilla comme une stratégie continentale et qui avons commencé la bataille, ensemble avec le SWP, contre la déviation guérillériste dans notre Internationale, nous avons dit : "dans ce cas, oui, la guérilla est valable". [...] Nous n'avons jamais écarté la guérilla comme une tactique dans certains endroits et à certains moments. »Le Front Sandiniste de Libération Nationale
   Après la victoire, le 17 juillet 1979, alors que les sandinistes imposent un Gouvernement de Reconstruction Nationale avec certains secteurs de la bourgeoisie, la Brigade se consacre à organiser la classe ouvrière en construisant des syndicats. Cette action a tellement de succès que la centrale syndicale sandiniste, une fois fondée, sera constituée à 70% par des syndicats formés par la Brigade. Une marche de plus de 3.000 Nicaraguayens accompagne les brigadistes qui demandent que le gouvernement les reconnaisse comme citoyens nicaraguayens. Mais les sandinistes arrêtent les brigadistes et les expulsent du pays en les extradant à la police du Panama, qui les met en prison, les frappe et les torture. La Fraction Bolchevique exige du Secrétariat Unifié de condamner la répression sur la Brigade Simon Bolivar, mais le SU envoie plusieurs de ses plus importants dirigeants au Nicaragua pour s'entretenir avec les dirigeants sandinistes et remettre à ces derniers une lettre dans laquelle il condamne la Brigade Simon Bolivar.

La naissance de la LIT-QI

Le Comité Central de l'Organisation Communiste Internationaliste (OCI) française, ainsi que d'autres courants trotskystes, se solidarisent avec la Fraction Bolchevique et avec la Brigade Simon Bolivar. La Fraction Bolchevique, dirigée par Moreno, rompt avec le SU et constitue, avec le Comité pour la reconstruction de la Quatrième Internationale (CORQI - l'organisation dirigée par Lambert) et la Tendance Léniniste Trotskyste (TLT - une Fraction du SU), le Comité Paritaire qui a pour but de tester la possibilité d'unifier ces trois courants dans une organisation internationale commune et faire ainsi un saut dans la reconstruction de la IVème Internationale.

Le Congrès de Fondation de la nouvelle organisation internationale Quatrième Internationale - Comité International (QI-CI) a lieu à Paris en 1980 et c'est dans ce cadre que Moreno écrit les Thèses d'Actualisation du Programme de Transition.
   L'expérience avec le lambertisme (voir le bilan de Moreno) est toutefois de courte durée. Ce courant capitule face au gouvernement de front populaire de Mitterrand en France et la QI-CI explose. En 1981, Ricardo Napurí, du Pérou, et Alberto Franceschi, du Venezuela, deux dirigeants du lambertisme, rejoignent l'ex-Fraction Bolchévique et un nouveau regroupement se prépare. La Conférence de Fondation de la Ligue Internationale des Travailleurs - Quatrième Internationale (LIT-QI) a lieu à Bogota (Colombie) en janvier 1982 avec les « Thèses sur la nécessité de construire une organisation et une direction internationales ». Y participent des délégués de 18 pays (la plupart de l'ex-FB). Ricardo Napurí et Alberto Franceschi y adhèrent avec un groupe important de militants. Dans une intervention à la Conférence, Moreno conclut : « Il ne peut pas y avoir un programme international sans un parti du même type. La fondation de la LIT-QI est la plus urgente et la plus impérieuse de nos nécessités. Si nous ne la fondons pas, cela signifierait que le révisionnisme international est organisé, structuré dans le SU ou autour de Pablo et de Lambert, tandis que nous, les trotskystes orthodoxes, ne le sommes pas. Ce serait une façon de faciliter le triomphe du révisionnisme et d'assurer notre défaite, puisque, sans organisation centralisée, il n'y a aucune possibilité de mettre en échec nos ennemis révisionnistes et encore moins les grands appareils bureaucratiques. ».

Jusqu'au socialisme, toujours !

La LIT-QILors de la Guerre des Malouines entre l'Argentine et l'Angleterre en 1982, Moreno défend une position très polémique dans la gauche argentine et mondiale. En suivant les recommandations de Trotsky, il appelle la classe ouvrière argentine à se placer, du point de vue militaire, du côté de la dictature assassine contre l'empire anglais « démocratique ». L'affrontement marque la fin de la dictature militaire et Moreno revient clandestinement en Argentine. Pour des raisons de légalité, un « nouveau » parti, le Mouvement au Socialisme (MAS), est créé sans attendre le verdict de la justice sur l'illégalité du PST. A partir d'une appréciation correcte de la réalité, le parti sort de la clandestinité, même avant que le dernier représentant de la Junte militaire quitte la scène. En 1983, le MAS ouvre 300 locaux, organise des meetings dans des stades de foot avec des milliers de personnes et gagne un nombre important de militants.
   L'année suivante, Moreno s'installe quelques mois en Espagne pour y aider le PST qui traverse une importante crise. L'orientation fondamentale que propose Moreno au parti espagnol est de s'orienter vers le mouvement ouvrier et ses luttes. Ce faisant, le PST intervient pleinement dans la grande grève des chantiers navals. Au Brésil, Convergencia Socialista (CS) dirige une liste syndicale qui gagne les élections dans un des plus importants syndicats ouvriers du pays, celui des métallos de Belo Horizonte et de Contagem. Avec la fin de la dictature militaire dans ce pays en 1985, le nouveau gouvernement brésilien permet à Moreno de retourner dans ce pays et de reprendre contact avec les principales activités ouvrières de CS. Il donne à ce parti une recommandation qui sera décisive pour sa construction : concentrer l'essentiel de son activité sur les luttes ouvrières et les oppositions syndicales. Les listes dirigées par CS gagnent les élections dans le syndicat des banques de Rio de Janeiro et dans celui des Métallos de São José dos Campos.
   En 1986, Moreno voyage une dernière fois en Europe et s'entretient avec d'importants dirigeants du Worker's Revolutionary Party (WRP - Parti révolutionnaire des Travailleurs) de Grande-Bretagne. En Espagne, il accompagne les mobilisations à l'occasion du référendum sur l'OTAN, en prenant position contre le Gouvernement de Felipe González, ce qui est décisif pour orienter le PST dans la bataille des élections nationales (où le parti obtient 84.000 voix) et des élections syndicales.
   Le 25 janvier 1987, à 62 ans, Nahuel Moreno meurt de façon inattendue à Buenos Aires, à cause d'une insuffisance cardiaque. Plusieurs milliers de militants assistent à ses funérailles, et la plupart des partis trotskystes du monde, tout comme les centrales syndicales d'Espagne, de Bolivie, du Brésil et de Colombie, envoient des lettres de condoléances. L'ancien compagnon et adversaire politique, Ernest Mandel, évoqua ainsi son souvenir : « Avec lui s'éteint un des derniers représentants du groupe de cadres dirigeants qui, après la Seconde Guerre mondiale, a maintenu la continuité du combat de Léon Trotsky dans des conditions difficiles. »
   C'est en polémique avec Mandel, dans Le Parti et la révolution, de 1973, que Moreno avait conclut : « La construction d'un parti révolutionnaire mondial des travailleurs est la tâche la plus considérable que l'être humain s'est jamais proposée. Du fait de son immensité et des ennemis surpuissants auxquels elle se heurte, c'est une tâche très longue et très difficile. Nous ne sommes qu'une poignée de militants à combattre - avec la seule arme morale de notre confiance inconditionnelle et aveugle dans le mouvement de masses et la classe ouvrière - l'impérialisme et la bureaucratie, c'est-à-dire une classe et une caste qui ont concentré entre leurs mains le pouvoir le plus important que l'humanité ait jamais connu. [...] Ce que nous avons vécu jusqu'à présent, n'est que la préhistoire du Parti Mondial de la Révolution des Travailleurs. [...] Mais aujourd'hui, nous sommes en train de quitter la préhistoire et d'entrer dans l'histoire de la IVème Internationale. [...] Et toutes ces erreurs, divisions, discussions amères du passé et du présent, ne sont rien d'autre que les douleurs de l'enfantement de ce parti mondial à influence de masse. La IVème Internationale que nous connaissons est en même temps l'embryon et l'accoucheuse de ce parti. C'est pourquoi nous y sommes et nous y resterons. » Moreno a dû quitter l'organisation de Mandel, mais pas le combat pour la construction de la IVème Internationale, bien au contraire !
                                
[1] Ernesto González (coordinador) El trotskismo obrero e internacionalista en la Argentina - Vol. I p.77
Cette collection de plusieurs volumes fournit des informations de première main sur la trajectoire de Moreno.
Voir aussi Martin Hernandez, Vingt ans depuis la mort de Nahuel Moreno, dans le numéro spécial de Marxisme Vivant, 2007, ainsi que la chronologie à la fin de ce numéro spécial.
[2] El Socialista 55 du 14/12/06

Le 23 décembre 2019

La crise de l'Union européenne

L'Union européenne (UE) subit sa pire crise depuis sa fondation. Loin d'être circonstancielle, ce sont ses propres bases qui tremblent.

En pleine vague dépressive commencée en 2007/08, et où l'urgence climatique joue son rôle, l'UE est mise à mal par le conflit entre les Etats-Unis et la Chine, et elle a perdu sa place dans la division mondiale du travail. Cela concerne d'abord l'Allemagne, mais en conséquence l'ensemble de l'économie européenne.

La propagande officielle nous présente l'UE comme le refuge des valeurs européennes : la paix, les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat-providence. Cependant, ces dernières années ont clairement montré son vrai visage : une machine de guerre sociale rigoureusement hiérarchisée, avec le capitalisme allemand au poste de commande, en alliance avec le capitalisme français.

10 mai 2019

Manifeste à l'occasion des prochaines élections européennes
L'Union Européenne est une machine de guerre contre la classe ouvrière et les peuples
d'Europe
Il faut rompre avec l'UE et l'euro pour construire une Europe des travailleurs !

Ce manifeste voit le jour en pleine bataille des Gilets jaunes, le mouvement populaire qui en est venu à s'opposer au régime de Macron et à remettre en cause les inégalités sociales. Cette remise en cause intervient alors que les capitalistes français, pris dans une crise plus globale du mode de production, tentent par tous les moyens de pressurer la classe ouvrière et les autres catégories de la population susceptibles de contribuer à la restauration de leur taux de profit.
L'Union Européenne, construite par et pour les capitalistes, est un outil essentiel à cette fin.
La lutte des Gilets jaunes s’oppose donc objectivement à l'UE et à ses politiques. De plus, elle se déroule en France, un des pays pesant le plus dans son fonctionnement et dans l'application des mesures austéritaires brutales dans les autres pays d'Europe.
Lire le manifeste.

4 janvier 2019

Les gilets jaunes français : quelques premiers enseignements

Une déclaration des organisations européennes de la Ligue Internationale des Travailleurs (LIT-QI)

7 juin 2017

Construire une alternative révolutionnaire à la crise de l'UE

Face à la crise financière de 2007/2008, les principaux pays impérialistes européens ont fait appel au sauvetage public des banques et au pillage de la périphérie afin d'éviter la faillite financière, l'effondrement de l'euro et la chute dans la dépression. Et dans certains pays centraux, comme la Grande-Bretagne, ils ont lancé de fortes attaques contre les acquis sociaux.
   Les pays débiteurs de la périphérie ont été soumis à des traitements de choc moyennant l'intervention par la Troïka. Leurs budgets publics ont été expropriés et des plans d'ajustement sauvages et des contre-réformes ont été imposés, ce qui y a installé un nouveau modèle d'exploitation et a augmenté leur dépendance, au point d'en arriver à changer le statut national de pays comme la Grèce et le Portugal, réduits à des semi-colonies de l'impérialisme allemand et européen.
   Voici une déclaration des organisations de la LIT-QI en Europe